Culture

Festival d’Oran: Quand le cinéma arabe explore les profondeurs de l’âme humaine

Dans la douce brise méditerranéenne d’octobre, Oran s’est une nouvelle fois transformée en épicentre du cinéma arabe. La 12e édition du Festival international du film arabe y bat son plein, offrant aux cinéphiles un voyage émotionnel à travers des récits qui transcendent les frontières et touchent à l’universel.

Le long métrage qui a particulièrement marqué les esprits est « Mountain Boy » de la réalisatrice émiratie Zeinab Shaheen. L’histoire de Suhail, un jeune garçon autiste qui trouve refuge dans les montagnes après le rejet de son père, résonne comme une ode à la différence. Plus qu’un simple récit sur le neurodéveloppement atypique, le film s’aventure sur les sentiers escarpés de l’acceptation de soi et des autres. Avec un profond sentiment de confusion face à la mort de sa mère en lui donnant naissance, Suhail se lance dans un long voyage avec son chien à la recherche d’acceptation et d’une famille. Le film est une exploration profonde du monde des personnes neurodivergentes et un hommage à l’expérience humaine dans son intégralité, ainsi qu’une tentative de faire comprendre qu’il existe de nombreuses façons de vivre, a-t-on souligné dans le synopsis du film. À travers le périple de ce jeune garçon accompagné de son fidèle compagnon canin, Shaheen nous invite à repenser notre conception de la normalité et à embrasser la diversité des expériences humaines.

Dans un registre différent mais tout aussi poignant, « Les exténués » du Yéménite Amr Gamal nous plonge dans le quotidien d’Ahmed et Israa, un couple pris dans la tourmente d’une crise économique. Leur histoire, cruellement banale et pourtant si percutante, nous rappelle que la précarité n’est jamais loin, même des foyers les plus équilibrés. La nouvelle grossesse d’Israa, survenant au pire moment, agit comme un révélateur des tensions sociales et économiques qui traversent le monde arabe contemporain.

Le festival fait également la part belle aux courts métrages, véritables pépites narratives qui, en quelques minutes, parviennent à capturer l’essence de destins singuliers. Du Liban à l’Irak, en passant par la Jordanie et l’Égypte, ces œuvres composent une mosaïque vibrante de la création cinématographique arabe. « La Saison » du Libanais Hussein Ibrahim nous transporte dans les montagnes du Liban de 1991, où une simple partie de chasse devient le théâtre d’une initiation pour un jeune garçon de 11 ans. De son côté, le réalisateur omanais Haitham Suleiman nous immerge dans « La religion de l’eau », où un adolescent aveugle rêve de retrouver son père disparu en mer, mixant habilement réalisme social et mysticisme maritime. Selon son réalisateur, le film s’inspire de la culture de la société omanaise, imprégnée de mythes et de légendes liés à la mer, devenus au fil des années partie intégrante de leur vie et de leur culture.

L’éclectisme est le maître-mot de cette édition. De la comédie romantique égyptienne mettant en scène un improbable moustique entremetteur, à l’amitié inattendue entre un jeune solitaire et sa voisine âgée dans le film jordanien « Où es-tu », le festival prouve que le cinéma arabe ne se cantonne pas aux drames sociaux, même s’il excelle dans ce registre.

Le volet documentaire n’est pas en reste, avec notamment « Lyd » des réalisateurs Rami Younis et Sarah Emma Friedland, qui raconte l’histoire de la ville de « Lyd », riche en histoire ancienne et autrefois considérée comme un point de relai entre la Palestine et le reste du monde, qui s’est progressivement évaporée après l’occupation des territoires palestiniens par l’entité sioniste en 1948. Cette œuvre, à travers la performance vocale de Maysaa Abdelhadi, raconte l’histoire des habitants de cette ville et les massacres et déplacements commis par l’occupation sioniste contre eux ainsi que la spoliation de leurs terres. Le film transforme la mémoire en acte de résistance, rappelant que le cinéma peut aussi être un outil de préservation historique.

Ce qui frappe dans cette sélection, c’est son refus des étiquettes faciles. Qu’il s’agisse de « Le Capitaine » du Tunisien Houssem Sansa, chronique d’une femme entrepreneur dans le sud tunisien, ou du mélancolique « Alone is better » de l’Irakien Rekar Barzan, ces films dessinent les contours d’un cinéma arabe en pleine effervescence créative.

Le Festival d’Oran 2024 nous rappelle que le cinéma arabe est bien plus qu’une catégorie géographique : c’est un kaléidoscope d’expériences humaines, un miroir des sociétés en mutation et un espace de dialogue entre les cultures. À l’heure où les préjugés et les incompréhensions semblent gagner du terrain, ces œuvres nous rappellent l’essentiel : notre humanité partagée, dans toute sa complexité et sa beauté. Alors que le festival se poursuit, Oran continue de vibrer au rythme de ces récits qui, par leur singularité même, touchent à l’universel. Car c’est peut-être là la véritable magie du cinéma : sa capacité à nous faire voyager tout en nous ramenant à nous-mêmes.

Mohamed Seghir

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