L’Algérie courtisée pour ses approvisionnements : Quelle stratégie gazière ?
L’Algérie est aujourd’hui courtisée par l’Europe pour son gaz naturel, alors que les menaces sur l’approvisionnement de l’UE en énergie montent dans le sillage du conflit ukrainien et des sanctions économiques prises par les Occidentaux contre Moscou. Une question demeure : Si la conjoncture actuelle est favorable pour un renforcement des positions de l’Algérie sur le marché à long terme, quelle posture est plus à même de servir la stratégie et les intérêts de l’Algérie à long terme ?
Le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio en compagnie du P-DG du groupe énergétique italien, Eni, a effectué une visite éclaire, hier à Alger. Une visite au cours de laquelle il a été reçu par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et au cours de laquelle il a eu des entretiens avec le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationales à l’étranger, Ramtane Lamamra, ainsi qu’avec le ministre de l’Énergie, Mohamed Arkab et le P-DG de la Sonatrach, Toufik Hakkar.
Selon le bref communiqué du département de Ramtane Lamamra, les entretiens ont évoqué « les nouvelles opportunités de consolidation du partenariat stratégique algéro-italien ».
Il faut cependant noter que le motif de la visite du MAE italien en Algérie est on ne peut plus clair, et celui-ci ne s’en est pas caché d’ailleurs. L’Europe cherche des alternatives au gaz russe, et Luigi di Maio est venu à Alger pour demander des livraisons de gaz supplémentaires à la Sonatrach, sur fond de craintes sur l’approvisionnement du marché européen en gaz russe. Au-delà du conflit en Ukraine, c’est la batterie de sanctions économiques que les occidentaux entendent imposer à la Russie à l’image de l’exclusion des banques russes du système Swift ou du gel évoqué des transactions avec la banque centrale russe qui fait peser une menace réelle sur les ventes de gaz russe à l’Europe.
Il est vrai que l’Algérie est sur le plan géographique le fournisseur qui dispose des atouts pour suppléer dans une certaine mesure en matière d’approvisionnement gazier. Elle s’est illustrée par le respect de ses engagements contractuels et dispose de capacités de transports par gazoducs importantes non utilisées, notamment via le gazoduc Enrico Mattei reliant l’Algérie à l’Italie. Et pour courtiser l’Algérie 3e fournisseur de gaz de l’Europe après la Russie, les Européens usent de la carte de la diversification des approvisionnements du marché européen du gaz, mais aussi de celle de la diversification de la coopération, notamment en énergies renouvelables.
Il faut cependant noter que dans l’équation, il est des facteurs qu’il est nécessaire de prendre en considération. Le fait est que la Russie assure actuellement 40% des approvisionnements du marché européen du gaz et 20% de la production mondiale de gaz naturel. Chercher des alternatives au gaz russe est aujourd’hui impossible pour les producteurs de gaz, notamment au regard de leurs capacités actuelles de production, minées par le désinvestissement induit par le krach des prix du gaz en 2020 dans le sillage de la pandémie et le chantage exercé à l’époque par les pays consommateurs. D’où l’importance que l’Algérie accorde, tout comme les autres producteurs de pétrole et de gaz membres de l’Opep+ et du Fpeg, à la question de la stabilité des marchés énergétiques qui seule peut garantir le maintien de d’investissements suffisants afin de consolider la production et couvrir la demande sur le marché. Dans le cas du gaz, cette stabilité est d’ailleurs assise sur les contrats à long terme. Une stabilité mise également en péril par les tensions géopolitiques alimentées dans les zones de production ainsi que les sanctions imposées en dehors du cadre onusien. Une position d’ailleurs soulignée par les chefs d’États du Forum des pays exportateurs de gaz lors de la réunion qu’ils ont tenue la semaine dernière à Doha.
Samira Ghrib