Théâtre : 14 recommandations pour raviver l’art du monologue
À Tindouf, le quatrième Festival culturel national du monologue et des arts scéniques s’est clos sur quatorze recommandations destinées à approfondir la pratique de cet art scénique, au terme d’un cycle de débats qui confirme l’ambition théorique d’un genre encore en quête de repères. Durant six jours, du 8 au 13 novembre, la ville saharienne a accueilli le Forum du Monologue, organisé sous le slogan « Le théâtre, un art qui nous réunit et un souffle qui nous fait vivre », dans un climat où la réflexion académique s’est imposée comme prolongement naturel de la création scénique.
Le rendez-vous intellectuel, structuré autour de deux sessions consacrées à la question du solo dramatique en Algérie, a débouché sur une série de quatorze recommandations. Les participants ont d’abord appelé à « pérenniser ce colloque national » en le tenant régulièrement à l’Université de Tindouf, parallèlement au festival. Ils invitent également la direction de cette institution à « ouvrir un département des arts au sein de la Faculté des lettres et des langues ». L’un des axes majeurs consiste à « approfondir la recherche scientifique sur le monologue, en adéquation avec les enjeux de l’Algérie du troisième millénaire ». De plus, ils souhaitent conférer au rendez-vous une dimension internationale, estimant que les problématiques soulevées dépassent le cadre strictement national.
Parmi les autres propositions figurent l’édition d’une revue périodique dédiée aux contenus de la pièce à acteur unique, l’archivage systématique des spectacles et la publication collective des séances critiques. Les intervenants exhortent universitaires et praticiens à « clarifier les concepts et adopter un code unifié pour le monologue ». La dimension citoyenne du genre a également été mise en avant : il s’agit de « valoriser le rôle que joue le monologue dans la formation de l’individu, l’affinement des comportements et l’élévation du goût esthétique ». D’autres recommandations proposent la mise en place d’outils de suivi, le renforcement des échanges entre université et festival, ou encore la stimulation de la coopération entre chercheurs, enseignants et étudiants dans les disciplines des arts, du spectacle et de l’audiovisuel.
Les participants préconisent en outre la création d’un colloque scientifique annuel réunissant l’Université de Tindouf, l’Association Ennoumour et la commission du festival, consacré à l’étude du monologue, ainsi que l’établissement d’un laboratoire de recherche spécialisé. Ils appellent également à l’instauration d’un prix annuel récompensant le meilleur travail sur « le monologue ». Enfin, les organisateurs ont sollicité le wali de Tindouf et le professeur Bouazza Bouderssaïa pour publier l’ensemble des travaux du colloque dans un ouvrage qui « documente les résultats de ce rendez-vous scientifique ».
Ce colloque, conçu comme une ouverture critique du festival, a laissé un large espace aux interrogations théoriques entourant le monologue. Sous la coordination de l’universitaire Driss Benhadid, du président du comité scientifique Rabah Houadef et de la coordinatrice Lina Bousaïd, six communications ont nourri les débats. Le professeur Makhlouf Boukrouh a proposé une lecture critique du monologue, tandis que la chercheuse Karima Hani a dressé un état des lieux du solo dramatique en Algérie et de ses perspectives. Le Dr Habib Boukhlifa a interrogé les mécanismes de mise en scène « entre Stanislavski et Brecht », et le Dr Mourad Louafi a exploré « les limites de convergence et de divergence entre la monodrame et le one-man-show ». Rabah Houadef s’est intéressé aux « traits de la pièce à acteur unique en Algérie à travers l’exemple de Mohamed Fellag », tandis qu’Abdallah Latrech a étudié « la tension entre subjectivité et esthétique » propre au genre.
Les échanges ont porté en profondeur sur la « problématique du terme et les fondements de la pratique », posant les valeurs conceptuelles du vocabulaire dramatique face à un champ interprétatif ouvert. Rappelant que le théâtre est « par nature problématique » en raison de ses multiples lectures, les intervenants ont souligné que cette fluidité constitue précisément la source de son renouvellement constant. Ils ont également insisté sur la spécificité temporelle du monodrame, où le temps scénique se mue en temps psychologique, détaché des normes du temps naturel. Le colloque a mis en évidence l’urgence de clarifier un domaine encore marqué par l’héritage d’appellations multiples. En Algérie, le genre oscille entre « monodrame », « monologue », « expression théâtrale », « one-man-show » ou encore « stand-up ». Les participants ont souhaité « stabiliser » le terme et définir les contours esthétiques d’une pratique dont l’histoire nationale remonte aux pionniers du début du XXᵉ siècle, de Allalou à Bachtarzi et aux comédiens constantinois. En proposant un cadre conceptuel et un ensemble de dispositifs pour en assurer le suivi, le colloque ambitionne de donner une cohérence nouvelle à un genre qui continue, plus d’un siècle après ses premiers gestes, de susciter à la fois fascination, débat et renouvellement.
Mohand S.

