Une révolution agricole lancée !
Le ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, Yacine El-Mahdi Oualid, a annoncé lundi à Alger le lancement d’une vaste transformation du secteur agricole algérien fondée sur la science, la technologie et l’innovation, visant à porter le rendement céréalier à 35 quintaux par hectare d’ici cinq ans et à faire de l’Algérie une puissance agricole régionale.
Dans son allocution à l’ouverture de la Conférence nationale sur la modernisation de l’agriculture, le ministre a dressé un diagnostic sans concession du secteur agricole algérien, pointant des indicateurs révélateurs des défis à relever malgré des ressources considérables encore inexploitées. M. Oualid a souligné que le rendement moyen en céréales en Algérie s’élève à environ 18 quintaux par hectare, alors que d’autres pays ayant le même climat atteignent plus de 35 quintaux par hectare. De même, la productivité laitière des vaches ne dépasse pas 3000 litres par an, tandis qu’entre 20 et 30% de la production agricole sont perdus chaque année en raison de la faiblesse dans les chaînes de froid et de stockage. Le taux d’utilisation des techniques d’irrigation modernes ne dépasse pas 15% des superficies irriguées, dans un pays confronté à une baisse des ressources hydriques. Bien que l’Algérie dispose d’une superficie immense, seuls 8,5 millions d’hectares sont exploités, soit 3,6% de la superficie totale du pays, a précisé le ministre qui a toutefois rappelé que le secteur agricole contribue à hauteur de 14,5% au PIB et génère plus de 2,6 millions d’emplois. « Ces chiffres portent un double message : ils révèlent d’une part l’immense potentiel encore inexploité, et d’autre part l’ampleur des défis à relever », a-t-il affirmé, soulignant la nécessité « d’amorcer une véritable révolution agricole fondée sur la science, la technologie et une volonté résolue ».
La transformation envisagée s’articule autour de plusieurs axes prioritaires. En tête de liste figure le lancement d’une « véritable révolution » dans la gestion de l’eau, à travers l’augmentation du taux d’irrigation goutte-à-goutte et le recours aux eaux traitées en agriculture. Le ministre a souligné que seulement 7% des 100 milliards de mètres cubes de précipitations annuelles sont actuellement exploités. Concernant les céréales, le secteur ambitionne de porter le rendement à 35 quintaux à l’hectare d’ici cinq ans, « un objectif réalisable grâce à l’utilisation de semences améliorées à haut rendement, à l’adoption de l’agriculture de précision, au recours à l’intelligence artificielle et à l’amélioration de la fertilité des sols par des programmes scientifiques étudiés ». Le ministre a révélé que son département œuvre à la création d’un système d’information national unifié permettant de prendre des décisions basées sur des données précises et de mettre fin aux estimations « aléatoires ». En parallèle, il est prévu le recours aux satellites et aux drones pour le suivi des terres agricoles, ainsi que l’intégration des technologies modernes, en tirant parti des résultats des recherches universitaires et des efforts des start-up « actives dans les domaines de l’agriculture intelligente, de la gestion moderne et de l’amélioration de la productivité ».
