CHU d’Annaba: Le service ophtalmologique en difficulté
Le service d’ophtalmologie du CHU d’Annaba traverse une crise profonde qui met en péril la prise en charge de milliers de patients.
Entre manque d’équipements, vétusté des structures et arrêt des activités chirurgicales, cette situation interroge sur la capacité de la wilaya à assurer son rôle de pôle de santé régional. L’arrêt de la salle d’opérations spécialisée depuis la fin de l’année 2023 suscite une vive inquiétude quant à la situation sanitaire dans cette région de l’Est algérien, privant les patients d’Annaba et des wilayas voisines d’un service d’urgence de chirurgie oculaire pourtant vital. Cette suspension des activités chirurgicales trouve son origine, selon une correspondance adressée au ministère de la Santé, dans le manque d’équipements essentiels, notamment un microscope opératoire. Cet appareil indispensable avait pourtant été inscrit dans la programmation budgétaire de 2024, mais n’a jamais été livré. En dépit de la disponibilité du personnel médical et de son expérience reconnue dans le domaine, le service se trouve dans l’incapacité totale de prendre en charge les patients, faute de moyens techniques adéquats. Cette situation paradoxale, où les compétences humaines sont présentes mais inutilisables, illustre les dysfonctionnements qui paralysent le système de santé. Le seul établissement actuellement opérationnel dans ce domaine reste un vieil hôpital situé au Champ de Mars, en plein centre-ville. Ses infrastructures vieillissantes et sa capacité d’accueil limitée ne peuvent plus répondre à la demande croissante, alors que l’établissement reçoit quotidiennement des centaines de malades. La densité démographique grandissante et le rôle régional que joue la wilaya d’Annaba en matière de prise en charge médicale rendent cette situation d’autant plus préoccupante. Les patients, souvent dans des situations d’urgence, se voient contraints de s’orienter vers des cliniques privées pour se faire opérer, ce qui représente un coût financier considérable pour des familles parfois démunies. Face à cette urgence sanitaire, la nécessité d’inscrire dans le programme de développement et de modernisation du secteur un projet de création d’un hôpital moderne dédié à l’ophtalmologie s’impose. Une telle infrastructure permettrait de réduire la pression sur les structures existantes et d’assurer un suivi approprié aux patients. Toutefois, la concrétisation d’un tel projet, notamment un nouvel hôpital universitaire, ne pourrait aboutir avant cinq à dix ans selon les délais habituels de réalisation.
Dans l’attente de cette infrastructure de long terme, une solution transitoire est avancée par les professionnels du secteur. Il s’agirait de transférer le service des urgences et de chirurgie ophtalmologique vers le nouvel hôpital régional des urgences d’El Bouni. Cet établissement dispose en effet de plusieurs salles d’opérations actuellement fermées, susceptibles d’être exploitées immédiatement. Cette mesure permettrait de limiter les pertes de chance pour de nombreux patients qui risquent la cécité faute de soins appropriés. L’urgence de la situation ne souffre d’aucun délai, chaque jour perdu pouvant se traduire par des séquelles irréversibles pour des dizaines de malades. La question est désormais posée aux autorités sanitaires et au ministère de la Santé. L’inscription d’un projet d’hôpital régional spécialisé en ophtalmologie à Annaba est-elle envisagée dans les prochaines années? Quelles mesures urgentes seront prises pour garantir un minimum de prise en charge des patients dans cette spécialité vitale? La mise en place d’un service d’urgences chirurgicales ophtalmologiques s’impose plus que jamais comme une priorité absolue pour une wilaya qui aspire à devenir un pôle de santé d’excellence dans la région Est du pays. Les patients d’Annaba et des wilayas environnantes attendent des réponses concrètes et rapides à une situation qui ne peut plus durer.
Sofia Chahine
