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Il y 70 ans, la Déclaration du 1er Novembre était diffusée depuis Ighil Imoula : Le point de départ de la plus grande guerre de libération de l’Histoire

Il y a 70 ans, dans les hauteurs de la Kabylie, un petit village allait entrer dans l’Histoire en jouant un rôle déterminant dans le déclenchement de la Guerre de libération nationale. Ighil Imoula, perché sur une colline de l’actuelle wilaya de Tizi-Ouzou, fut le théâtre d’une opération secrète qui allait changer le destin de l’Algérie : la reproduction et la diffusion de la Proclamation du 1er novembre 1954.

Le choix de ce village n’était pas le fruit du hasard, comme le souligne Ouali Ait Ahmed, ancien officier de l’Armée de libération nationale (ALN) et actuel responsable du bureau de wilaya de Tizi-Ouzou de l’Organisation nationale des Moudjahidine (ONM). Deux critères essentiels ont guidé cette décision stratégique : d’une part, l’engagement patriotique remarquable de ses habitants – pas moins de 19 villageois rejoindront le maquis dès le début de la révolution – et d’autre part, un atout technique crucial : le village était l’un des rares à disposer de l’électricité, indispensable au fonctionnement de la ronéo qui devait dupliquer le document historique. L’histoire de cette proclamation commence à Alger, où le Comité des six – composé de Mustapha Benboulaid, Didouche Mourad, Krim Belkacem, Larbi Ben M’hidi, Mohamed Boudiaf et Rabah Bitat – se réunit le 10 octobre 1954. Didouche Mourad et Mohamed Boudiaf sont alors chargés de la rédaction du texte. Le 23 octobre, après validation du document par les six chefs historiques, Krim Belkacem se voit confier la mission de sa reproduction. Il transmet le manuscrit à son adjoint Ali Zamoum, originaire d’Ighil Imoula, avec une consigne stricte : ne modifier aucun élément du texte, « pas même une virgule ». L’opération de reproduction mobilise un réseau minutieusement orchestré. La ronéo est d’abord transportée depuis le domicile d’Abane Ramdane à Larbaa n’Ath Irathen par Fernane Hanafi. À Oued Aissi, elle est confiée à trois militants d’Ait Abdelmoumen qui la transmettent ensuite à trois résistants d’Ighil Imoula : Ali Zamoum, Mohamedi Saad et Ben Ramdani. Pour la dactylographie du document, on fait appel au journaliste et militant Mohamed Laichaoui, conduit au village les yeux bandés. Le travail s’effectue dans la maison du militant Ben Ramdani Ramdane, près de la placette du village. Pour couvrir le bruit suspect de la machine à écrire, les militants organisent ingénieusement une tombola improvisée, les cris des participants masquant le cliquetis révélateur. L’opération, débutée le 25 octobre, s’achève le 27. Le dernier jour est consacré au conditionnement des documents pour leur distribution à travers toutes les zones du pays, ainsi qu’au Caire, en Égypte. Cette proclamation historique, qui marque l’acte de naissance du Front de libération nationale (FLN), définit les objectifs de la Révolution, ses moyens de lutte et les conditions d’un éventuel cessez-le-feu. La nuit du 31 octobre au 1er novembre, des attaques coordonnées éclatent simultanément dans toute l’Algérie. En Kabylie, Ali Mellah et ses hommes frappent à Azazga, visant le siège de l’administrateur de la commune mixte et la gendarmerie. Au Camp du Maréchal (aujourd’hui Tadmait), Ali Benour dirige la destruction des dépôts de liège et de tabac. D’autres actions sont menées à Tigzirt et Draâ El Mizan, créant une onde de choc qui se propage dans l’Oranie, l’Algérois, les Aurès et le Constantinois.

Face à cette offensive surprise, l’administration coloniale riposte le lendemain par des arrestations massives de militants nationalistes. Mais il est déjà trop tard : la plus grande révolution de libération du XXe siècle est en marche. Comme le souligne Si Ouali, le succès de ce soulèvement repose sur trois piliers fondamentaux : l’union autour d’un objectif commun – l’indépendance -, une volonté inébranlable et la conviction profonde de la victoire finale, qui interviendra le 5 juillet 1962. Aujourd’hui, Ighil Imoula reste un symbole de cette période héroïque, témoignant de la façon dont un modeste village de montagne est devenu le point de départ d’une révolution qui allait changer le cours de l’Histoire.

Samir Benisid

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