TNA : Ouverture 18e édition du Festival du théâtre professionnel
Le Théâtre national algérien accueille dès ce lundi à 19h la 18e édition du Festival du théâtre professionnel, rendez-vous culturel majeur qui se poursuivra jusqu’au 1er janvier 2026. Cette année, la manifestation rend hommage à Abdallah Hamlaoui, surnommé le « cheikh des comédiens amateurs », en reconnaissance de sa carrière exceptionnelle et de sa contribution déterminante au rayonnement du théâtre algérien. Selon les organisateurs, ce choix constitue un geste de fidélité envers un artiste qui a consacré sa vie au quatrième art et laissé une empreinte indélébile dans la mémoire collective. La cérémonie d’ouverture sera assurée par Tounès Aït Ali, qui présentera un spectacle célébrant le plus ancien festival théâtral d’Afrique : le Festival du théâtre amateur de Mostaganem, créé le 1er septembre 1967 par Mustapha Benabdelhalim, dit « Si Djilali ». Ce festival historique, fort de 56 éditions, a révélé des figures majeures comme Mohamed Adar, Omar Fetmouche et Mohamed Fellag. L’édition 2025 se distingue par une approche renouvelée qui conjugue fidélité aux icônes du théâtre algérien et ouverture sur la création contemporaine. La compétition officielle a été recentrée sur les théâtres régionaux, garantissant un niveau artistique élevé à travers une sélection directe basée sur l’évaluation rigoureuse des productions. Dans une démarche d’élargissement, le règlement intérieur a été modifié pour permettre aux metteurs en scène, auteurs, scénographes et chorégraphes de participer à plusieurs œuvres, encourageant ainsi la diversité créative.
Le Théâtre national ouvre le bal avec « Funérailles d’Ayoub », texte et mise en scène d’Ahmed Rezzak. Cette comédie noire orchestre des obsèques collectives où sont enterrées les valeurs, la morale, l’innocence et la beauté, dans une composition visuelle et gestuelle qui explore le silence, les ombres, l’attente et l’amertume. Le Théâtre régional de Souk Ahras présentera « Cinq femmes et une charrette », production de Mohamed Islam Abbès racontant l’histoire de cinq femmes isolées du monde depuis sept ans et demi après une épidémie. L’œuvre, écrite et mise en scène par la docteure Soumia Benabderabou, dessine avec ironie les instincts de personnages féminins représentant différentes tranches d’âge, tout en abordant le retard de l’âge du mariage et le droit à la maternité.
Le Théâtre régional de Béjaïa proposera « La Clé » de Ziani Cherif Ayad, d’après « L’Invitation » de Mohamed Bourahla. Cette pièce en huit tableaux mêlant drame, musique et ballet interroge la question de l’altérité et les souffrances des migrants face à la montée des idéologies de suprématie. Le Théâtre de Biskra concourra avec « La Colère du Bey », mise en scène de Karim Boudchiche d’après un texte du docteur Hamid Allaoui. Le spectacle évoque la résistance d’Ahmed Bey, dernier bey de Constantine (1784-1851), qui défendit héroïquement sa ville face à l’invasion coloniale. Allaoui souligne que son texte s’inscrit dans « la création résistante » en retraçant le combat de ce chef qui s’opposa vaillamment à la déferlante coloniale.
D’autres productions enrichissent la compétition : « Lear… roi des sculpteurs », coproduction du Théâtre de Djelfa et de l’Institut supérieur des métiers des arts du spectacle, ainsi que « Les Broussailles », « Le Manteau et la Loueuse », « Le Kaf dénudé », « Carnaval romain » et « Retour à Haïfa ». La programmation parallèle affiche une densité remarquable avec sept spectacles dans la salle Hadj Omar et dix représentations de théâtre de rue sur l’esplanade Mohamed Touri, rapprochant ainsi l’art du grand public. Le festival accueille également la deuxième saison de l’atelier Théâtre pour enfants, encadrée par Mohamed Islam Abbès.
Sur le plan académique, deux événements structurent la réflexion : jeudi prochain, le colloque sur les archives du Théâtre national algérien (1973-1980), animé par Ziani Cherif Ayad, explorera six axes majeurs incluant le contexte général, la formation dans les années 70, la pratique de l’adaptation avec l’exemple de Nikolaï Gogol, et la critique théâtrale de l’époque. Des chercheurs comme les professeurs Makhlouf Boukrouh, Brahim Noual, Bouziane Ben Achour et Kamel Chirazi interviendront, avec présentation des bilans de numérisation des archives de Constantine, Annaba et Sidi Bel Abbès. Vendredi, une journée d’étude sera consacrée aux « idéologies de suprématie et théâtre », thématique d’actualité mobilisant universitaires et praticiens sous la direction de Ziani Cherif Ayad. Cette édition confirme la vitalité du théâtre professionnel algérien et son ancrage dans les débats contemporains, tout en honorant la mémoire de ses bâtisseurs.
M.S.

