Économie

États financiers des banques et finance islamique : La Banque d’Algérie fixe de nouvelles règles

La Banque d’Algérie vient de promulguer deux règlements qui doivent contribuer à imposer plus de transparence dans les opérations bancaires et moderniser les règles comptables dans les banques et établissements financiers. Le premier encadre la comptabilisation des opérations de finance islamique, tandis que le second modernise l’établissement et la publication des états financiers des banques. Les établissements concernés disposent de 24 mois pour se conformer à ces nouvelles exigences, entrées en vigueur le 24 juillet 2025.

La finance islamique enfin encadrée comptablement

Le règlement n°25-09 du 24 juillet 2025 marque un tournant historique pour la finance islamique en Algérie. Pour la première fois, les banques disposant de guichets dédiés à la finance islamique et celles exerçant exclusivement ces activités bénéficient d’un cadre comptable complet et détaillé. Ce texte réglementaire couvre l’ensemble des instruments de financement conformes à la Charia : Mourabaha (vente avec marge bénéficiaire), Ijara (location-financement), Salam (vente à terme), Istisna’a (contrat de fabrication), Moudaraba (partenariat avec apport en capital), Moucharaka (société en participation) et Qard Hassan (prêt sans intérêt). Pour la Mourabaha, produit phare de la finance islamique, le règlement impose une comptabilisation nette des intérêts non recouvrés. Les stocks destinés à la vente doivent être évalués au plus faible du coût et de la valeur nette de réalisation. Une innovation majeure : les bénéfices des opérations à paiement différé sont désormais différés et amortis sur la période de financement selon la méthode du taux de rendement effectif.

L’Ijara, équivalent islamique du leasing, fait l’objet d’une distinction claire entre Ijara opérationnelle (sans transfert de propriété) et Ijara acquisitive (Muntahia bi Tamlik). Les actifs loués doivent être comptabilisés au coût, incluant tous les frais d’acquisition, et amortis sur leur durée de vie économique utile. Pour les contrats Salam et Istisna’a, utilisés principalement dans le financement agricole et industriel, le règlement introduit des mécanismes sophistiqués de reconnaissance des revenus. L’Istisna’a, en particulier, peut être comptabilisé selon la méthode d’avancement ou d’achèvement, offrant une flexibilité adaptée à la nature des projets financés. Le règlement innove en créant une catégorie spécifique pour les comptes d’investissement participatifs (Moudaraba et Wakala). Ces comptes, où les déposants partagent les profits et pertes, sont désormais présentés au bilan lorsque la banque détient l’autorité de décision, ou hors bilan dans le cas contraire. Les profits non distribués restent clairement séparés des bénéfices appartenant aux actionnaires. Une disposition particulièrement importante concerne les retards de paiement. Les pénalités perçues ne peuvent être comptabilisées en produits que si le comité de contrôle charaïque de la banque et l’Autorité charaïque de la Fetwa l’autorisent. Autrement, elles doivent être affectées à des œuvres de bienfaisance, conformément aux principes islamiques.

Modernisation des états financiers bancaires

Le règlement n°25-08, également du 24 juillet 2025, modernise l’ensemble du reporting financier des banques et établissements financiers algériens. Il abroge le règlement de 2009 jugé obsolète et s’aligne sur les standards internationaux. Les états financiers publiables comprennent désormais cinq composantes obligatoires : le bilan et hors-bilan, le compte de résultats, le tableau des flux de trésorerie, le tableau de variation des capitaux propres et une annexe détaillée. Cette dernière doit inclure des informations cruciales sur la gestion des risques, l’organisation de leur surveillance et la typologie des risques encourus (crédit, opérationnel, liquidité). Le bilan adopte une nouvelle nomenclature avec 16 postes à l’actif et 21 au passif, offrant une vision plus granulaire de la situation financière. Les créances sont désormais classées par durée résiduelle, zone géographique et qualité de portefeuille, avec une ventilation obligatoire entre encours sains et douteux. Les banques et établissements financiers disposent de 24 mois à compter de la publication au Journal officiel pour se conformer. Durant cette période de transition, ils doivent transmettre un rapport d’étape semestriel à la commission bancaire. La publication des états financiers reste fixée à six mois maximum après la clôture de l’exercice, au Bulletin officiel des annonces légales (BOAL). Les prestataires de services de paiement sont également concernés, mais de manière proportionnée à la nature et au volume de leurs activités. Ces deux règlements témoignent de la volonté de la Banque d’Algérie de professionnaliser le secteur bancaire tout en accompagnant le développement de la finance islamique.

Amar Malki

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