Elle admet que des investissements dans de nouveaux gisements sont nécessaires : L’incohérence de l’AIE
L’Agence internationale de l’énergie opère un nouveau revirement spectaculaire en reconnaissant mardi la nécessité d’investir dans de nouveaux projets pétroliers et gaziers, marquant ainsi une volte-face embarrassante après des années de militantisme anti-fossiles qui révèle les contradictions profondes d’une institution sous pression de l’administration Trump et déconnectée des réalités énergétiques mondiales selon ses détracteurs. Dans un rapport analysant les données de 15 000 champs d’hydrocarbures, l’agence parisienne de l’OCDE concède désormais que les déclins de production des sites existants « se sont accélérés, avec des implications pour les marchés et la sécurité énergétique ». Cette admission constitue un camouflet pour une institution qui, sous la direction de Fatih Birol, avait annoncé il y a deux ans anticiper un pic de la demande d’énergies fossiles dans la décennie, en opposition frontale avec les prévisions de l’industrie pétrogazière. Le directeur exécutif reconnaît aujourd’hui qu’environ 90% des investissements actuels servent à « compenser les pertes d’approvisionnement dans les champs existants », mais que cela ne suffit pas selon ses propres analystes. Cette reconnaissance tardive intervient dans un contexte de pressions diplomatiques intenses de Washington. Chris Wright, secrétaire à l’Énergie de l’administration Trump, a clairement menacé l’institution en juillet dernier lors d’une interview accordée à Bloomberg, déclarant sans détour que les États-Unis feraient « l’une des deux choses suivantes : nous réformerons le fonctionnement de l’AIE ou nous nous retirerons », exprimant sa « préférence » pour « la réformer ». Cette ultimatum américain explique largement le changement de cap soudain d’une agence qui promeut désormais une politique pro-pétrole après des années d’activisme climatique.
L’Organisation des pays exportateurs de pétrole n’a pas manqué de souligner ces contradictions flagrantes, critiquant à plusieurs reprises « l’incohérence de l’AIE et sa déconnexion des réalités énergétiques ». L’OPEP s’était réjouie ironiquement en mars de voir l’AIE « partager à nouveau ses analyses sur l’avenir du marché », après une revirement de cette dernière, tout en l’appelant à « éviter les analyses contradictoires et les messages incohérents » et à « revenir à une analyse basée sur les réalités ». Pour l’organisation des producteurs, ces changements de position créent « de l’incertitude et menacent la stabilité du marché de l’énergie ». Les contradictions de l’AIE apparaissent d’autant plus criardes quand on examine l’historique de ses positions. Entre 2018 et 2021, l’agence considérait les investissements pétroliers comme « nécessaires » avant d’opérer un virage radical en mai 2021 en préconisant de « ne pas investir dans de nouveaux champs pétroliers et gaziers en vue d’atteindre le zéro net ». Ces volte-faces répétées révèlent une institution davantage guidée par les pressions géopolitiques que par l’analyse objective des marchés énergétiques. Christophe McGlade, chef de l’unité « approvisionnement en énergie » de l’AIE, tente de justifier cette évolution en expliquant que « le débat sur l’avenir du pétrole et du gaz tend à se concentrer sur les perspectives de la demande, avec beaucoup moins d’attention accordée aux moteurs de l’offre ». Cette explication technique masque mal l’embarras d’une agence prise en flagrant délit d’incohérence.
L’AIE estime désormais que l’investissement dans les opérations pétrogazières devrait atteindre « environ 570 milliards de dollars en 2025 », reconnaissant qu’il existe « un grand fossé qui devrait être comblé par de nouveaux projets conventionnels de pétrole et de gaz afin de maintenir la production à des niveaux actuels ». Cette estimation contraste singulièrement avec le discours tenu ces dernières années par la même institution qui appelait à cesser tout investissement dans de nouveaux projets fossiles. L’OPEP, de son côté, maintient une ligne constante depuis des années, rappelant que « les investissements sont essentiels à l’industrie pétrolière » et que « le sous-investissement compromet la sécurité énergétique future, fragilise les fondamentaux de l’offre et de la demande et compromet l’accessibilité financière de l’énergie ». L’organisation prévoit que « le secteur pétrolier nécessitera des investissements cumulés de 17 400 milliards de dollars d’ici 2050 » pour répondre à la demande et « ajouter environ 5 millions de barils par jour en moyenne chaque année pour maintenir l’offre globale actuelle ».
Samira Ghrib