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Sahara occidental  : Les arrêts de la CJUE, un référentiel légal auquel l’UE devra se conformer

Dans une série de décisions historiques, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) vient de porter un nouveau coup à la politique de colonisation du Maroc au Sahara occidental. Ces arrêts, qualifiés d' »extrêmement forts » par Me Gilles Devers, avocat du Front Polisario, marquent un tournant décisif dans la reconnaissance internationale du statut distinct du territoire sahraoui La dernière décision en date concerne l’étiquetage des produits agricoles. La CJUE a statué que les melons et tomates récoltés au Sahara occidental doivent explicitement indiquer ce territoire comme pays d’origine, et non le Maroc. Cette exigence, apparemment technique, revêt une importance capitale : elle réaffirme le statut « séparé » et « distinct » du Sahara occidental par rapport au royaume chérifien. La Cour a été claire : mentionner le Maroc comme origine de ces produits « induirait les consommateurs en erreur ». Cette décision fait suite à une action de la Confédération paysanne, un syndicat agricole français, qui avait contesté l’étiquetage trompeur de produits sahraouis commercialisés comme marocains.

Cette décision s’inscrit dans une longue série d’arrêts cohérents. Depuis 2015, la justice européenne a systématiquement invalidé l’application des accords UE-Maroc au Sahara occidental : en décembre 2015, l’annulation de l’application de l’accord commercial, en 2016, la  confirmation de l’inapplicabilité de l’accord commercial; en février 2018, l’invalidation de l’accord de pêche; en novembre 2018, l’exclusion du territoire de l’accord aérien et enfin en septembre 2021, l’invalidation des accords de pêche et d’agriculture. La CJUE va plus loin en définissant le Sahara occidental comme un « territoire douanier » distinct au sens du droit de l’Union. Cette qualification n’est pas anodine : elle implique que les préférences tarifaires accordées au Maroc ne peuvent s’appliquer aux produits sahraouis. Face à cette situation, l’Observatoire international WSRW appelle à des mesures concrètes. Il appelle ainsi à saisir l’Office de lutte antifraude de l’UE concernant les droits de douane impayés depuis 2000, à appliquer des droits douaniers de pays tiers aux importations du Sahara occidental et à à vérifier rigoureusement l’origine des produits déclarés comme marocains.

L’un des points cruciaux soulevés par la Cour concerne la notion de consentement. Me Devers souligne que le Maroc a tenté de substituer la « consultation des populations » au « consentement du peuple sahraoui ». La CJUE a fermement rejeté cette approche, rappelant que seul le peuple sahraoui, « titulaire du droit à l’autodétermination », peut donner son consentement valide. La Cour précise que la consultation menée par la Commission européenne et le Service européen d’action extérieure s’est adressée principalement aux « habitants actuels » du territoire, dont « la majeure partie n’appartient pas à ce peuple » – une référence à peine voilée aux colons marocains.

La décision renforce également la position du Front Polisario, reconnu comme « sujet de droit international » et « représentant du peuple sahraoui ». Cette reconnaissance juridique lui permet d’agir devant toutes les juridictions européennes. Me Devers souligne l’importance de cette reconnaissance qui « va avoir des effets juridiques décisifs », bien au-delà de la « satisfaction morale » qu’elle apporte aux Sahraouis. L’avocat du Front Polisario insiste sur le caractère exécutoire de ces décisions : « Les politiques vont devoir changer, les entreprises vont devoir s’y plier ». Il tend la main à la Commission et aux entreprises européennes pour des négociations directes avec le représentant légitime du peuple sahraoui. Cependant, il avertit aussi que le Front Polisario, fort de ces victoires juridiques obtenues après dix ans de procédures, n’hésitera pas à engager « des procédures bien ciblées » si nécessaire. « Ce qu’on veut, c’est discuter, passer des accords et réussir le développement du territoire », affirme-t-il, tout en prévenant que si l’Europe n’est pas « au rendez-vous », le Front utilisera « des méthodes légalistes mais particulièrement strictes ». Ces décisions de la CJUE constituent désormais le référentiel légal auquel l’UE devra se conformer dans ses relations avec le Maroc, marquant potentiellement un tournant dans la question du Sahara occidental.

L.S.

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