Culture

Robert Redford tire sa révérence à l’âge de 89 ans :Hollywood perd une figure emblématique

Hollywood vient de perdre l’une de ses figures les plus emblématiques. Robert Redford, icône du cinéma américain et défenseur infatigable de l’environnement, s’est éteint mardi matin à l’âge de 89 ans, laissant derrière lui un héritage artistique et moral d’une rare cohérence.

La disparition de l’acteur californien marque la fin d’une époque dorée où les stars hollywoodiennes incarnaient encore des valeurs universelles. Avec ce sourire irrésistible qui mêlait charme juvénile et pudeur aristocratique, Redford avait su transcender son statut de beau gosse blond pour devenir une conscience morale de l’Amérique contemporaine. De ses débuts modestes dans un quartier populaire de Santa Monica jusqu’aux sommets de la gloire, l’homme aura incarné cette harmonie grecque entre beauté physique et noblesse d’âme que les anciens nommaient kaloskagathos. Fils d’un vendeur de lait devenu comptable à la Standard Oil, le jeune Robert grandit dans l’ombre de la Grande Dépression. Cette enfance marquée par la précarité forgera son caractère et son engagement social futur. Adolescent en quête d’identité, il traverse l’Atlantique pour étudier les Beaux-Arts à Paris et en Italie, découvrant sa première conscience politique lors de la crise de Suez.

C’est pourtant malgré lui qu’il embrasse le métier d’acteur, poussé par sa première épouse Lola Van Wagenen qui le sauve de l’alcool et de la dérive. Autodidacte revendiqué, Redford développe un style unique fait de retenue et de naturel, privilégiant ce qu’il nomme le « sous-jeu » à l’emphase théâtrale. Cette approche minimaliste révolutionne l’art de l’interprétation à Hollywood et inspire une génération d’acteurs. Le triomphe arrive en 1970 avec « Butch Cassidy et le Kid », où son duo légendaire avec Paul Newman redéfinit les codes du western. Leur complicité éclatante se prolonge dans « L’Arnaque », confirmant Redford comme une valeur sûre du box-office mondial. Mais l’acteur refuse de se cantonner au divertissement pur. Dès les années soixante-dix, il endosse la casquette de producteur engagé avec des projets politiquement audacieux comme « Les Hommes du Président », chronique implacable du scandale du Watergate qu’il porte à l’écran avec une prescience remarquable. Cette dimension politique trouve son apogée dans sa carrière de réalisateur inaugurée en 1980 par « Des gens comme les autres », quadruple oscarisé qui décortique les névroses de la bourgeoisie américaine. Film après film, Redford développe un cinéma contemplatif et humaniste, culminant avec le sublime « Et au milieu coule une rivière », poème visuel sur la fragilité des liens familiaux dans les grands espaces du Montana. Sa caméra saisit avec une sensibilité de peintre ces paysages grandioses qui nourrissent sa philosophie écologique.

Car l’engagement environnemental de Redford dépasse largement les postures militantes de ses confrères hollywoodiens. Propriétaire d’un domaine de six cents hectares dans l’Utah qu’il aménage selon des principes écologiques stricts, il y fonde en 1980 le Sundance Institute, véritable laboratoire du cinéma indépendant américain. Cette initiative visionnaire révèle des talents comme les frères Coen, Quentin Tarantino ou Steven Soderbergh, transformant le paysage cinématographique contemporain. Le festival de Sundance devient rapidement le rendez-vous incontournable du cinéma d’auteur, même si son succès grandissant attire les critiques sur sa supposée récupération commerciale. Homme de contradictions assumées, Redford cultive un rapport ambivalent à la célébrité. S’il ne dédaigne pas les plaisirs de la gloire et de la fortune, il refuse de s’y complaire, préférant mettre sa notoriété au service de causes qui le dépassent. Son engagement pour les droits civiques, la défense des cultures amérindiennes et la lutte contre le réchauffement climatique s’exprime avec constance, loin des effets de mode. En 2015, face aux délégués de l’ONU, il assume pleinement son rôle d’influence en tant qu' »acteur, père, grand-père et citoyen responsable ». Cette cohérence morale irrigue également sa filmographie de réalisateur, marquée par une mélancolie contemplative et une fascination pour les figures de marginaux intègres. Du dresseur guérisseur de « L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux » aux petits agriculteurs mexicains de « Milagro », ses héros incarnent une Amérique idéaliste confrontée aux appétits du capitalisme sauvage. Sa mise en scène privilégie les vastes panoramas et les couchers de soleil, héritages assumés de sa formation picturale. Redford laisse ainsi l’image d’un artiste complet qui aura su concilier exigence esthétique et responsabilité citoyenne. Dans une industrie souvent accusée de superficialité, il incarne cette tradition américaine du self-made man éclairé, capable de transformer sa réussite personnelle en engagement collectif. Avec la disparition de Robert Redford, c’est toute une conception humaniste du cinéma qui s’éteint, celle qui faisait du septième art un instrument d’éducation populaire et de transformation sociale. Les couchers de soleil du Montana qu’il filmait avec tant de tendresse semblent désormais plus mélancoliques, chargés de la nostalgie d’un monde où les stars assumaient encore leur rôle de guides moraux.
Mohand Séghir

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