Le Festival du Raï s’ouvre à Oran : Quand la vieille garde côtoie la nouvelle scène
La seconde phase du festival, placée sous le patronage du ministère de la Culture et des Arts, promet quatre soirées d’une richesse exceptionnelle.
Le Théâtre de plein air Hasni Chakroun d’Oran a résonné mardi soir des premières notes de la seconde phase du 14e Festival Culturel National de la Chanson Raï, accueillant un public conquis d’avance qui n’a pas tardé à communier avec l’authenticité de ce patrimoine musical national. Cette manifestation artistique s’inscrit dans la continuité des initiatives culturelles portées par le ministère de la Culture et des Arts, marquant une nouvelle étape dans la valorisation d’un genre musical désormais reconnu par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité depuis 2022. « L’originalité de cette édition réside dans sa tenue en deux phases : la première s’est déroulée à Sidi Bel Abbès du 7 au 20 août courant, tandis que la deuxième a démarré aujourd’hui à Oran et se poursuivra jusqu’au 22 du même mois », précise Bouchera Salhi, directrice de la Culture et des Arts d’Oran, soulignant cette approche inédite qui permet d’élargir la portée géographique de l’événement. Le commissaire du festival, Houssam Harzallah, rappelle que cet événement organisé « sous le slogan ‘De la mémoire à la scène, un patrimoine chanté’, s’inscrit dans une démarche de promotion de ce genre musical considéré, patrimoine algérien ». Cette édition revêt une dimension particulièrement émouvante puisqu’elle rend hommage à Mohamed Bousmaha, figure emblématique disparue en 2023, qui avait dirigé le festival durant quatre années consécutives. C’est d’ailleurs en sa mémoire que la 14e édition porte son nom, perpétuant ainsi l’héritage d’un homme qui avait consacré une partie de sa vie à la promotion du raï. La soirée inaugurale a d’emblée donné le ton avec la projection du clip « Wafaa », production du maestro Amine Dehane et réalisation de Salah Ghanem, interprété collectivement par dix artistes reconnus de la scène nationale. Cette œuvre collective constitue un vibrant hommage à Mohamed Bousmaha, cristallisant l’émotion du public oranais et des familles venues nombreuses découvrir ou redécouvrir les sonorités authentiques du raï. L’initiative témoigne de la solidarité du milieu artistique algérien et de sa capacité à honorer ses figures tutélaires.
Sous l’animation de l’acteur Mohamed Yebedri, la première soirée a mis en lumière la diversité générationnelle du raï contemporain. Les prestations de Cheb Hamidou et Cheb Nasro, ce dernier faisant ses premiers pas sur la scène du festival depuis sa création en 2007, ont alterné avec celles de Chaba Manel, de l’artiste Houria « Barzar » et du jeune groupe musical « El Basta ». Cette programmation éclectique illustre parfaitement la philosophie du festival : assurer la transmission entre les générations tout en offrant une vitrine aux talents émergents.
La seconde phase du festival, placée sous le patronage du ministère de la Culture et des Arts avec le soutien du wali d’Oran Samir Chibani, promet quatre soirées d’une richesse exceptionnelle. Le public oranais, réputé pour sa connaissance fine du raï, pourra apprécier les prestations de légendes vivantes telles que Fadéla, Zahouania et Houari Benchenet, véritables gardiens de la tradition raï. Ces figures emblématiques partageront la scène avec de jeunes talents prometteurs issus de diverses wilayas du pays, incarnant la vitalité contemporaine d’un genre musical en perpétuelle évolution. Au-delà des prestations scéniques, le festival enrichit sa programmation d’une dimension académique avec l’organisation d’une conférence intellectuelle consacrée à « L’histoire de la chanson Raï ». Cette initiative, animée par des spécialistes reconnus comme Rabah Sebaa, Bouziane Benachour et Mohamed Kali, vise à approfondir la compréhension historique et sociologique de ce patrimoine musical. Elle s’adresse tant aux passionnés qu’aux chercheurs, contribuant à la documentation et à l’analyse critique d’un phénomène culturel majeur de l’Algérie contemporaine.
Cette 14e édition du Festival National de la Chanson Raï s’affirme ainsi comme un événement culturel majeur, alliant spectacle populaire et réflexion patrimoniale. En déployant ses activités sur deux villes et en conjuguant hommages aux anciens et promotion des nouveaux talents, le festival dessine les contours d’une politique culturelle ambitieuse. Il participe activement à la sauvegarde et à la transmission d’un patrimoine musical qui, depuis les quartiers populaires d’Oran, a conquis le monde entier pour devenir un ambassadeur de l’identité culturelle algérienne.
Mohand Seghir