Théâtre : Bendouda sonne la fin de la gestion bureaucratique
La ministre de la Culture et des Arts lance une refonte totale du secteur théâtral et annonce des budgets revalorisés pour 2026. « Les théâtres ne peuvent rester des murs sourds », a-t-elle martelé lundi devant les directeurs régionaux réunis au Palais de la culture Moufdi Zakaria.
C’est une révolution culturelle que la ministre de la Culture et des Arts, Malika Bendouda, entend initier. Face aux directeurs des théâtres régionaux réunis en conclave national au Palais de la culture Moufdi Zakaria d’Alger, la ministre a dévoilé les contours d’une politique théâtrale radicalement nouvelle, marquant une rupture assumée avec des décennies de gestion administrative figée. « La crise réelle n’est pas seulement dans les salles ou les lois, mais dans l’absence d’initiative », a affirmé la ministre dans un discours empreint de franchise. Posant les questions fondamentales de « pour qui produisons-nous ? » et « quel impact laissons-nous ? », Malika Bendouda a clairement signifié que l’ère du théâtre-vitrine était révolue. Désormais, les établissements publics devront justifier leur existence par leur rayonnement et leur utilité sociale. Cette vision s’accompagne d’un arsenal de mesures concrètes. Le communiqué qui a sanctionné la réunion annonce « une série de décisions financières et de gestion », à commencer par des « subventions financières immédiates pour la production de nouvelles œuvres théâtrales et l’amélioration de la situation actuelle des institutions ». Plus stratégique encore, « il a été officiellement décidé d’augmenter les budgets des théâtres en contrepartie des obligations de service public pour l’année 2026 ». Un signal fort dans un contexte de contraintes budgétaires.
Mais au-delà de l’injection financière, c’est toute l’architecture institutionnelle qui est repensée. La ministre a annoncé « le lancement d’une opération majeure de restructuration du secteur théâtral, couronnée par la création d’un organisme national du théâtre ». Cette instance, dont les contours restent à préciser, devrait centraliser la stratégie nationale et coordonner l’action des structures régionales.
Contrats de performance
Le ton du discours ministériel ne laisse aucune place à l’ambiguïté. « Les théâtres ne peuvent rester des murs sourds, ce sont des espaces de dialogue sociétal et d’expérimentation artistique audacieuse », a martelé Malika Bendouda, ajoutant que « la prochaine étape est celle du contrat de performance : la confiance contre la responsabilité, le soutien contre des résultats tangibles ». Les directeurs sont ainsi prévenus : les moyens seront là, mais les résultats devront suivre. Les directives adressées aux gestionnaires dessinent un cahier des charges ambitieux. Fini la programmation routinière : les théâtres devront désormais établir une « planification stratégique » articulée autour de quatre piliers. L’efficacité financière d’abord, avec « une gestion rationnelle des ressources » et la recherche de « financements et partenariats d’investissement en plus des subventions de l’État ». La qualité artistique ensuite, imposant « une programmation régulière de spectacles répondant à des critères artistiques rigoureux », avec une révision des mécanismes des comités artistiques pour garantir la production d’œuvres capables de « reconquérir le public dans les salles » et d’assurer « une présence qualitative et honorable du théâtre algérien dans les manifestations et festivals internationaux ».
L’ouverture constitue le troisième axe, transformant les théâtres en « incubateurs pour les troupes indépendantes et les créateurs », tout en consolidant « le partenariat avec le secteur de l’éducation pour faire du théâtre un parcours éducatif durable ». Enfin, le développement des infrastructures exige « un suivi assidu des opérations de rénovation et d’équipement », avec le dépôt de demandes d’investissement pour les bâtiments endommagés dans le cadre de la loi de finances. Cette refonte intervient dans un contexte de crise larvée du théâtre public algérien, confronté depuis des années à la désaffection du public, au vieillissement des infrastructures et à une création jugée parfois inégale. En imposant une logique de résultats et en promettant les moyens afférents, la ministre semble parier sur un électrochoc salutaire. Reste à savoir si les structures, longtemps habituées au fonctionnement administratif classique, sauront opérer la mue exigée.
En clôture de cette rencontre, Malika Bendouda a invité les directeurs à « penser hors du cadre » et à libérer l’action théâtrale des contraintes bureaucratiques, « pour construire un théâtre à la hauteur des aspirations du peuple algérien et de son identité séculaire ». Un appel qui sonne comme un ultimatum bienveillant : se réinventer ou disparaître.
Mohand Seghir

