Culture

Hommage : Allaoua Zerrouki, le rossignol de la révolution

57 ans après sa disparition, le chanteur kabyle Allaoua Zerrouki demeure une figure emblématique de la chanson algérienne. Artiste complet et militant de la cause nationale, celui qu’on surnommait « le rossignol » a marqué plusieurs générations par sa voix unique et son engagement pour l’indépendance de l’Algérie.

À l’occasion du 57e anniversaire de sa mort, survenue le 17 novembre 1968 à l’âge de 53 ans, des artistes et spécialistes rendent hommage à ce chanteur d’expression kabyle au parcours singulier. Auteur, compositeur et interprète, Allaoua Zerrouki s’est imposé dès les années 1940 comme l’une des voix les plus célèbres de la chanson algérienne, berçant les mélomanes de l’époque et inspirant de nombreux artistes.

Mehenna Mahfoufi, spécialiste en ethnomusicologie et auteur de l’ouvrage « Poèmes et chants de Kabylie dans la lutte de libération », souligne les qualités exceptionnelles de l’artiste. « Zerrouki jouissait d’une voix remarquablement timbrée, juste et souple, et d’une technique de jeu de guitare incomparable », confie-t-il à l’APS. Selon lui, « la beauté de sa voix, la charge émotionnelle de ses mélodies et la simplicité et la sincérité de ses textes ont fait de lui un chanteur authentique et moderne ». Ce talent et cette manière incomparable de jouer de la guitare lui ont valu d’occuper une place de choix dans le milieu artistique parmi les chanteurs de sa génération. Abdi Lyazid, connu sous son nom d’artiste Azifas, chanteur et commissaire du festival culturel local de la chanson et musique kabyles de Béjaïa, estime que Zerrouki Allaoua a laissé « un grand patrimoine musical », bien qu’il n’ait à son actif qu’une trentaine de chansons. « C’était un artiste complet et irremplaçable qui avait chanté, avec sa voix unique, la vie, l’immigration, l’exil et l’indépendance de l’Algérie », affirme-t-il. Né le 5 juillet 1915 à Akourma, un village de la commune d’Amalou dans la wilaya de Béjaïa, Allaoua Zerrouki manifeste très tôt un penchant pour la musique et le chant. Dès l’âge de douze ans, il confectionne déjà des flûtes. Dans les années 1930, il quitte son village natal pour travailler à Akbou puis à Béjaïa, où il exerce le métier de coiffeur. C’est sa rencontre avec le maître de la chanson andalouse Cheikh Sadek Abdjaoui qui s’avère déterminante dans sa carrière d’artiste. Ce dernier l’encourage dans sa passion pour la musique et contribue à façonner son talent. Au début des années 1940, Zerrouki Allaoua émigre en France où il côtoie plusieurs artistes algériens de renom, parmi lesquels Slimane Azem, Cheikh El Hasnaoui, Dahmane El Harrachi, Akli Yahiaten, Youcef Abjaoui, Sadaoui Salah, Farid Ali et Kamal Hamadi. Cette période marque un tournant dans sa vie d’artiste. Son premier enregistrement, réalisé en 1948, comprend une chanson en arabe intitulée « Lahbab elyoum el kifah » (Mes amis, il est temps de combattre), un appel à la lutte contre l’occupant français.

Après 1956, à l’instar de plusieurs autres artistes algériens vivant en France, Allaoua Zerrouki met ses talents de chanteur au service de la cause nationale en militant au sein de la Fédération de France du Front de libération nationale. Comme le rappelle Mehenna Mahfoufi, il utilise la chanson pour mobiliser autour de la cause nationale. L’ethnomusicologue souligne que « le rossignol avait écrit une chanson engagée, ‘A yitbir’ (Ô pigeon), qui a été censurée par la radio de Paris à cette époque-là ». Ses compositions ont pour thématique générale les affres de l’exil, la nostalgie du pays et des proches, et le tiers d’entre elles est consacré à l’Algérie. Durant sa courte carrière artistique, l’enfant d’Amalou chante une dizaine de tubes pour l’Algérie, dont « Laâlam ldzair » (Le drapeau de l’Algérie) à l’indépendance. Il rend également hommage au colonel Amirouche, tombé au champ d’honneur le 29 mars 1959, dans l’éternelle chanson « Lewjab n wassen » (Supplice de ce jour). Parmi ses autres chansons célèbres figurent « Sidi Aïch », « Yellis N Tmurt » (Fille du pays), « El Babour » (Le bateau), « A tassekkurt » (Ô perdrix), « Zhar ulach » (Pas de chance), « Tskhilek attir » (Je t’en prie oiseau) et « Dacu iguervah » (Qu’a-t-il gagné), qui est sa dernière chanson enregistrée. Plus d’un demi-siècle après sa disparition, l’œuvre musicale de Zerrouki Allaoua, un nom inscrit en lettres d’or dans les pages d’histoire de la musique algérienne, continue d’inspirer les jeunes talents et de toucher plusieurs générations par sa puissance émotionnelle et son authenticité.

Mohand Seghir

admin

admin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *