Il rencontrera le prince héritier saoudien aujourd’hui à Riadh : Les objectifs inavoués de Biden au Proche-Orient
En prenant place, hier, dans Air force One pour rallier le Proche-Orient, le président américain Joe Biden a certainement eu à l’idée d’essayer de convaincre l’Arabie Saoudite de cesser sa fréquentation avec la Russie et la Chine, pays avec lesquels Riadh s’était rapprochée après la levée de boucliers occidentale qui avait suivie l’affaire Khashoggi.
La tournée entamée hier par le président américain Joe Biden au Proche-Orient et qui doit le mener principalement à l’entité sioniste et en Arabie Saoudite paraît déterminante à la fois pour les États-Unis et le monde occidental. Elle est cruciale car la mission première du locataire de la Maison-Blanche sera d’essayer de convaincre les Saoudiens d’ouvrir un peu plus les vannes de leurs puits de pétrole afin de faire baisser les prix du brut qui ont atteint des records depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. La flambée des prix des hydrocarbures sur le marché mondial est à l’origine, aujourd’hui, d’une spirale inflationniste qui menace de ralentissement les économies occidentales et impacte considérablement le pouvoir d’achat des populations. Une situation aggravée par le fait que les prix des autres matières premières ont également augmenté considérablement.
Preuve en est, la hausse des prix à la consommation a encore accéléré, en juin, aux Etats-Unis, et se trouve désormais au plus haut depuis novembre 1981. Un nouveau coup dur pour le président américain qui tente depuis plusieurs mois de juguler l’inflation. En effet, l’inflation a atteint 9,1% en juin sur un an, contre 8,6% le mois précédent, selon l’indice des prix à la consommation (CPI) publié hier par le département US du Travail. Sur un mois, la hausse des prix s’élève à 1,3%, contre 1,0% en mai. Le constat est par ailleurs confirmé par la directrice générale du FMI qui a affirmé hier que les perspectives économiques mondiales « s’assombrissent », citant notamment, parmi les principales raisons, la guerre en Ukraine et les «chocs sur les prix des biens» qu’elle a provoqués. Le FMI prévoit, à ce propos, de publier plus tard, ce mois-ci «une dégradation supplémentaire » à ses prévisions de croissance «à la fois pour 2022 et 2023», a déclaré Kristalina Georgieva en accompagnement d’une note préparée en amont de la réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales du G20 prévue à Bali ce week-end.
Le président américain Joe Biden parviendra-t-il à convaincre les autorités saoudiennes et au premier chef le prince héritier Mohammed Ben Salmane de jouer le jeu et de contribuer à atténuer la pression inflationniste qui étouffe les économies occidentales ? Il est fort possible que Riadh fasse un geste en direction de son allié traditionnel, surtout que l’Arabie Saoudite a besoin des Etats-Unis autant dans sa confrontation avec l’Iran que dans sa guerre épuisante contre les houthis. Il faudra probablement s’attendre, donc, à ce que Riadh et Washington s’adonnent à une sorte de vente concomitante dans laquelle tout le monde trouvera son compte. L’Arabie Saoudite et plus généralement les monarchies du Golfe se savent en tout cas en position de force pour exiger des Occidentaux un maximum de concessions.
Et comme les Etats-Unis – autant d’ailleurs que les autres puissances occidentales – n’ont pas d’amis ou d’ennemis éternels mais juste des intérêts éternels, il ne serait pas étonnant de voir Joe Biden oublier complètement de demander (comme il se l’était promis au lendemain de son investiture) des comptes à Mohammed Ben Salmane dans l’affaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. Le souhait de Joe Biden de réconcilier la diplomatie américaine avec des valeurs en phase avec le respect des droits de l’Homme paraît carrément un vœu pieux. Le voyage du président américain en Arabie Saoudite contribue d’ailleurs en soi à briser définitivement l’isolement dans lequel était jusque là prisonnier Mohammed Ben Salmane. La réalpolitique et le pragmatisme prennent le dessus…comme à chaque fois.
En prenant place hier dans Air force One pour rallier le Proche-Orient, le président Biden a également certainement eu à l’idée d’essayer de convaincre l’Arabie Saoudite de cesser sa fréquentation avec la Russie et la Chine, pays avec lesquels Riadh s’était rapprochée après la levée de boucliers occidentale qui avait suivie l’affaire Khashoggi. L’arrivée de la Chine et de la Russie dans la région est perçue par Washington comme une menace pour ses intérêts. Biden s’est probablement promis aussi de tout tenter afin d’obtenir un plus grand rapprochement entre Tel-Aviv et Riadh afin de construire une sorte de « front israélo-arabe » contre l’Iran. Un succès lors de cette mission proche-orientale pourrait permettre aux Etats-Unis d’avoir les mains libres pour se consacrer pleinement à l’Asie où la Chine s’est éveillée.
Khider Larbi