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Le projet SoutH2 Corridor entre dans sa phase décisive

Les partenaires européens du projet SoutH2 Corridor se sont retrouvés, le 28 octobre à Vienne, pour une sixième réunion de travail destinée à lancer la mise en place d’un cadre règlementaire harmonisé

À un an du lancement effectif du futur « corridor sud » de l’hydrogène, les partenaires européens du projet SoutH2 Corridor se sont retrouvés, le 28 octobre à Vienne, pour une sixième réunion de travail placée sous le signe de la consolidation. Objectif : préparer le terrain à la mise en œuvre d’un cadre réglementaire commun pour ce marché émergent et accélérer la concrétisation du premier grand axe européen de transport d’hydrogène vert reliant l’Afrique du Nord à l’Europe centrale. Autour de la table, les représentants des opérateurs Snam, TAG, Gas Connect Austria et Bayernets, ainsi que des délégations ministérielles, régulateurs et bailleurs institutionnels, ont fait le point sur les avancées techniques, financières et politiques de ce projet d’infrastructure stratégique de 3 300 km, destiné à relier l’Algérie à l’Allemagne via la Tunisie, l’Italie et l’Autriche. Le SoutH2 Corridor doit permettre d’acheminer, à partir de 2030, de l’hydrogène vert produit à partir d’énergies renouvelables en Algérie vers les grands pôles industriels européens, dans le cadre de la stratégie REPowerEU. Derrière les discussions techniques, l’enjeu de cette sixième réunion dépasse la simple coordination logistique. En s’attachant à harmoniser les cadres réglementaires nationaux et à coordonner la transposition des nouvelles directives européennes, les partenaires posent les fondations d’un marché de l’hydrogène transfrontalier encore balbutiant. Les échanges ont notamment porté sur les conditions d’accès aux infrastructures, les mécanismes de financement européens, ainsi que sur la certification du caractère « vert » de l’hydrogène transporté. Ce chantier législatif, qui s’annonce aussi complexe que celui de l’électricité ou du gaz naturel il y a trente ans, est essentiel pour permettre aux opérateurs d’investir sans risque juridique. Car la promesse du SoutH2 Corridor est double : sécuriser l’approvisionnement énergétique de l’Europe tout en accélérant sa décarbonation industrielle. Selon les estimations de la Commission européenne, plus de 40 % des volumes d’hydrogène importés visés par le plan REPowerEU pourraient transiter par ce corridor sud, faisant de cette infrastructure un pilier stratégique de la transition énergétique continentale.

Le projet tire également parti d’un atout de taille : la réutilisation d’une grande partie des infrastructures gazières existantes, notamment les réseaux de transport en Italie et en Autriche. Cette approche dite de « conversion » permettrait de réduire considérablement les coûts et les délais de mise en œuvre, tout en inscrivant le projet dans une logique de durabilité et de réindustrialisation verte.

Mais pour les pays producteurs, l’Algérie et la Tunisie, l’enjeu dépasse la simple exportation d’énergie. Les deux pays entendent profiter de la dynamique européenne pour attirer des investissements dans leurs propres filières renouvelables, créer des emplois qualifiés et stimuler l’innovation locale. La déclaration d’intention signée à Rome en janvier 2025 entre les cinq gouvernements partenaires avait déjà posé ces bases : développement de capacités de production d’hydrogène, renforcement des compétences, et mise en place de mécanismes de financement et de partage de risques.

 La réunion de Vienne, elle, marque une étape plus politique : elle prépare la régulation du futur marché de l’hydrogène, appelée à fixer les règles du jeu pour les producteurs, transporteurs et acheteurs. À terme, ce cadre doit garantir des tarifs compétitifs, une transparence des échanges et une compatibilité technique entre les réseaux nationaux. En d’autres termes, faire de l’hydrogène une commodité énergétique intégrée au marché européen, au même titre que le gaz ou l’électricité. Une réunion qui reste cependant restreinte en l’absence remarquée des producteurs. 

En coulisses, les discussions portent aussi sur la place de l’Afrique du Nord dans la nouvelle géographie énergétique mondiale. L’Algérie, déjà partenaire clé de l’Europe pour le gaz, aspire à devenir un acteur majeur de l’hydrogène vert. En signant le protocole d’accord d’Oran en octobre 2024, Sonatrach, Snam, VNG et Verbund avaient donné le coup d’envoi des études de faisabilité. L’heure est désormais à la planification réglementaire et à la recherche de financements européens et multilatéraux.

Les participants à la rencontre de Vienne l’ont réaffirmé : le SoutH2 Corridor n’est plus une simple ambition, mais une infrastructure structurante pour la souveraineté énergétique européenne et la transition industrielle verte. Si les engagements politiques sont maintenus et les règles établies de manière plus ouvertes et inclusives d’ici 2026, le projet pourrait devenir la première artère d’un marché commun de l’hydrogène entre les deux rives de la Méditerranée.

Samira Ghrib

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