Culture

17e FNTP : « Aqd El Djouhar » et « Essakia » présentées

Le 17e Festival national du théâtre professionnel (FNTP), qui se déroule jusqu’au 30 décembre 2024 à Alger, continue d’offrir au public des créations théâtrales de grande qualité, particulièrement marquées cette année par la commémoration du 70e anniversaire du déclenchement de la Guerre de libération nationale. Les dernières représentations en compétition illustrent parfaitement cette tendance, avec notamment deux pièces majeures qui ont captivé le public algérois : « Aqd El Djouhar » du Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA) et « Essakia, les grands ne meurent pas » du Théâtre régional de Souk Ahras. « Aqd El Djouhar » (le collier de perles), présentée samedi soir sur la scène du TNA, propose une lecture contemporaine de l’histoire algérienne à travers une adaptation d’extraits de l’œuvre éponyme du regretté dramaturge M’Hamed Benguettaf (1939-2014). Sous la direction du metteur en scène Haïder Benhassine, une vingtaine d’artistes, entre comédiens et danseurs, ont donné vie à cette épopée historique qui retrace les premières résistances populaires face à l’occupation française. La mise en scène, s’inspirant de la dimension brechtienne chère à Benguettaf, adopte une approche novatrice du « théâtre dans le théâtre », où les artistes évoluent dans un espace scénique délibérément dépouillé, laissant apparaître les coulisses et les penderies des comédiens. Cette sobriété scénographique, conçue par le metteur en scène en collaboration avec Abdelghani Mazouz, met en valeur la force du texte et la performance des comédiens, parmi lesquels Sifeddine Bouha, Bouhadjar Boutchiche, Ghazel Laloui et Djaffar Benhalilou. Les chorégraphies de Youcef Meftah, particulièrement saisissantes dans leur évocation des violences coloniales, sont magnifiées par la bande sonore de Bahr Bensalem.

La veille, le public découvrait « Essakia, les grands ne meurent pas », une production du Théâtre régional de Souk Ahras mise en scène par Soumia Bounab sur un texte de Mazen Fareh Ilyès. Cette pièce de 70 minutes plonge les spectateurs dans l’un des épisodes les plus tragiques de la guerre d’Algérie : les massacres de Sakiet Sidi Youcef en Tunisie, perpétrés le 8 février 1958. À travers le personnage de Rebiha, une veuve de chahid interprétée avec brio par Lydia Laarini, et celui d’une infirmière tunisienne incarnée par Sali Bennacer, la pièce met en lumière tant l’héroïsme des femmes algériennes que la solidarité indéfectible entre les peuples algérien et tunisien durant la lutte pour l’indépendance. La scénographie de Zine El Abidine Khettab, à la fois simple et fonctionnelle, crée un espace bipartite représentant les maisons et le maquis, tandis que l’éclairage et la bande son de Zekri Bensalah contribuent à l’intensité dramatique de l’œuvre.

Cette 17e édition du FNTP, qui a débuté le 20 décembre, présente un programme ambitieux de 19 spectacles en compétition, auxquels s’ajoutent plusieurs représentations hors concours. Les spectacles se déploient sur différents sites de la capitale : la salle Hadj-Omar du TNA, le Théâtre municipal d’Alger-centre, et même la Place Mohamed-Touri pour les spectacles de rue, témoignant de la volonté du festival de toucher un public varié et d’investir l’espace urbain. La programmation de cette année tend à revisiter l’histoire de la lutte pour l’indépendance, mais à travers des approches dramaturgiques variées et novatrices. Qu’il s’agisse du dispositif brechtien d' »Aqd El Djouhar » ou du réalisme poignant d' »Essakia », les créations présentées démontrent la vitalité et la diversité du théâtre professionnel algérien contemporain. Les metteurs en scène et leurs équipes artistiques parviennent à conjuguer devoir de mémoire et recherche esthétique, prouvant que le théâtre reste un medium privilégié pour transmettre l’histoire aux nouvelles générations tout en questionnant les formes de sa représentation. Le festival, qui s’achève aujourd’hui décembre, continue ainsi de remplir sa mission essentielle : promouvoir l’excellence théâtrale tout en maintenant vivante la mémoire collective de la nation.

M.S.

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