Une évaluation inédite des politiques de soutien
Lors d’une conférence de presse tenue en marge des travaux, M. Oualid a révélé une initiative majeure qui marque une rupture dans la gestion du secteur. Le ministre a indiqué que son département a lancé « depuis deux semaines une étude d’efficience des politiques publiques dans le domaine agricole, notamment en matière de subventions, et l’objectif est d’évaluer l’efficacité des différentes politiques mises en place depuis près de 50 ans ». Cette démarche intervient alors que l’Algérie a réalisé « un bond qualitatif » dans de nombreuses filières agricoles, mais que « les besoins des Algériens ont changé, et nous sommes aujourd’hui face à cette responsabilité de revoir l’ensemble de ces politiques. C’est pourquoi nous avons lancé cette étude dont les premiers résultats apparaîtront fin novembre prochain », a-t-il précisé. Le ministre a souligné que le système informatique national unifié permettra de suivre les parcours des différents produits agricoles du champ au marché, ainsi que de tracer l’impact des subventions accordées aux agriculteurs. Cette évaluation s’inscrit dans une volonté de prendre des décisions en adéquation avec les transformations économiques en cours dans le pays. Le Sud algérien est érigé en pivot stratégique de cette nouvelle révolution agricole. M. Oualid a affirmé que « le présent et l’avenir de l’agriculture en Algérie se trouvent dans le Sud », annonçant que 1,3 million d’hectares seront exploités dans le sud du pays, après l’attribution d’environ 300.000 hectares dans le cadre de grands investissements dans les cultures stratégiques. Le ministre a mis en avant les superficies exploitables pour les cultures stratégiques, estimées à un million d’hectares, en plus des importantes réserves d’eau souterraine, ce qui érige cette agriculture en un « réservoir stratégique pour la sécurité alimentaire nationale ». Il a précisé que le ministère œuvre à augmenter les investissements nationaux et étrangers dans les wilayas du Sud, d’autant plus que les différents investissements ont confirmé que la rentabilité est « très élevée » dans ces régions où elle dépasse actuellement 50 quintaux par hectare pour le blé. Concernant l’accompagnement des investissements agricoles dans les wilayas du Sud, le ministre a indiqué qu’outre les facilités administratives et la numérisation de l’octroi du foncier, des moyens de financement innovants et nouveaux seront lancés « dans un avenir proche », ce qui augmentera les capitaux investis dans le Sud, pour attirer un plus grand nombre d’investisseurs algériens et étrangers.
Garantir la sécurité alimentaire de 65 millions d’habitants
Quant au potentiel agricole des Hauts Plateaux, M. Oualid a indiqué que son département recense 20 millions d’hectares propices au pâturage et à la culture fourragère, en sus d’importantes capacités pour le développement des cultures sous serres photovoltaïques. Selon lui, tous ces facteurs permettent à l’Algérie de devenir « une puissance agricole régionale par excellence », notant que l’ambition pour les années à venir est d’intensifier l’investissement, notamment dans les wilayas du Sud, afin de garantir la sécurité alimentaire pour une « Algérie de 65 millions d’habitants », et de revoir à la hausse les exportations des produits agricoles, tout en « consacrant un modèle agricole intelligent et durable érigeant l’Algérie en une puissance régionale dans les industries agroalimentaires à forte valeur ajoutée ». La conférence a été marquée par l’installation du Conseil scientifique national de la sécurité alimentaire, présidée conjointement par le ministre de l’Agriculture et son homologue de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Kamel Baddari. Ce conseil, qui sera présidé par Ammar Azioune, directeur du Centre national de recherche en biotechnologie basé à Constantine, se compose de 34 chercheurs et enseignants spécialisés dans le domaine agricole et de représentants de plusieurs secteurs ministériels. M. Azioune a indiqué que d’autres compétences nationales pourront rejoindre ce conseil scientifique à l’avenir, en vue d’accompagner le secteur agricole à travers des méthodes fondées sur la science, le savoir et l’innovation et un plan d’action axé sur les priorités définies par le ministère. Il a expliqué que les universités et instituts apporteront un appui scientifique pour accompagner le secteur de l’agriculture, au regard des effets délétères du changement climatique, face auxquels les méthodes traditionnelles ne suffisent plus, et qui exigent aujourd’hui l’apport des travaux de recherche et des innovations des universités algériennes. M. Oualid a salué la création de ce conseil qui jouera un rôle « important » dans l’élaboration de la stratégie nationale de sécurité alimentaire, affirmant que les défis auxquels fait face l’agriculture nécessitent de s’appuyer sur la science et la technologie et d’adopter une vision nouvelle et moderne du secteur, ce qui permettra de réaliser la sécurité alimentaire.
Le ministre a également souligné l’importance de l’Union nationale des agriculteurs algériens et de la Chambre nationale de l’agriculture, notant qu’ils sont « des partenaires du ministère et nous, en tant qu’administration, avons le devoir et la responsabilité d’être beaucoup plus proches des professionnels, car les politiques publiques ne peuvent réussir sans une grande implication du partenaire social ».
Amar Malki

