Protection de la haute mer : L’ONU parvient à un accord après plus de 15 ans de discussions
Les États membres de l’ONU se sont enfin mis d’accord sur le premier traité international de protection de la haute mer, destiné à contrecarrer les menaces qui pèsent sur des écosystèmes vitaux pour l’humanité. «Le navire a atteint le rivage», a annoncé la présidente de la conférence Rena Lee, au siège de l’ONU à New York samedi peu avant 21H30, sous les applaudissements nourris et prolongés des délégués. Après plus de 15 ans de discussions, dont quatre années de négociations formelles, la troisième «dernière» session à New York a finalement été la bonne, ou presque. Les délégués ont finalisé le texte au contenu désormais gelé sur le fond, mais il sera formellement adopté à une date ultérieure après avoir été passé au crible par les services juridiques et traduit pour être disponible dans les six langues officielles de l’ONU. Le contenu exact du texte n’a pas été publié dans l’immédiat mais les militants l’ont salué comme étant un tournant décisif pour la protection de la biodiversité. «C’est un jour historique pour la conservation et le signe que dans un monde divisé la protection de la nature et des personnes peut triompher sur la géopolitique», a déclaré Laura Meller, de Greenpeace. Après deux semaines d’intenses discussions, dont une session marathon dans la nuit de vendredi à samedi, les délégués ont finalisé un texte qui ne peut désormais plus être modifié de manière significative. «Il n’y aura pas de réouverture ni de discussions de fond» sur ce dossier, a affirmé Rena Lee aux négociateurs. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a félicité les délégués, selon un de ses porte-paroles qui a déclaré que cet accord est une «victoire pour le multilatéralisme et pour les efforts mondiaux visant à contrer les tendances destructrices qui menacent la santé des océans, aujourd’hui et pour les générations à venir». La haute mer commence où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des États, à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes et n’est donc sous la juridiction d’aucun État. Même si elle représente plus de 60% des océans et près de la moitié de la planète, elle a longtemps été ignorée dans le combat environnemental, au profit des zones côtières et de quelques espèces emblématiques. Avec les progrès de la science, la preuve a été faite de l’importance de protéger tout entier ces océans foisonnant d’une biodiversité souvent microscopique, qui fournit aussi la moitié de l’oxygène que nous respirons et limite le réchauffement climatique en absorbant une partie importante du CO2 émis par les activités humaines. Mais les océans s’affaiblissent, victimes de ces émissions (réchauffement, acidification de l’eau…), des pollutions en tout genre et de la surpêche. Alors le nouveau traité, quand il entrera en vigueur après avoir été formellement adopté, signé puis ratifié par suffisamment de pays, permettra de créer des aires marines protégées dans ces eaux internationales. Environ 1% seulement de la haute mer fait l’objet de mesures de conservation, et cet outil emblématique est jugé indispensable pour espérer protéger d’ici 2030 30% des terres et des océans de la planète, comme s’y sont engagés l’ensemble des gouvernements de la planète en décembre. «Les zones de haute mer protégées peuvent jouer un rôle essentiel pour renforcer la résilience face aux effets du changement climatique», a déclaré Liz Karan, de l’ONG Pew Charitable Trusts qui a qualifié cet accord de «réalisation capitale». Le traité sur «la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale» introduit également l’obligation de réaliser des études d’impact sur l’environnement des activités envisagées en haute mer. Enfin, chapitre hautement sensible qui a cristallisé les tensions jusqu’à la dernière minute, le principe du partage des bénéfices des ressources marines génétiques collectées en haute mer. Les pays en développement qui n’ont pas les moyens de financer de très coûteuses expéditions et recherches se sont battus pour ne pas être exclus de l’accès aux ressources marines génétiques et du partage des bénéfices anticipés de la commercialisation de ces ressources – qui n’appartiennent à personne – dont entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques espèrent tirer des molécules miracles.
K.L.