Culture

Othmane Bali, le pionnier du « Blues du Désert »

Vingt années se sont écoulées depuis ce tragique 18 juin 2005, mais la mélodie envoûtante d’Othmane Bali continue de résonner dans les dunes du Sahara et bien au-delà.

L’homme qui a révolutionné la musique targuie en créant le fameux « Blues du Désert » reste une figure emblématique de la culture algérienne, un artiste visionnaire qui a su construire des ponts entre les traditions ancestrales du Tassili et les sonorités modernes du monde occidental. Né à Djanet en 1953, Mbarek Athmani – c’était son vrai nom – a grandi dans une famille de poètes mélomanes, bercé par la poésie « Tindie » que lui transmettait sa mère El Hadja Khadidja. Après avoir reçu son éducation coranique puis suivi un parcours scolaire classique jusqu’au secondaire à Tamanrasset, le jeune homme découvre sa passion pour la musique et commence à expérimenter avec les mélodies pentatoniques traditionnelles du « Tindi ». C’est au début des années 1970, alors qu’il travaille à l’hôpital de Djanet, qu’il fait la rencontre de l’instrument qui deviendra indissociable de son art : l’Oud.

Le génie d’Othmane Bali résidait dans sa capacité à fusionner avec une élégance rare les traditions musicales targuies avec les rythmes occidentaux, créant cette synthèse unique qu’il baptisera le « Blues du Désert ». Ses compositions, qu’il interprétait de sa voix présente et étoffée en tamasheq ou en arabe dialectal, portaient des titres évocateurs comme « Damâa » (La Larme), « Kaf Noun », « Djanet », « Hadi Moudda » (Cela fait longtemps), sans oublier son chef-d’œuvre incontournable « Amine Amine ».

L’artiste a commencé à partager sa musique avec le monde dès 1986 avec son premier album, avant de former son propre groupe l’année suivante. Ses collaborations internationales, notamment avec le musicien américain Steve Shehan, ont donné naissance à des albums remarquables comme « Assouf » (La Nostalgie) en 1995, « Assarouf » (Le Pardon) en 1997, et « Assekal » (Le Voyage) en 2008. Ces œuvres témoignent de sa volonté constante de créer des passerelles entre les peuples et d’instaurer un dialogue apaisé entre les cultures.

Aujourd’hui encore, les musiciens de la région gardent précieusement la mémoire de cet ambassadeur exceptionnel de l’art targui. Saïd Benkhira, membre du groupe « Tikoubawine » de Tamanrasset, le décrit comme « une figure artistique éminente et un symbole de l’art targui et de la culture algérienne, ses chansons imprégnées de l’héritage ancestral resteront à jamais gravées dans nos mémoires ». Il souligne également comment l’artiste « a utilisé avec audace et professionnalisme le quart de ton et les ambiances de la musique orientale arabe », insufflant ainsi un esprit particulier à la musique targuie dont il était devenu le meilleur ambassadeur.

La disparition brutale d’Othmane Bali à l’âge de 52 ans, emporté par les crues d’un oued lors des pluies torrentielles qui ont frappé Djanet entre les 16 et 17 juin 2005, a privé le monde musical d’un créateur d’exception. Inhumé au cimetière d’Aghoum, près de sa ville natale, il laisse derrière lui un héritage artistique inestimable qui continue d’inspirer les nouvelles générations de musiciens. Son œuvre demeure le témoignage vivant qu’il est possible de préserver l’authenticité d’une tradition tout en l’ouvrant aux influences du monde, créant ainsi une musique universelle qui transcende les frontières et les cultures.

Mohand Seghir

admin

admin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *