COP 29: Quel impact de l’action climatique ?
Par Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités, expert international, ancien Directeur des études au ministère Énergie et au ministère de l’Industrie 1974/2015 , Président de la commission transition énergétique des 5+5+ Allemagne/FMI/Banque mondiale 2019/2020.
Malgré l’absence des présidents des grands pays comme les USA et la Chine mais qui seront représentés et paradoxalement presque au même moment de la réunion du G20 au Brésil – Le G20 représentant plus de 80 % du commerce mondial , les deux tiers de la population mondiale environ 90 % du PIB mondial soit 94.500 milliards de dollars sur un PIB mondial 2023 de 105.000 milliards de dollars- et dans un contexte marqué par des résultats mitigés des anciennes COP, qu’est-ce qu’on peut attendre du sommet des dirigeants de la COP 29 à Bakou.
Le sommet de Bakou devait débattre des solutions au changement climatique autour de six axes : premièrement, comment faire évoluer le modèle des banques multilatérales de développement pour répondre aux défis du XXIe siècle avec un besoin prévu de 1000 milliards de dollars ; deuxièmement, mettre en place une nouvelle méthode pour le développement durable ; troisièmement, favoriser les partenariats pour une croissance verte; quatrièmement, mettre en place d’autres instruments et des financements innovants face aux nouveaux enjeux de vulnérabilité ; cinquièmement, garantir des informations et des données plus fiables et comparables et enfin sixièmement, créer un environnement propice au développement des infrastructures durables et des industries écologiques et financement des PME). D’une manière générale, le monde est appelé à changer de modèle de consommation pour aller vers une économie de l’énergie fossile classique et des biens consommables et surtout de l’eau qui sera un enjeu stratégique au XXIème siècle. C’est que nous assistons en ce début du XXIème siècle, à des disparités de niveau de vie criantes qui font de notre planète un monde cruel et dangereusement déséquilibré. Depuis 1850, notre planète s’est réchauffée en moyenne de 1,1°C et selon le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), le réchauffement planétaire en cours pourrait passer de 1,5°C à 4,4°C d’ici 2100. Les experts du Giec indiquent que le réchauffement climatique devrait être contenu à +1,5°C au maximum d’ici 2100 pour éviter que notre climat ne s’emballe. Cette limitation sera hors de portée à moins de réductions immédiates, rapides et massives des émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone en 2050.C’est dans ce cadre mondial que l’abondance et l’opulence y côtoient d’une manière absolument insupportable la pauvreté et le dénuement. La lutte contre le réchauffement climatique engage la sécurité du monde où les rapports de l’ONU prévoient une sécheresse sans pareille entre 2025/2030 avec une pénurie d’eau douce et donc une crise alimentaire. Fondamentalement, si nous échouons à passer à un monde à faible émission de carbone, c’est l’intégrité globale de l’économie mondiale qui sera menacée, et en premier lieu l’Afrique, car le climat mondial est un vaste système interconnecté. Selon la Banque mondiale, l’Afrique n’est responsable que de 3,8 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde et pourtant, du Sahel à la corne de l’Afrique, et jusqu’au sud du continent, les pays africains subissent de plein fouet les effets dévastateurs de sécheresses et d’inondations de plus en plus sévères avec des conséquences dramatiques sur l’agriculture et son soubassement l’eau douce, sur la production de nourriture où l’agriculture est le moyen de subsistance de 80 % de la population du continent. (voir le débat Pr Abderrahmane Mebtoul sur les enjeux géostratégiques sur TV- LCP- Paris – chaîne parlementaire sur le réchauffement climatique et la sécurité mondiale 31 octobre 2022 Paris France en présence de plusieurs experts disponible sur YouTube). Par conséquent, on ne peut ignorer le lien évident entre l’agriculture et la sécurité alimentaire lorsqu’on évoque le changement climatique. D’une manière générale, le monde connaît un bouleversement inégal depuis des siècles, d’un côté pluies diluviennes, inondations de l’autre côté, sécheresse et incendies. Pour réduire les coûts, impossible à supporter par un seul Etat, il s’agira d’accélérer la coopération internationale et la transition énergétique (l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert). Il devient impératif pour les pays développés et pour l’intérêt de l’humanité qu’à une vision strictement marchande se substitue un co-développement pour une richesse partagée. L’enjeu du XXIe siècle est celui d’une véritable politique écologique tenant compte de la protection de l’environnement et du cadre de vie, impliquant une réorientation de la politique agricole, industrielle et énergétique. Le dialogue des civilisations et la tolérance sont des éléments plus que jamais nécessaires à la cohabitation entre les peuples et les nations. D’une manière générale, pour les pays en voie de développement qui aspirent au bien-être, des stratégies d’adaptation avec l’aide des techniques nouvelles des pays développés, devant adapter une stratégie progressive pour ne pas freiner leur développement, pouvant tolérer un minimum. Si l’Afrique, l’Asie dont la Chine et l’Inde comptent plus de 4 milliards d’habitants sur les 8 milliards avaient le même modèle de consommation énergétique que l’Europe et les USA, qui accaparent en 2022 plus de 40% du PIB mondial estimé à plus de 100.000 milliards de dollars pour moins d’un milliard d’habitants.
