Culture

Les arts visuels, gardiens du patrimoine

Organisé sous le patronage du ministère de la Culture et des Arts, le 6e Festival culturel national du costume traditionnel algérien, ouvert le 22 juillet, a pris fin jeudi, après quatre jours d’activités placées sous le thème : «Des costumes résilients, pour des générations pérennes».

Dans le cadre pittoresque du Centre des arts et de la culture Palais des Raïs (Bastion 23) à Alger, une conférence d’une importance capitale s’est tenue jeudi dernier. Intitulée « La documentation cinématographique et télévisuelle des héritages traditionnels, depuis le costume jusqu’aux broderies », cette rencontre a réuni des professionnels du 7e art et des chercheurs en patrimoine culturel. L’événement s’inscrivait dans le programme du 6e Festival culturel national du costume traditionnel algérien, plaçant ainsi les arts visuels au cœur des efforts de préservation et de promotion du patrimoine vestimentaire algérien.

La cinéaste Hadjer Sebata, le journaliste et chercheur Amar Bourouis, le comédien Hassen Kechache et le costumier Riad Tlemçani ont animé cette conférence, offrant chacun leur perspective unique sur le rôle crucial que jouent le cinéma et la télévision dans la sauvegarde et la diffusion des traditions vestimentaires. Hadjer Sebata a souligné la puissance de l’image cinématographique et télévisuelle comme vecteur direct de l’identité algérienne. Elle a insisté sur la responsabilité des scénaristes et des directeurs de projet dans la recherche minutieuse d’informations historiques. Cette démarche est essentielle pour garantir l’authenticité des costumes et des accessoires utilisés dans les productions, assurant ainsi une représentation fidèle des époques et des cultures dépeintes. Amar Bourouis a renchéri sur ce point, mettant l’accent sur la nécessité de « reproduire fidèlement une époque de l’histoire par l’accoutrement et l’accessoire ». Il a cependant déploré le manque d’exploitation des sites naturels algériens, riches en histoire et en esthétique, lors des repérages pour les tournages. Selon lui, une meilleure utilisation de ces décors naturels pourrait considérablement renforcer la promotion de l’Algérie comme destination culturelle et touristique. Le comédien Hassen Kechache a apporté son expertise en valorisant le métier de cinéaste sous l’angle de la précision historique. Il a souligné l’importance capitale du choix des costumes dans la crédibilité d’un film, chaque détail devant être minutieusement adapté à l’époque représentée. Pour faciliter ce travail de précision, Kechache a proposé la création d’une documentation visuelle exhaustive, classée par secteur de vie et d’activité, avec des images datées et légendées. Riad Tlemçani, fort de son expérience en tant que costumier de la série télévisée à succès « Dar Lefchouche », a partagé sa démarche pour habiller les personnages de manière authentique. Il a révélé que l’un des objectifs principaux de la série était de mettre en valeur le patrimoine vestimentaire de toutes les régions d’Algérie, illustrant ainsi comment une production télévisuelle peut devenir un véritable outil de préservation et de promotion culturelle. Le débat qui a suivi la conférence a été particulièrement enrichissant, avec les interventions notables du chercheur en patrimoine culturel Nadir Chellali et de Faiza Riache, commissaire du festival. Ils ont tous deux insisté sur l’importance d’une collaboration étroite entre les cinéastes et la commission historique et scientifique du festival. Cette coopération permettrait aux créateurs d’accéder à des informations détaillées et précises sur les costumes traditionnels de chaque région à différentes époques de l’histoire. Une proposition innovante a émergé de ces discussions : la création d’une plateforme numérique centralisant toutes les données scientifiques et académiques relatives aux costumes traditionnels algériens. Cet outil, véritable bibliothèque virtuelle du patrimoine vestimentaire, serait une ressource inestimable pour les professionnels du cinéma et de la télévision, mais aussi pour les chercheurs et le grand public. Le festival lui-même a été une vitrine exceptionnelle de la richesse du patrimoine vestimentaire algérien. Des expositions présentant une grande variété de costumes citadins et ruraux ont permis aux visiteurs de découvrir ou redécouvrir les tenues traditionnelles d’Alger, Constantine, Annaba, Oran, Tlemcen, ainsi que celles des Aurès, de Kabylie, de Laghouat, du M’zab et du Sahara. Cette diversité témoigne de la complexité et de la richesse de l’identité culturelle algérienne, que les arts visuels s’efforcent de capturer et de préserver. En marge de ces expositions, des ateliers de couture et des conférences sur la broderie et le costume traditionnel palestinien ont été organisés, élargissant ainsi la portée du festival au-delà des frontières nationales et soulignant les liens culturels qui unissent les peuples à travers leurs traditions vestimentaires. Le thème choisi pour cette 6e édition du festival, « Des costumes résilients, pour des générations pérennes », résume parfaitement l’enjeu de cette manifestation et le rôle crucial des arts visuels dans la préservation du patrimoine. En effet, le cinéma et la télévision, par leur capacité à toucher un large public et à créer des images durables dans l’imaginaire collectif, sont des outils puissants pour assurer la transmission de ce patrimoine aux générations futures. La conférence et le festival dans son ensemble ont mis en lumière le potentiel immense des arts visuels comme gardiens modernes du patrimoine culturel. En documentant, en représentant et en célébrant les costumes traditionnels, le cinéma et la télévision ne se contentent pas de divertir ; ils jouent un rôle éducatif et patrimonial essentiel. Ils contribuent à maintenir vivantes des traditions séculaires, à les faire connaître à un public plus large et à susciter un intérêt renouvelé pour ce patrimoine auprès des jeunes générations. Alors que l’Algérie continue de naviguer entre tradition et modernité, les arts visuels apparaissent comme un pont crucial entre le passé et le présent. Ils offrent une façon dynamique et accessible de célébrer l’identité culturelle algérienne, tout en l’ancrant fermement dans le monde contemporain. Ce faisant, ils ne préservent pas seulement un héritage ; ils le font vivre et évoluer, assurant ainsi sa pertinence continue dans un monde en constante mutation.

R.C.

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