E-paiement :Comment passer à une économie sans cash ?
Alors que l’Algérie franchit le cap symbolique des 21 millions de cartes de paiement électronique, la transition vers une économie sans cash reste freinée par un usage encore timide des terminaux de paiement.
Malgré une croissance spectaculaire des transactions en ligne et sur mobile, le pays accuse un retard structurel dans l’adoption des outils numériques par les commerçants. C’est le constat dressé par Boubakr Belloul, chef de division au Groupement d’Intérêt Économique (GIE) Monétique, invité ce lundi matin de l’émission L’invité du jour sur la Chaîne 3. « Nos statistiques font ressortir une augmentation significative du nombre de transactions électroniques », affirme-t-il d’entrée de jeu, chiffres à l’appui. À fin septembre 2025, l’Algérie compte 21 millions de cartes actives, dont 80 % sont des cartes Edahabia d’Algérie Poste et 20 % des cartes bancaires. « Le taux d’utilisation avoisine les 80 %, soit entre 17 et 18 millions de cartes effectivement utilisées chaque mois », précise le responsable. Une dynamique qui traduit selon lui une progression constante de la confiance des utilisateurs : le volume des paiements par TPE aurait ainsi connu « une évolution dépassant les 100 % d’un mois sur l’autre ces deux derniers mois ». Mais ce tableau encourageant masque une réalité plus nuancée : seuls 77 000 TPE sont actuellement en service pour 1,6 million de commerçants. Un déficit que M. Belloul qualifie lui-même « d’énorme », rappelant que « combler un manque de plus d’1,5 million de terminaux dans les deux années à venir serait pratiquement impossible ». Outre le coût et la logistique, la réticence des commerçants demeure un frein majeur : « Il existe encore une réticence importante à utiliser ces terminaux, malgré le fait que la commission sur les transactions est fixée à zéro dinar depuis la loi de finances 2025 », souligne-t-il.
Favoriser le paiement mobile
Face à cette équation difficile, le GIE Monétique mise sur des solutions de contournement : « Nous avons préféré aller vers une solution meilleure : le paiement mobile », explique M. Belloul. Lancé en janvier 2025, le système DZ MobPay permet de régler ses achats via un simple QR code, sans carte ni TPE. « À ce jour, sept banques ont adhéré au réseau – cinq publiques et deux privées – avec 78 000 clients utilisateurs et plus de 11 000 commerçants affiliés », détaille-t-il. Une innovation pensée pour contourner le déficit matériel et capitaliser sur la large couverture du réseau téléphonique national, tout en renforçant la sécurité et la traçabilité des transactions. Sur ce point, M. Belloul insiste : « Lorsqu’il s’agit de transactions financières, nous avons l’obligation de sécuriser le processus de paiement de bout en bout. » Cela inclut la personnalisation des cartes, la certification des équipements et la traçabilité complète de chaque opération. Une exigence que vient renforcer le projet de loi sur les services de confiance pour les transactions électroniques, examiné la veille en Conseil des ministres. Cette future loi, dit-il, « définit les mécanismes de sécurité juridique, technique et opérationnelle, notamment pour la signature, la livraison et l’authentification électroniques. » Au-delà de la sécurité, c’est toute une infrastructure de confiance numérique que l’État s’efforce de bâtir. Dans ce cadre, le nouveau switch national installé à la Satim vise à « augmenter les capacités de traitement et améliorer la qualité des transactions ». Selon M. Belloul, cette modernisation commence à porter ses fruits : « Nous observons une nette amélioration en termes de qualité, moins de rejets et moins de litiges ». De même, la mise à niveau des ATM (distributeurs automatiques) s’accélère, avec « une centaine de nouvelles machines installées en 2025, plus fiables et plus sécurisées ». Mais la réussite de cette transformation dépendra autant de la technologie que de l’adhésion sociale. Le responsable du GIE Monétique en convient : « Malgré les progrès, seuls 20 % du parc TPE sont réellement utilisés. Il reste un énorme travail de sensibilisation à mener auprès des commerçants. » Le gouvernement a d’ailleurs inscrit cet objectif dans la feuille de route des services du Premier ministre, qui repose sur quatre axes : la mise à jour réglementaire, la généralisation des moyens de paiement, l’innovation et la communication.
Le paiement sans contact pour 2026 !
C’est dans ce cadre que se prépare déjà la prochaine étape : le paiement sans contact (NFC), prévu pour 2026. « Le projet est inscrit : il permettra d’utiliser la carte ou le téléphone pour payer en approchant simplement l’appareil du terminal », annonce M. Belloul. Un pas de plus vers la modernisation des paiements, mais aussi une diversification nécessaire pour pallier les lenteurs structurelles. « Nous sommes dans l’obligation de diversifier les moyens », insiste-t-il, rappelant que « le but est de fiabiliser, maintenir et améliorer en continu le réseau national de paiement ». En toile de fond, l’enjeu dépasse la seule modernisation technologique : il s’agit de changer les habitudes économiques d’un pays encore très attaché au cash. Pour M. Belloul, les avantages du paiement électronique sont pourtant évidents : « C’est plus sûr, plus rapide et plus simple à utiliser. Il élimine les risques de vol ou de faux billets, et permet une meilleure gestion financière pour les commerçants. »
Sabrina Aziouez