Le réchauffement climatique a sept effets négatifs qui menacent la sécurité mondiale. Premièrement, pour la hausse du niveau des mers, le constat est la hausse moyenne des températures qui provoque une fonte des glaces continentales (glaciers, icebergs, etc.). Le volume de glace fondue vient s’ajouter à celui de l’océan, ce qui entraîne une élévation du niveau des mers. Près de 30% de cette élévation est due à la dilatation causée par l’augmentation de la température de l’eau. Le taux moyen d’élévation du niveau marin s’accélère, était de près d’1,3 mm par an entre 1901 et 1971, d’environ d’1,9 mm par an entre 1971 et 2006, et il atteint près de 3,7 mm par an entre 2006 et 2020, le GIEC estimant que le niveau des mers pourrait augmenter de 1,1 m d’ici 2100. Comme impact, les zones côtières seront confrontées à des inondations dans les zones de faible altitude plus fréquentes et plus violentes et à l’augmentation de l’érosion du littoral. Deuxièmement, la modification des océans qui absorbent naturellement du gaz carbonique, en excès dans les océans, acidifie le milieu sous-marin, ce qui provoque la disparition de certaines espèces, notamment des végétaux et des animaux tels que les huîtres ou les coraux. En plus de son acidification, la modification des océans entraîne une baisse de sa teneur en oxygène, réchauffement et augmentation de la fréquence des vagues de chaleur, affectant les écosystèmes marins et les populations qui en dépendent. Troisièmement, l’amplification des phénomènes météorologiques extrêmes provoque l’évaporation de l’eau, ce qui modifie le régime des pluies plus intenses, avec les inondations qui les accompagnent dans certaines régions, et des sécheresses plus intenses et plus fréquentes dans de nombreuses autres régions. En effet, lors de pluies violentes, les sols ne peuvent pas fixer l’eau, s’écoulant alors directement vers les cours d’eau plutôt que de s’infiltrer, les nappes d’eau souterraines ne pouvant se reconstituer. Le réchauffement planétaire entraîne le dérèglement des saisons et le déplacement des masses d’air qui pourraient, à long terme, accroître le nombre d’événements climatiques extrêmes: tempêtes, ouragans, cyclones, inondations, vagues de chaleur, sécheresses, incendies. Quatrièmement, le réchauffement climatique est une menace sur les plantes et les animaux car les cycles de croissance des végétaux sauvages et cultivés sont modifiés: gelées tardives, fruits précoces, chute des feuilles tardives, etc. Beaucoup d’espèces ne supporteront pas les nouvelles conditions climatiques et l’agriculture devra s’adapter en choisissant des espèces précoces. Les comportements de nombreuses espèces animales sont perturbés et devront migrer ou s’adapter sous menace d’extinction. Cinquièmement, l’impact du réchauffement climatique bouleverse les conditions de vie humaine. Certains de ces effets sont irréversibles où selon le rapport du Giec, environ 3,3 à 3,6 milliards de personnes vivent dans des habitats très vulnérables au changement climatique. Si le niveau des mers augmente d’1,1 m d’ici 2100, près de 100 millions de personnes seront contraintes de changer de lieu d’habitation, et certaines terres côtières ne seront plus cultivables et en plus , le changement climatique accroît les risques sanitaires: vagues de chaleur, cyclones, inondations, sécheresses, propagation facilitée de maladies. Sixièmement, les dérèglements climatiques perturbent la distribution des ressources naturelles, leur quantité et leur qualité. De plus, les rendements agricoles et des activités de pêche sont impactés. Les rendements agricoles pourraient baisser d’environ 2% tous les 10 ans tout au long du XXIe siècle, avec des fluctuations chaque année. Septièmement, les impacts sur les coûts où selon l’AIE, les engagements gouvernementaux actuels ne permettraient d’atteindre que 20% des réductions d’émissions d’ici 2030 et devant investir chaque année jusqu’à 4000 milliards de dollars /an au cours de la prochaine décennie. La priorité est de diriger la majorité de ces investissements vers les économies en voie développement, et vers de nouveaux investissements : les véhicules électriques, l’hydrogène, le captage / stockage du carbone et biocarburants,, sur l’efficacité énergétique dont le transport de l’énergie, le Btph, l’industrie sans compter d’autres secteurs comme la santé , l’agriculture et les loisirs avec un nouveau mode du tourisme ce qui nécessite la réforme du système financier mondial du fait que les obligations vertes représentent en 2021 seulement 2% de la valeur du marché obligataire mondial. Sans changement de trajectoire, les prévisions du Nges, qui s’appuient sur la simple mise en place des politiques actuelles, envisagent une perte de production équivalant à environ 5% du PIB mondial d’ici 2050, et jusqu’à 13% d’ici 2100.
En conclusion, le monde connaît un bouleversement inégal depuis des siècles, d’un côté pluies diluviennes, inondations, de l’autre côté, sécheresse et incendies. Or cela entraîne des coûts colossaux, impossibles à supporter par un seul État et une menace pour l’avenir de l’humanité, d’où l’urgence d’une action collective.
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