Le monodrame « Houna wal’ane » présenté au TNA: Un plaidoyer vibrant pour l’émancipation de la femme
Dans le sanctuaire des arts qu’est le Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi d’Alger, une nouvelle étoile est venue illuminer la scène théâtrale algérienne. Le monodrame « Houna wal’ane » (ici et maintenant) a été présenté samedi soir au public, portant les espoirs et les tourments de la condition féminine universelle. Cette création, fruit de l’imagination fertile de Samah Smida, qui en assure également la mise en scène, se présente comme une symphonie visuelle où la dramaturgie et la danse contemporaine s’entrelacent dans une étreinte parfaite.
Dans l’écrin intimiste de la salle annexe « Hadj-Omar », le spectacle se dévoile comme un manifeste poétique, un plaidoyer vibrant pour l’émancipation de la femme, qu’elle soit algérienne, africaine ou citoyenne du monde. Tel un miroir tendu à la société, « Houna wal’ane » reflète les aspirations profondes de ces âmes en quête de liberté, ces femmes prisonnières des chaînes invisibles du passé qui entravent leur progression vers un avenir radieux. La pièce, qui aurait pu emprunter à la sagesse latine l’expression « Carpe diem », s’érige en véritable philosophie de vie, invitant chaque spectateur à savourer le présent comme un fruit mûr, sans se laisser corroder par l’acide des regrets ni paralyser par la crainte du lendemain.Dans ce tableau vivant, une silhouette féminine, drapée dans l’obscurité d’une tenue noire, évolue telle une ombre gracieuse sur la scène. Son regard, empreint d’une mélancolie palpable, scrute l’horizon invisible tandis que ses mouvements, d’une élégance féline, tracent dans l’air les lignes imaginaires d’un journal intime. Autour d’elle, comme les vestiges d’un passé qui refuse de mourir, des feuilles manuscrites et des photographies créent un cercle, prison symbolique qui étouffe ses élans vitaux. Au-dessus de sa tête, tels des fantômes suspendus, des étoffes et des vêtements flottent dans l’air, témoins muets des bouleversements qui ont jalonné son existence. La chorégraphie, véritable poème corporel, se déploie sur une trame sonore qui pulse au rythme des battements de la vie. Le corps devient alors narrateur, ses mouvements tantôt fluides, tantôt saccadés, racontent une histoire de résilience. La violence contenue dans certains gestes, associée à un visage aux traits glacés, traduit le refus viscéral de se soumettre aux démons du passé. Cette danse existentielle oscille entre détermination et abandon, la protagoniste alternant entre des avancées résolues vers l’avant-scène et des moments de prostration au sol, métaphore saisissante des montagnes russes émotionnelles qui caractérisent le parcours de la reconstruction de soi. Samah Smida, dont la voix porte l’écho de milliers de femmes, confie avec conviction : « Le message que je voudrais transmettre au public, à travers ce spectacle est de dire l’importance et la nécessité de se refaire en faisant d’abord abstraction de toutes les déceptions du passé, puis en en tirant les enseignements qui s’imposent et en tenir compte pour ne pas refaire les mêmes erreurs. » Cette déclaration résonne comme un manifeste pour la résilience, un appel à la renaissance personnelle. La production, portée par la Coopérative artistique et culturelle « Wach » en collaboration avec le TNA et l’Institut supérieur des métiers des Arts du spectacle (ISMAS), bénéficie du talent de Lydia et Inès Fettan, dont les apparitions éthérées incarnent les temporalités passées et futures du personnage central. Le regard expert de Hamza Djaballah, figure tutélaire de la mise en scène, a guidé ce projet vers son accomplissement, tandis que le jeune photographe prodige Iheb Mahfoud a immortalisé l’essence du spectacle à travers une exposition de portraits saisissants dans le hall d’entrée. Les spectateurs avertis, conquis par la puissance évocatrice de l’œuvre, suggèrent qu’elle mériterait les honneurs de la grande salle du TNA et un soutien matériel accru, notamment pour enrichir une scénographie minimaliste et une bande son constituée d’emprunts musicaux. Une spectatrice au chapeau capeline va plus loin en déclarant : « Ce spectacle mériterait de participer au 7e Festival national du théâtre féminin de Annaba, car il est porteur d’un message exclusivement féminin, fort et puissant qui répare les esprits par la force du bon sens et de la raison. » Samah Smida, dont le parcours académique à l’ISMAS s’est conclu en 2005 par un diplôme en chorégraphie, spécialisée en danse contemporaine et danse-thérapie, continue de tisser sa toile artistique au TNA avec quatre représentations supplémentaires programmées. « Houna wal’ane » s’impose ainsi comme une œuvre cathartique, un pont jeté entre les rives du passé et de l’avenir, invitant chaque spectateur à emprunter le chemin lumineux de la reconstruction personnelle.
Mohand Seghir