44e anniversaire de la disparition de Houari Boumediène : L’homme, le leader, le visionnaire…
« On n’ira pas au Paradis le ventre creux », disait-il, Allah yarhmou. Boumediene avait, très tôt, compris que la misère mène à tout et que sans savoir, un peuple n’accèdera jamais à l’éternité. L’homme est disparu le 27 décembre 1978, mais pas ses idées. Son regard perçant continue à montrer la voie vers le firmament.
Homme providentiel ou simple Algérien épris de son pays pour qui il a voué sa vie, Houari Boumediene demeure un personnage central de l’histoire moderne de notre pays, mais dont la vie reste malheureusement peu connue et intrigue plus d’un ? Pourtant, quarante quatre ans après sa mort, l’homme continue de susciter de l’admiration même chez la nouvelle génération qui ne l’a pas connu. Son charisme et sa stature supra objective font de lui un dirigeant craint et respecté. Aux yeux de beaucoup d’Algériens, Boumediene est ce père de la Nation qui a su imposer la jeune Algérie indépendante au sein du concert des nations. Tantôt écouté, un autre apprécié, il a été souvent haï et calomnié mais surtout craint et respecté par les leaders du monde de son époque.
Contrairement à ce que certains tentent de faire croire, le défunt président Houari Boumediene n’était pas homme de pouvoir. Il n’aimait pas le pouvoir pour le pouvoir, il aimait plus que tout son pays, l’Algérie. Son humble et modeste enfance passée comme tant d’Algériens à subir les affres de la colonisation a fini par faire naitre chez le jeune Mohamed Boukharrouba cette hargne à se libérer du joug colonial. Ces chemins difficiles vers l’indépendance du pays ont forgé son caractère et fait que l’homme se durcisse car déjà conscient de la triste réalité des conditions de vie des Algériens. Précoce et visionnaire, il comprendra vite qu’au-delà de la nécessité de s’affranchir du colonisateur français, l’Algérie doit se libérer de la misère humaine, de l’ignorance, de l’analphabétisme et de la dépendance sous toutes ses formes notamment économique et culturelle. Cette même vision « indépendantiste » concernait tous les peuples des pays inféodés ou colonisés et qui aspiraient à se défaire de l’impérialisme. Sa vision du monde libre avait subjugué au point d’encourager tous les mouvements libérateurs. Il fera de l’Algérie « la Mecque des révolutionnaires ». Loin d’être « revanchard », celui qui présidera aux destinées de l’Algérie indépendante fera remarquer à l’ancien colonisateur que « nous n’oublions rien, mais regardons vers l’avenir » en recevant le président français Valérie Giscard d’Estaing, en avril 1975, comme le rapporte son épouse Anissa Boumediene. « El Houari » comme aiment à l’appeler les Algériens, n’avait effectivement rien oublié, mais savait qu’il se devait d’avancer et de faire de cette terre sacrée, ce grand pays tant malmené et dont avaient rêvé les martyrs, Un pays, un État « qui ne disparaîtra pas à la disparition des hommes ». Sa vision était assise sur un triptyque : affranchir les esprits et arrêter le génocide des âmes par la révolution culturelle, construire l’État sur la base d’institutions pérennes et immuables et enfin garantir l’indépendance économique. Si « sa » révolution agraire tant critiquée n’a pas atteint ses objectifs escomptés, la révolution industrielle entamée en dépit d’un manque flagrant de cadres et de main d’œuvre qualifiée fut quant à elle, une réussite du défi vite relevé par la jeune Nation. Les nationalisations et leur point culminant avec la nationalisation des hydrocarbures ont imposé un principe : les richesses d’une nation doivent revenir à son peuple. De dirigeant visionnaire à « dictateur illuminé », Boumediene n’a jamais fait consensus autour de sa politique décriée par certaines franges encore sous l’emprise de la francophilie et qui n’arrivent toujours pas à admettre l’idée d’une Algérie indépendante et souveraine. Aujourd’hui, beaucoup d’Algériens regrettent cet homme qu’ils n’ont pas connu ou qu’ils ont peu ou mal connu. Ses œuvres parlent cependant pour lui en dépit des vaines tentatives d’effacer le pan d’histoire se rapportant au défunt Houari Boumediene qui a laissé une empreinte indélébile sur un monde qui se réveille en sursaut sur les prévisions du défunt président qui parlait déjà à son époque du nouvel ordre économique mondial. Boumediene avait un demi siècle d’avance sur son monde. En plaidant, ce 10 avril 1974 à la tribune des Nations Unies pour une refondation des relations internationales, pour la prospérité des peuples qui doit forcement passer par un partage équitable des richesses de la planète, le défunt président algérien avait osé s’attaquer aux puissances de l’époque à qui il faisait constater que «(…) Tous les leviers de commande de l’économie mondiale sont entre les mains d’une minorité constituée par des pays hautement développés. […] En détenant l’essentiel des marchés de consommation des matières de base ainsi que le quasi-monopole de la fabrication des produits manufacturés […], les pays développés ont pu fixer, à leur guise, tant les prix des matières de base qu’ils prennent aux pays en voie de développement que ceux des biens et services qu’ils fournissent à ces derniers. […] Tel est le fondement de l’ordre économique mondial que nous vivons aujourd’hui […], un ordre qui est aussi injuste et aussi périmé que l’ordre colonial duquel il tire son origine et sa substance. Parce qu’il s’entretient, se consolide et prospère selon une dynamique qui, sans cesse, appauvrit les pauvres et enrichit les riches (…)». Un propos qui résonne encore, une vérité d’une justesse inouïe et qui reflète les déséquilibres du monde, toujours persistants aujourd’hui, près d’un demi-siècle plus tard.
Azzedine Belferag