Importations : Les révélations de Rezig
La persistance des pratiques frauduleuses ont contraint le ministère du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations à durcir les procédures de contrôle.
Le ministre du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig, a levé le voile sur les véritables raisons ayant motivé l’instauration du programme prévisionnel d’importation, justifiant cette mesure par de graves dérapages dans les opérations d’importation sous couvert de production et de services. Dans une réponse détaillée au député de l’Assemblée populaire nationale Tahar Ben Ali, publié sur la page Facebook officielle de ce dernier, le ministre a dénoncé des pratiques frauduleuses systématiques qui ont contraint son département à durcir les procédures de contrôle.
Les nouvelles mesures, entrées en vigueur le 9 juillet dernier avec effet rétroactif au 1er juillet, exigent désormais des opérateurs économiques le dépôt d’un document intitulé « programme prévisionnel d’importation » pour le deuxième semestre 2025 dans leurs dossiers de domiciliation bancaire des opérations d’importation dans le cadre du « Fonctionnement » et de l’« Equipement ». Cette mesure, qui a initialement provoqué le blocage de nombreuses marchandises dans les ports du pays, s’accompagne également d’une autorisation préalable obligatoire pour la domiciliation des opérations d’importation de services. Kamel Rezig explique que « les mesures récemment adoptées s’inscrivent dans les missions et prérogatives de notre département ministériel, relatives au suivi et à l’organisation du commerce extérieur, en particulier des opérations d’importation, quelles que soient leur nature ». Le ministre a révélé qu’« une forte augmentation des importations de biens a été enregistrée au premier semestre 2025 par rapport à la même période de l’année 2024, notamment dans les domaines du fonctionnement et de l’équipement », justifiant ainsi l’urgence d’une intervention réglementaire. L’ampleur des irrégularités découvertes par les services du ministère dépasse les simples dépassements quantitatifs. « L’absence de suivi précis et effectif des importations réalisées par des opérateurs disposant de registres de commerce portant la mention « production » a conduit certains d’entre eux à importer des quantités dépassant leurs capacités de production, voire sans disposer d’unités de production réelles », a expliqué le ministre, mettant en lumière une première catégorie de fraudes caractérisées par l’utilisation abusive du statut de producteur.
Plus grave encore, les investigations ont révélé l’existence d’un véritable système de contournement impliquant l’utilisation détournée de statuts professionnels. « Des opérations d’importation ont également été effectuées par des personnes physiques et morales exerçant en dehors du secteur de l’importation, en utilisant des registres de commerce liés à d’autres activités, comme les prestataires de services, les détenteurs de cartes d’agriculteur ou d’artisan, et autres », a révélé Kamel Rezig. Ces pratiques, qualifiées par le ministre de « forme de contournement des règles en vigueur par ces opérateurs économiques, dans le cadre du suivi et de l’organisation des importations de marchandises destinées à la revente en l’état », témoignent d’une sophistication préoccupante dans les méthodes de fraude. L’impact de ces dérives sur l’économie nationale s’avère considérable. Le ministre a souligné qu’« auparavant, ces importations n’étaient pas soumises à un contrôle, ce qui a permis à certaines entreprises de les utiliser comme couverture pour introduire des produits destinés à la revente en l’état sur le marché national, ce qui a eu un impact négatif sur la compétitivité de la production nationale et a entraîné une importante consommation de devises ». Cette analyse met en évidence la double pénalisation subie par l’économie algérienne : d’une part, l’affaiblissement de la production locale face à une concurrence déloyale, et d’autre part, l’hémorragie des réserves de change.
Un nouveau mécanisme sera mis en place
Face aux critiques soulevées par la mise en œuvre initiale de ces mesures, notamment le blocage temporaire de marchandises dans les ports, le ministre a tenu à rassurer les opérateurs légitimes. « Les mesures prises concernant les différentes opérations d’importation ne visent pas à interdire ou restreindre l’importation, mais plutôt à en assurer un suivi rigoureux dans le cadre des activités de fonctionnement et d’équipement réalisées dans différents secteurs », a-t-il précisé, insistant sur la vocation régulatrice et non restrictive des nouvelles procédures. La chronologie des événements illustre la volonté gouvernementale de concilier fermeté dans la lutte contre la fraude et pragmatisme dans la gestion des flux commerciaux. Après l’instauration initiale des mesures le 9 juillet, plusieurs ajustements ont été apportés : prolongation du délai de dépôt jusqu’au 10 août, acceptation temporaire du visa unique du ministère du Commerce extérieur, intervention présidentielle le 31 juillet suivie d’une libération exceptionnelle des marchandises bloquées le 3 août, et mise en place d’un mécanisme spécifique pour les porteurs de projets industriels le 12 août.
Conscient des difficultés opérationnelles rencontrées, Kamel Rezig a annoncé que son département « mobilise tous ses moyens matériels et humains pour faciliter le dépôt et le retrait des programmes prévisionnels déposés par les opérateurs économiques ». Plus important encore, le ministre a révélé que ses services « préparent actuellement un mécanisme garantissant la rapidité, la souplesse et l’efficacité dans le traitement de ces demandes », laissant entrevoir une modernisation prochaine des procédures administratives.
En conclusion de sa réponse, le ministre a réaffirmé son « -entière disponibilité à prendre en charge les différentes préoccupations des opérateurs économiques concernant ces mesures, dans le respect de l’intérêt supérieur du pays et de l’économie nationale ».
Amar Malki