Quelles perspectives pour la dynamisation des secteurs hors hydrocarbures en Algérie?
Par Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités et expert international.
Le fondateur de la statistique moderne Morgenstern, sur la recherche opérationnelle, a attiré l’attention sur le danger de la manipulation des statistiques et surtout a insisté sur leur véracité et leur cohérence, afin d’éviter les dérives des politiques économiques.
Pour, l’Office national des statistiques, les exportations de l’année 2022 se sont élevées à 9.157,4 milliards de DA contre 5.391,9 milliards de DA durant l’année 2021, (le cours moyen étant 135/137 dinars un dollar), soit une hausse de 69,8% en valeurs courantes. Les importations se sont élevées à 5.705,3 milliards de DA pour l’année 2022, contre 5.097,5 milliards de DA au cours de l’année précédente, soit une hausse en valeurs courantes de 11,9%. Il en résulte pour la même période un excédent commercial de 3.452,1 milliards de DA. Cette dernière s’articule autour de l’amélioration des capacités et du taux de couverture des importations par les exportations qui passe de «105,8% en 2021 à 160,5% en 2022». Les termes nets de l’échange passent de 73,2% en 2021 à 108,5% en 2022.- Selon les données officielles de la douane pour 2022, nous avons la structure en valeur la suivante : Chimie, pétrochimie et dérivées hors hydrocarbures 4248,09 millions de dollars ; médicaments et produits pharmaceutiques 3,61 millions de dollars; matériaux de construction dont ciment et donc ciment t à béton 1017,43 millions de dollars ; métallurgie /sidérurgie 423,40 millions de dollars; plastique, caoutchouc , verre 172,00 millions de dollars; autres secteurs industriels 415,12 millions de dollars. En rappelant que selon un rapport officiel du premier ministère -diffusé par l’APS- durant les trente dernières années à fin 2020, l’assainissement de entreprises publiques a couté au trésor 250 milliards de dollars dont 90% des entreprises publiques sont revenues à la case de départ , donc ce n’est pas uniquement dû au capital argent, et toujours selon un apport de l’ex ANSEJ( source APS 2022) plus de 70% des crédits octroyés dans le cadre de l’emploi de jeunes n’ont pu être remboursés.
Plus précisément, selon le ministère du commerce cité par l’APS, les exportations hors hydrocarbures sont ventilées selon les clients ainsi ; en premier lieu, nous avons les pays européens qui représentent plus de 50% des échanges hors-hydrocarbures. La France, plus de 700 millions de dollars, l’Italie 415 millions de dollars, et l’Allemagne 264 millions de dollars. Pour le continent américain, les Etats-Unis figurent en tête du classement avec des exportations avoisinant 415 millions de dollars. S’agissant des pays africains, la Côte d’Ivoire occupe la première place (70 millions de dollars), suivie du Niger (63 millions de dollars), du Ghana, de la Mauritanie et du Sénégal (30 millions de dollars chacun). Concernant les exportations hors hydrocarbures vers les pays arabes, la Tunisie arrive en tête avec 124 millions de dollars, puis la Jordanie (55 millions de dollars), l’Irak et la Syrie (20 millions de dollars chacun. Du point de vue structurel, les exportations en 2022 du rond à béton a atteint 577,45 millions de dollars, celles du ciment 424 millions de dollars, la céramique 15,91 millions de dollars… La catégorie des produits chimie, parachimie et dérivés d’hydrocarbures et les exportations d’engrais se sont élevées à 1,8 milliard de dollars en 2022, et les solvants naphta, hélium et le benzène respectivement 773,8 millions de dollars 78 millions de dollars et 51,78 millions de dollars. S’agissant de la branche métallurgie et sidérurgie, les exportations ont été de 423,4 millions de dollars, dont des tubes, tuyaux et profilés en fer ou en acier dont le montant a été de 14 millions de dollars. Les barres et profilés en cuivre de 5,7 millions de dollars. Pour la catégorie «autres secteurs industriels», qui inclut notamment le papier, le textile, les appareils électriques, bois et liège, et équipements et appareils mécaniques, les exportations ont été de 102,46 millions. En 2022, les exportations de produits agro-alimentaires, notamment les biscuits additionnés d’édulcorants ont été de 9,6 millions de dollars, les jus et mélanges de jus de 1,8 million de dollar et chocolat et autres préparations alimentaires contenant du cacao avec des exportations de 1,6 million de dollars et plus de 100 millions de dollars d’exportations de dattes et de caroubes.
Les produits dérivées d’hydrocarbures ont pesé sur la hausse des exportations hydrocarbures. Cela est dû à l’effet prix en 2022 et non pas à l’effet volume représentent 65,02% du total. Si l’on inclut le ciment, le rond à béton, dominants dans les matériaux de construction, les exportations hydrocarbures sont essentiellement des semi-produits à faible valeur ajoutée et bénéficiant d’importantes subventions (dont le prix du gaz à environ 10/20% du prix international). Dans ce cadre, je rappelle que les recettes (pas le profit net devant déduire les coûts et la part des associés étrangers), 106 dollars le Brent et 16 dollars le MBTU pour le gaz, selon le bilan de Sonatrach, ont été de 60 milliards de dollars fin 2022. Au cours du premier semestre de l’année 2023, le volume des exportations hors hydrocarbures s’est élevé à 2,5 milliards de dollars (9,4 % du total des exportations), contre 3,2 milliards de dollars au premier semestre de l’année 2022, enregistrant ainsi une baisse de 22,4% ce qui donnerait en tendance fin 2023, à 5 milliards de dollars ( source APS). Alors que certains soi disant experts induisant en erreur tant les décideurs que l’opinion publique affirmaient sans analyse 10 milliards de dollars fin 2023 et 13 milliards de dollars fin 2024. Avec les hydrocarbures , une légère augmentation en volume d’environ de 1% et tenant compte de la forte consommation intérieure, presque équivalente aux exportations, de la nécessaire réinjection dans les puits -entre 15/20% du volume produit pour éviter l’épuisement des puits-, la recette de Sonatrach, où selon son PDG (Voir APS du 10/07/2023), ayant été de 21 milliards de dollars durant les cinq premiers mois de 2023, l’on peut tabler sur une recette, d’ici à fin 2023, d’environ 50 milliards de dollars.
Mais, pour bien situer les enjeux des exportations hors hydrocarbures dans le temps et non se fier aux facteurs conjoncturels, il faudrait pour un bilan serein en dressant la balance devises nette et donc répondre aux questions fondamentales suivantes. Quelle est la part des entreprises publiques et privées et leurs formes d’organisation, entreprises par actions, SARL ou unités uni personnelles ; la répartition spatiale par zones géostrophiques, en mentionnant le chiffre d’affaires, la structure des coûts; mettre en place des tableaux comptables de prospectives physico-financiers, afin d’ analyser les évolutions des exportations en volume et entre 2000/2022 pour corriger l’effet prix ; le taux d’intégration des unités exportatrices devant retirer toute les matières premières et services importées en devises qui ont un impact sur la balance des paiements et enfin quantifier les subventions dont les bonifications des taux d’intérêt et pour les unités fortes consommatrices d’énergie, aligner le prix du gaz sur celui du prix international pour calculer leur rentabilité réelle dans un cadre concurrentiel mondial.
En conclusion, avec les dérivées, les exportations algériennes sont dominées à 97/98% par les hydrocarbures . Car un projet mis en exploitation en 2024 nécessitera 2/3 ans pour sa rentabilité pour les PMI/PME et entre 5/8 ans pour les projets hautement capitalistiques ,cet objectif sera fondamentalement tributaire des dérivées d’hydrocarbures représentant l’essentiel, où toute baisse ou hausse des prix sur le marché international a un effet positif ou négatif sur la future structure des exportations hors hydrocarbures en Algérie. Aussi, pour atteindre 10 milliards de d’exportation hors hydrocarbures, y compris les dérivées d’hydrocarbures , en référence à la structure des prix au niveau international de 2022//2023, il faudra augmenter le volume de près de 40%, nécessitant de profondes réformes structurelles permettant des entreprises compétitives qu’elles soient privées ou publiques en termes de coûts et de qualité.