Palestine, Sahara occidental, Sahel et Syrie : Tebboune réaffirme les principes de la diplomatie algérienne
Dans un entretien accordé au journal français L’Opinion, le président Abdelmadjid Tebboune a exposé les principes de la politique étrangère algérienne, abordant avec franchise plusieurs enjeux internationaux majeurs.
Sur la question palestinienne, Tebboune a été sans équivoque : « Notre seule préoccupation, c’est l’instauration de l’Etat palestinien ». Il a rappelé que ses prédécesseurs, « les présidents Chadli et Bouteflika, que Dieu ait leurs âmes, avaient déjà expliqué qu’ils n’avaient aucun problème» avec l’entité sioniste. La normalisation des relations se fera « le jour même où il y aura un Etat palestinien. Ca va dans le sens de l’histoire ». L’Algérie a réussi à faire reconnaître la Palestine par 143 États de l’ONU comme membre à part entière.
Le président de la République s’est également exprimé à propos de la question du Sahara occidental et a réaffirmé l’engagement de l’Algérie envers la décolonisation. Abdelmadjid Tebboune a vertement critiqué le soutien français au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental. Lors d’une discussion avec Emmanuel Macron, il a prévenu : « Vous faites une grave erreur ! Vous n’allez rien gagner et vous allez nous perdre ». Il a rappelé à Macron : « Vous oubliez que vous êtes un membre permanent du Conseil de sécurité, donc protecteur de la légalité internationale ».
Le Maroc a été le premier à vouloir porter atteinte à l’Algérie
Sur le dossier marocain, Tebboune a été critique. Il a rappelé que « le Maroc a été le premier à vouloir porter atteinte à l’intégrité de l’Algérie avec son agression en 1963, neuf mois après l’indépendance, une agression qui a fait 850 martyrs ». Il a dénoncé les « visées expansionnistes » du Maroc, citant le fait qu’il « n’a reconnu la Mauritanie qu’en 1972, soit douze ans après son indépendance ».
L’Algérie a récemment interdit le survol de son espace aérien « parce qu’ils réalisent des exercices militaires conjoints avec l’armée israélienne à notre frontière, ce qui est contraire à la politique de bon voisinage que nous avons toujours essayé de maintenir ». Néanmoins, Tebboune a conclu : « Le peuple marocain est un peuple frère pour lequel nous ne souhaitons que le meilleur ».
L’Algérie ne cherche pas à administrer le Mali
Le président de la République a également évoqué la situation dans la région sahélienne. Il a déploré que « les Etats du Sahel, comme beaucoup d’autres pays africains, n’aient pas réussi à construire des institutions solides et plus résilientes ». Pour le Mali, l’Algérie avait « un plan de développement pour le nord du pays qu’elle était prête à financer à hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars », révèle-t-il. Face aux accusations de soutien à des groupes terroristes, il a répondu : « C’est aberrant. Nous avons permis la conclusion de l’Accord de paix d’Alger que le pouvoir malien a dénoncé l’année dernière » en expliquant qu’il s’agissait « d’une ingérence étrangère ». Et de marteler : « L’Algérie ne cherche pas à administrer le Mali que nous considérons comme un pays frère pour lequel notre main sera toujours tendue ».
Des révélations sur la Syrie
Concernant la Syrie, Tebboune a évoqué le sommet de la Ligue arabe à Alger en 2022, où il souhaitait réintégrer la Syrie. « Deux pays s’y sont opposés alors qu’ils ont invité le président Bachar el Assad au sommet suivant à Riyad. Il n’y a pas toujours de solidarité dans le monde oriental ». Il a précisé : « Nous avons toujours parlé à l’ex-président syrien tout en étant ferme avec lui. Nous n’avons jamais accepté les massacres contre son peuple ». Avec la Tunisie, Tebboune a exprimé son soutien à Kaïs Saïed, « qui a remis les pendules à l’heure en restaurant le régime présidentiel ». Il a précisé : « La Tunisie n’a pas de sérieux problèmes en dehors d’un endettement et d’une croissance faible. Nous l’aidons autant que l’on peut parce que c’est un excellent voisin qui a subi les bombardements de l’aviation coloniale à cause de son soutien à la Guerre d’indépendance algérienne ».
Conflit russo-ukrainien : dénoncer le double standard
Sur le conflit russo-ukrainien, Tebboune a dénoncé « le double standard » de certains pays. « L’Algérie est entière. Elle a du mal à comprendre le double standard. Il faudrait condamner l’intervention en Ukraine, mais pas l’annexion du Golan ou du Sahara occidental ». Il a révélé les coulisses d’une tentative de médiation : « Quand je suis allé voir Vladimir Poutine en Russie en juin 2023, Emmanuel Macron m’a dit de voir si je pouvais tenter quelque chose pour la paix. Le président russe m’a aussi donné son feu vert. Il était prêt à dialoguer, mais Volodymyr Zelensky n’a pas répondu ».
Des partenariats diversifiés
Le président de la République a également mis en avant la volonté de l’Algérie de diversifier ses partenaires. Concernant la Chine, il a rappelé : « nous avons une longue amitié ». Pour l’Italie, il a souligné : « Contrairement à l’extrême droite française, nous avons d’excellentes relations avec la droite radicale italienne, d’autant que nous n’avons aucun contentieux, ni mémoriel, ni autre. L’Italie a toujours été un partenaire très fiable ». Quant aux États-Unis, il a estimé que les relations sont « restées bonnes avec tous les différents présidents américains, qu’ils soient démocrates ou républicains ». Il a rappelé un souvenir personnel : « Lorsque j’ai été élu en 2019, (Donald Trump) m’a envoyé une lettre pour me féliciter quelques heures après les résultats, quand le président (français) Macron a mis quatre jours pour +prendre acte+ de mon élection ».
Les propos du président Tebboune évèlent une diplomatie algérienne ferme, pragmatique et soucieuse de ses principes.
Salim Amokrane