Banque nationale des semences : Une question de souveraineté nationale
La création d’une banque des semences est un élément déterminant dans la stratégie de consolidation de la sécurité alimentaire du pays à long terme.
Le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, a inauguré jeudi la Banque nationale des semences. Une structure qui doit consolider la sécurité alimentaire, assurer l’autosuffisance en matière de semences et se défaire des importations en la matière dès l’année prochaine. Dans ce contexte, l’expert en biotechnologies, Dr Mourad Belkhalafa, a affirmé que « la banque nationale de semences garantit le renforcement de la sécurité alimentaire et de la souveraineté nationale à travers la préservation du patrimoine génétique agricole et la promotion de la production locale de semences ». Cet enseignant-chercheur à l’Université des sciences et technologies Houari Boumediene à Bab Ezzouar a expliqué que «la Banque nationale de semences est nécessaire d’assurer la pérennité de notre système agricole et de notre sécurité alimentaire ». Car, a-t-il ajouté, sa «mission principale est la préservation et la valorisation du patrimoine génétique agricole », soulignant qu’ «en le protégeant de la biopiraterie, il contribuera également à limiter les conséquences de l’unification du modèle de production agricole imposé par la mondialisation sur les systèmes agricoles dans le monde». Le Dr Belkhalafa a également souligné «la nécessité de renforcer cette banque en créant des centres de recherche dans toutes les régions du pays sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et du ministère de l’Agriculture et du Développement rural». Il a ajouté que «ces centres devraient être équipés d’une plate-forme spéciale pour transcrire les types de gènes et les enregistrer auprès de l’UNESCO afin de les protéger de la biopiraterie et de l’exploitation illégale par d’autres pays», soulignant «le rôle et la responsabilité de ces centres dans la valorisation des types de gènes en améliorant leurs capacités à doubler la production, en augmentant leur immunité contre les maladies et en renforçant leur capacité d’adaptation aux conditions climatiques difficiles». Pour cet enseignant-chercheur, «notre connaissance de la biodiversité agricole, sa conservation et sa valorisation posent des enjeux majeurs pour diversifier et sécuriser l’agriculture du pays». Le chercheur a souligné «la nécessité d’inventorier toutes les ressources génétiques agricoles, végétales et animales à travers le pays, en impliquant tous les agriculteurs et éleveurs dans ce processus important», considérant que «ce processus est une étape nécessaire pour préserver cette précieuse richesse dont regorge l’Algérie». En ce qui concerne le partenariat international dans le domaine des espèces végétales et de la conservation des semences, le Dr Belkhafa l’a jugé très nécessaire car la mise en relation de la National Seed Bank avec d’autres banques de semences internationales, en particulier la Svalbard Bank en Norvège (la plus grande banque de semences au monde avec plus de 980 000 variétés) constitue une double protection pour nos ressources : des dommages et de l’extinction en cas de catastrophes naturelles. L’expert a cité la banque de semences syrienne située dans la ville d’Alep comme un modèle pour la gestion rationnelle de ces ressources naturelles. Il a indiqué que cette «banque, classée 9e au niveau mondial avec plus de 155 000 espèces et variétés, et qui était détruite, a été reconstruite parle gouvernement syrien grâce aux graines qui avaient été déposées à Svalbard Bank». Concernant le Protocole de Nagoya sur le droit d’accès aux ressources génétiques, le Dr Belkhafa a noté que «cette Convention des Nations Unies a été adoptée le 29 octobre 2010 au Japon, et est entrée en vigueur le 12 octobre 2014», précisant que «cet accord est complémentaire aux dispositions de la Convention sur la diversité biologique (CDB) relatives à l’accès aux ressources biologiques et au partage commun et équitable de leurs avantages». Quant à son objectif, il vise à créer un cadre mondial pour la création d’outils pratiques qui faciliteraient l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation. Ce partage devrait être limité aux produits de grande consommation tels que la pomme de terre, la tomate et certains types de blé et de riz pour permettre aux populations d’avoir accès à la nourriture. D’autre part, cet accord à chaque pays le droit de créer une liste de produits spécifiques à sa région, notamment les produits nationaux qui devraient être enregistrés au niveau international pour les protéger de la biopiraterie. Le professeur d’université a noté que «l’Algérie a ratifié cet accord avant d’être dotée des moyens nécessaires lui permettant de surveiller, protéger et enregistrer son patrimoine agricole hérité, ce qui a suscité des ambitions quant à l’exploitation de nos ressources». «Mais, la mise en place de la Banque nationale des céréales avec la délivrance d’un cadre juridique pour protéger nos ressources sur les marchés mondiaux permettrait », ajoute-t-il, « d’inverser cette situation et d’apporter un changement positif» dans le domaine de la protection du patrimoine génétique agricole national. Jeudi dernier, lors de l’inauguration de la banque, le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane a souligné «l’importance de cette réalisation entrant dans le cadre de concrétisation de la sécurité alimentaire du pays en améliorant la production nationale de céréales, considérant que «la dépendance totale à la production nationale des semences dans l’agriculture est l’un des défis les plus importants du secteur».
Salim Abdenour