Implication directe de hauts responsables du régime marocain dans le trafic de drogue vers l’Algérie : Les révélations explosives de l’affaire « Escobar du Sahara »
De nouvelles révélations issues des audiences du procès de l’affaire « Escobar du Sahara » viennent documenter l’ampleur du trafic de drogue orchestré depuis le Maroc vers l’Algérie, mettant en lumière l’implication directe de hauts responsables du régime marocain dans ce commerce illicite.
Selon les dernières audiences tenues devant la Cour d’appel de Casablanca, plus de 200 tonnes de cannabis auraient été acheminées vers l’Algérie sur une période de près de vingt ans, grâce à un vaste réseau de complicités impliquant notamment des membres de l’armée marocaine. Au cœur de ce scandale qui a éclaté fin 2023 figure El Hadj Ahmed Ben Ibrahim, surnommé « le Malien », un baron de la drogue entretenant des relations étroites avec les plus hautes sphères du Makhzen. L’enquête a révélé une collusion systémique au sein de l’armée marocaine, des soldats ayant accepté des pots-de-vin pour faciliter la contrebande de stupéfiants vers le territoire algérien, agissant pour le compte de l’ex-député et homme d’affaires marocain Abdelnabi Bioui. Les investigations ont mis au jour des pratiques sophistiquées de dissimulation, incluant la manipulation des caméras de surveillance pour permettre l’acheminement des drogues sans détection, ainsi que l’organisation de faux témoignages destinés à entraver le cours de la justice. Les enregistrements téléphoniques des accusés, présentés lors des audiences, ont permis de documenter ces arrangements criminels, confirmant l’existence d’un système bien rodé de trafic transfrontalier. La défense de l’ancien président du Wydad de Casablanca, Saïd Naciri, également impliqué dans l’affaire, a notamment demandé l’audition de plusieurs personnalités, dont la chanteuse marocaine Latifa Raafat, ex-épouse du baron de la drogue Ahmed Ben Ibrahim, illustrant les ramifications de ce réseau jusque dans les milieux du sport et du divertissement marocains. Particulièrement accablantes sont les déclarations de Ben Ibrahim concernant le beau-frère d’Abdelnabi Bioui, surnommé « Malti », qui démontrent l’existence d’une véritable organisation criminelle structurée autour de figures influentes du royaume. L’ampleur de ce trafic est d’autant plus préoccupante que les saisies de drogue aux frontières marocaines révèlent une volonté manifeste de la part du régime marocain d’inonder l’Algérie de drogue. Les services de l’Armée nationale populaire (ANP) algérienne ont saisi pas moins de 36 tonnes de kif traité en provenance du Maroc pour la seule année 2024, témoignant de la menace que représente ce fléau et qui s’inscrit dans le cadre d’une guerre hybride menée par le régime du Makhzen à l’encontre de l’Algérie et contre laquelle aussi bien le ministre de l’Intérieur Brahim Merad et que le ministre délégué au ministre de la Défense nationale et Chef d’État-major de l’ANP, le Général d’Armée Saïdi Chanegriha ont plusieurs fois averti.
La partie émergée de l’iceberg
Des observateurs soulignent que ces poursuites judiciaires ne représenteraient que la partie émergée de l’iceberg, suggérant que la justice marocaine n’aurait ouvert ce dossier que sous la pression internationale, notamment après la révélation par la presse mondiale des détails de ce scandale transcontinental. Des fuites particulièrement compromettantes, rapportées par le journal espagnol « El Independiente », sont venues confirmer l’implication directe des services de renseignement marocains dans ce trafic, notamment depuis les territoires occupés du Sahara occidental. Selon un haut responsable du ministère de l’Intérieur marocain cité par le journal, les services de renseignement militaires superviseraient directement ces activités illicites, utilisant les bénéfices comme une « caisse noire » destinée à financer les politiques de l’État marocain au Sahara occidental et ses manœuvres diplomatiques internationales. Cette révélation prend une dimension particulièrement grave lorsqu’on la met en perspective avec les données de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), qui identifie le Maroc comme la principale source de résine de cannabis dans la région, avec une production atteignant 901 tonnes en 2022. Le journaliste marocain Ali Lahrouchi, installé à Amsterdam, a d’ailleurs affirmé que ces procès ne serviraient qu’à protéger les véritables architectes de ce trafic au sein du Makhzen, notamment le conseiller du roi, Fouad Ali El Himma, qui aurait été soigneusement écarté de toute poursuite judiciaire. Cette affaire met en lumière l’utilisation du trafic de drogue comme instrument de la politique étrangère marocaine, les fonds illicites servant notamment à corrompre des institutions et des responsables politiques en Europe, en Afrique et en Amérique latine, dans le but de rallier des soutiens à la position marocaine sur diverses questions régionales. Le scandale du Moroccogate, qui a révélé la corruption de députés européens, illustre parfaitement ces pratiques criminelles systémiques. L’occupation du Sahara occidental apparaît comme un élément central de ce dispositif criminel, les ports du territoire occupé servant de points de transit pour la cocaïne en provenance d’Amérique latine, avant son acheminement vers l’Europe via les réseaux de la « mocro-maffia ». Cette situation représente une menace croissante pour la stabilité régionale, comme en témoigne l’augmentation spectaculaire des saisies de cocaïne au Sahel, passant d’une moyenne annuelle de 13 kg sur la période 2015-2020 à 1466 kg en 2022. L’émergence de nouvelles routes maritimes reliant directement le Maroc au golfe de Guinée confirme la diversification des itinéraires et le renforcement des liens entre les réseaux criminels marocains et ceux d’Afrique de l’Ouest.
Salim Amokrane