Festival international de la bande dessinée d’Alger : Palestine, voix individuelles, cri collectif
Le Festival international de la bande dessinée d’Alger accueille cette année une exposition qui marque les esprits par sa dimension humanitaire et mémorielle. Sous l’intitulé « Histoires illustrées palestiniennes : voix individuelles, cri collectif », dix dessinateurs palestiniens déploient leurs œuvres pour documenter la mémoire des habitants de la bande de Ghaza, racontant leurs souffrances et leur résistance face aux politiques de déplacement forcé, d’effacement mémoriel et de dépossession territoriale. Cet espace d’exposition, installé sur l’esplanade Riadh El Feth dans le cadre de la 17e édition du festival qui s’achève dimanche, offre aux visiteurs un témoignage artistique puissant sur la réalité du conflit en Palestine occupée. Les dix artistes palestiniens, parmi lesquels figurent Leïla Abdelrazek, Yasmine Omar Ata, Sara Chehada, Hassan Manasra, Hamza Abou Ayach, Khaled Jarrada, Chahd Chamali, Dania El Omari, Samir Harb et Mohammed Sabaaneh, ont choisi le medium de la bande dessinée pour réagir à la répression et aux crimes perpétrés contre le peuple palestinien. Leurs planches séquentielles reconstituent la situation dans les territoires occupés à travers des images devenues universelles, gravées dans l’imaginaire mondial et associées aux bombardements, au sang, à la destruction, aux pleurs des enfants et aux supplications des adultes. Pedro Rojo Pérez, artiste espagnol co-organisateur de cette exposition avec l’artiste palestinien Mohammed Sabaaneh, explique que ce projet s’inscrit dans le cadre du travail d’une organisation non gouvernementale espagnole qui « s’intéresse à transmettre tout ce qui concerne les questions humanitaires, culturelles et les nouvelles relatives au monde arabe aux publics hispanophones ». L’artiste espagnol confie avoir « découvert une quantité considérable de créateurs palestiniens de bandes dessinées qui possèdent la capacité de raconter leur réalité, leurs douleurs, d’exprimer leurs rêves ainsi que leurs espoirs et leur vision de l’avenir ». L’objectif était de « présenter au monde des modèles brillants sur la Palestine à travers la présence de ces créateurs et intellectuels ». Les œuvres présentées se rejoignent dans leurs contenus visuels qui dénoncent le silence complice et utilisent les lignes pour dessiner les traits d’un occupant tentant par tous les moyens inhumains de dépouiller les Palestiniens de leur mémoire et de leur culture. Les artistes confèrent ainsi à leurs personnages dessinés des voix fortes pour raconter des histoires humaines poignantes, semblables à celles diffusées dans les journaux télévisés. Pedro Rojo Pérez développe les axes de cette exposition, évoquant notamment « la mémoire » et « la documentation ». Selon lui, la bande dessinée palestinienne « remplit des fonctions décisives » et peut être considérée « comme un réservoir de mémoire culturelle et de documentation historique », constituant également « un moyen artistique de résister aux tentatives d’appropriation de sa culture et de son identité », tout en reflétant des questions liées à « l’identité » et à « l’appartenance ». Mohammed Sabaaneh précise que ces travaux ont été rassemblés dans le cadre d’une « initiative humanitaire permettant à ces artistes palestiniens de partager leurs positions avec le monde, de partager leurs sentiments en tant que créateurs ayant la capacité de s’exprimer et d’affirmer aussi qu’ils sont imprégnés d’une haute culture narrative ». Cette 17e édition du festival réunit des artistes algériens et étrangers provenant de seize pays, dont la Palestine, l’Espagne, les États-Unis, le Japon, la Tunisie et le Mexique, avec l’Égypte comme invitée d’honneur.
Mohand Seghir