Le pari de la souveraineté industrielle lancé
Trois ministères se sont réunis mercredi au siège du ministère des hydrocarbures et des Mines pour coordonner la mise en œuvre des instructions du président de la République relatives au lancement de l’exploitation de la mine de Gara Djebilet et à la mise en service de la ligne ferroviaire minière Béchar-Tindouf-Gara Djebilet dès le premier trimestre 2026. Ce projet stratégique, qui vise à transformer structurellement l’économie algérienne, marque l’entrée du pays dans une nouvelle ère de souveraineté industrielle hors hydrocarbures.
L’Algérie s’apprête à franchir un cap historique dans son processus de diversification économique. Trois jours après les instructions fermes données par le président Abdelmadjid Tebboune lors du Conseil des ministres du dimanche, l’appareil gouvernemental a mis en branle une vaste opération de coordination interministérielle pour concrétiser ce qui constitue, selon les termes du communiqué conjoint, « un tournant vers une transformation historique dans le parcours du développement national ». La réunion tenue ce mercredi matin a rassemblé les représentants de trois secteurs clés : le ministère des Hydrocarbures et des Mines, le ministère des Travaux publics et des Infrastructures de base, ainsi que le ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et des Transports. La rencontre a été coprésidée par le ministre d’État, ministre des hydrocarbures et des Mines, Mohamed Arkab, et le ministre des Travaux publics et des Infrastructures de base, Abdelkader Djellaoui, en présence de la secrétaire d’État chargée des Mines, Karima Bakir Tafer, du secrétaire général représentant le ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et des Transports, ainsi que des présidents-directeurs généraux des entreprises de réalisation et d’exploitation concernées et des cadres et représentants des institutions liées au projet, relevant des trois secteurs. Selon le communiqué conjoint, « cette réunion a été consacrée à la coordination des efforts autour des aspects techniques et opérationnels relatifs à l’extraction et au traitement des minerais de fer de la mine de Gara Djebilet, ainsi qu’au rythme de réalisation des infrastructures de base accompagnatrices, représentées par la ligne ferroviaire minière reliant Béchar-Tindouf-Gara Djebilet s’étendant sur 950 kilomètres, qui constitue l’enjeu majeur et la colonne vertébrale de la concrétisation de la chaîne de valeur industrielle propre au projet ». Cette infrastructure ferroviaire, véritable prouesse technique à travers le désert, représente bien plus qu’un simple moyen de transport : elle incarne la volonté politique de connecter les zones reculées du sud-ouest algérien au tissu économique national et de créer une artère vitale pour l’industrie lourde du pays.
Le projet de Gara Djebilet, dont les réserves sont estimées à plusieurs milliards de tonnes de minerai de fer, constitue l’un des plus importants gisements inexploités au monde. Son développement s’inscrit dans une vision économique à long terme visant à réduire la dépendance du pays aux hydrocarbures et à bâtir une industrie sidérurgique nationale compétitive. Le communiqué souligne que cette réunion « a constitué une opportunité pour prendre toutes les mesures nécessaires de la part des trois secteurs, chacun dans son domaine de compétence avec une coordination totale, pour confirmer l’engagement à exécuter les instructions du président de la République, ordonnant le lancement de l’exploitation locale du minerai de fer à partir du premier trimestre de l’année 2026, et la livraison de la ligne minière occidentale dans toutes ses sections durant le mois de janvier 2026 ».
Cette échéance ambitieuse témoigne de l’urgence accordée à ce dossier stratégique par les plus hautes autorités de l’État. Le communiqué précise qu’il s’agit de « la première étape de ce genre depuis l’indépendance, reflétant une nouvelle orientation économique fondée sur le renforcement de la souveraineté nationale industrielle à travers la sécurisation des matières premières pour l’industrie nationale du fer et de l’acier, l’obtention de la plus grande valeur ajoutée localement et la diversification de l’économie hors hydrocarbures ». Cette vision s’appuie sur la décision du Conseil des ministres approuvant la création de nouvelles usines de traitement du minerai de fer à Tindouf, Béchar et Naâma, garantissant ainsi la mise en place d’une chaîne industrielle intégrée. Le communiqué insiste sur la dimension systémique du projet, précisant que cette chaîne industrielle « relie l’extraction, le traitement, la transformation et le transport vers les complexes nationaux de fer et d’acier, en tête desquels le complexe Tosyali d’Oran, qui recevra les premiers chargements de minerai de fer traité via le chemin de fer à partir de l’année 2026 ». Cette articulation entre extraction, transformation et transport illustre la volonté de créer un écosystème industriel complet, depuis le sous-sol saharien jusqu’aux usines de transformation du littoral, en passant par des unités de traitement intermédiaires dans les wilayas du sud-ouest.
L’enjeu stratégique du projet dépasse la simple dimension économique. Il s’agit de redessiner la carte du développement territorial national en dynamisant des régions longtemps marginalisées, de créer des milliers d’emplois directs et indirects, et de positionner l’Algérie comme un acteur significatif sur le marché mondial du minerai de fer et de l’acier. Le communiqué conclut en affirmant que « l’importance du projet de la mine de Gara Djebilet et de la ligne ferroviaire en cours de réalisation a été confirmée lors de cette réunion, ces derniers représentant un tournant vers une transformation historique dans le parcours du développement national, en raison de leur impact direct sur le développement économique et social du pays ». Au-delà des chiffres et des délais, ce projet incarne une ambition politique claire : celle de faire de l’Algérie un pays industriel à part entière, capable de valoriser ses ressources naturelles sur son propre territoire, de réduire sa facture d’importation et d’exporter à terme des produits à forte valeur ajoutée.
Samira Ghrib

