Grippe saisonnière : Les spécialistes alertent contre l’automédication
Alors que la saison grippale s’annonce plus intense que les précédentes, des experts tirent la sonnette d’alarme : il faut se faire vacciner et bannir l’usage abusif des antibiotiques.
L’avertissement a été lancé lundi à Alger lors d’une journée d’information organisée par l’Institut national de la santé publique (INSP), en marge du lancement de la campagne nationale de vaccination 2025-2026. Les spécialistes réunis à l’INSP ont mis en garde contre une tendance inquiétante : l’achat libre d’antibiotiques en pharmacie pour traiter la grippe ou les virus saisonniers, une pratique à la fois inutile et dangereuse. « Les antibiotiques ne guérissent pas les virus, ils affaiblissent au contraire le système immunitaire à long terme », a rappelé le professeur Kamel Djenouhat, président de la Société algérienne d’immunologie. Selon lui, « les personnes qui prennent des antibiotiques pour soigner une simple grippe risquent d’altérer leur immunité naturelle », alors qu’une infection virale peut souvent être traitée efficacement « par des médicaments simples dès les premiers symptômes ». Le même expert a alerté sur la vague de grippe saisonnière attendue dans les semaines à venir. « Une vague sérieuse est en approche », a-t-il précisé, avant d’ajouter que « le pic pourrait être atteint entre mars et juillet ». Djenouhat s’appuie sur des données épidémiologiques récentes : la France et l’Espagne enregistrent déjà un taux d’infection de 3 %, tandis que le Japon et la Malaisie font face à une flambée ayant entraîné la fermeture d’une centaine d’établissements scolaires. Face à ce constat, l’Algérie se prépare à renforcer la prévention et la protection des populations vulnérables. « Beaucoup pensent que les plus de 65 ans n’ont besoin du vaccin que s’ils souffrent de maladies chroniques. C’est faux », insiste le professeur Djenouhat, soulignant que le vaccin antigrippal est essentiel pour les personnes âgées, même en bonne santé. Il a également exhorté les femmes enceintes, les malades chroniques et les personnes fragiles à se faire vacciner « sans attendre », car le virus évolue rapidement et ses mutations nécessitent chaque année un vaccin adapté aux nouvelles souches, conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Selon l’OMS, la grippe saisonnière cause chaque année entre 300 000 et 650 000 décès dans le monde, et près de 5 millions d’hospitalisations. Djenouhat met en garde : « Si la tendance à l’automédication se poursuit, la résistance bactérienne deviendra l’un des défis majeurs de la médecine moderne d’ici 2050 ». De son côté, le professeur Abderrezak Bouamra, directeur général de l’Institut national de la santé publique, a rappelé que la grippe saisonnière reste un problème de santé publique sous-estimé en Algérie. « C’est une maladie que l’on banalise souvent, alors qu’elle touche chaque année des milliers de personnes et affaiblit les plus fragiles », a-t-il déclaré. Cette année, la situation se complique avec l’apparition simultanée de plusieurs virus respiratoires, rendant la prévention « plus que jamais indispensable ». Le directeur de l’INSP a annoncé que deux millions de doses de vaccin ont été mises à disposition, ciblant les souches virales les plus répandues. Il a aussi souligné une avancée notable : « Le vaccin de cette année est produit localement et répond aux standards internationaux », ce qui devrait permettre d’en garantir la disponibilité tout au long de la campagne. Les professionnels de santé rappellent que la vaccination doit être effectuée avant le pic de la saison, généralement observé entre fin décembre et début janvier. La prévention, insistent-ils, demeure « le moyen le plus sûr d’éviter les complications graves ». Le docteur Iman Ferada, du Centre hospitalo-universitaire de Douéra, a de son côté évoqué les risques spécifiques chez les enfants : « Les bébés prématurés, ceux de moins de six mois, ainsi que les enfants souffrant de maladies chroniques ou d’obésité, sont les plus exposés ». Elle recommande la vaccination lorsque c’est possible, et l’allaitement maternel pour les nourrissons trop jeunes pour recevoir le vaccin. Le réseau national de surveillance de la grippe et du Covid-19, a expliqué le docteur Assia Lazazi, couvre actuellement six wilayas (Alger, Blida, Médéa, Tipaza, Constantine et Oran). Il surveille « en continu la propagation des virus et de leurs souches, avec l’appui des médecins du réseau ». À l’approche de l’hiver, les autorités sanitaires redoublent d’efforts pour informer et convaincre. La campagne de vaccination contre la grippe saisonnière, désormais lancée à l’échelle nationale, mise sur la pédagogie et la proximité pour atteindre les catégories à risque. Car si la grippe semble bénigne, elle reste chaque année une cause majeure d’hospitalisation et de décès évitables. La vigilance est donc de mise : éviter l’automédication, se vacciner à temps, et adopter les gestes de prévention. Des réflexes simples, mais essentiels, pour traverser la saison froide sans encombre.
Lyna Larbi

