À la UneSports

67e anniversaire de la création de l’équipe du FLN : Porte-voix de l’Algérie combattante

Il y a des moments dans l’histoire où le sport transcende sa simple dimension ludique pour devenir le terrain d’expression de combats plus grands. La création de l’équipe de football du Front de libération nationale (FLN) algérien, le 13 avril 1958, incarne parfaitement cette fusion entre l’engagement politique et la passion sportive.

Alors que l’Algérie se battait pour son indépendance, une poignée de footballeurs talentueux décida d’abandonner le confort d’une carrière prometteuse en France pour porter les couleurs du pays qui luttait pour son indépendance. Cette équipe extraordinaire, qui fête aujourd’hui son 67ème anniversaire, mérite qu’on se souvienne de son épopée unique dans l’histoire du football mondial. Tout commence dans la clandestinité, avec un plan audacieux orchestré par Mohamed Boumezrag et Mohamed Allam depuis Tunis. L’idée germe en 1957, après que Boumezrag revient du Festival mondial de la jeunesse à Moscou, inspiré par le potentiel du sport comme vecteur de message politique. La mémoire d’une victoire symbolique d’une sélection d’Afrique du Nord contre la France (3-1) en octobre 1954, quelques semaines avant le déclenchement de la Révolution, nourrit également cette ambition. L’opération prend forme avec l’aide de complices de poids: Mokhtar Aribi, alors entraîneur d’Avignon, Abdelaziz Bentifour, le docteur Tahar Moulay, organisateur des étudiants algériens, et Mohamed Maouche, alors présélectionné pour représenter la France à la Coupe du monde 1958 en Suède. Le 15 avril 1958, la France métropolitaine se réveille sous le choc. Rachid Mekhloufi, véritable star de l’AS Saint-Étienne, a mystérieusement disparu. Lui qui venait de contribuer à qualifier l’équipe de France pour le Mondial 1958, avait choisi de répondre à un autre appel, celui de sa patrie. Dans son sillage suivent d’autres joueurs de premier plan: l’élégant libéro Mustapha Zitouni, l’attaquant Kaddour Bekhloufi et le gardien Abderrahmane Boubekeur, tous trois de l’AS Monaco, mais aussi Amar Rouaï (Angers), Abdelaziz Bentifour (Nice) et Abdelhamid Kermali (Olympique de Lyon). Le parcours vers Tunis n’est pas sans embûches. Certains transitent par l’Italie, d’autres par la Suisse. Mohamed Maouche, momentanément séparé du groupe, sera même arrêté avant de rejoindre finalement ses compatriotes. Au total, ce sont finalement 32 joueurs professionnels algériens qui convergent vers la capitale tunisienne, siège du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA). Ferhat Abbas, figure historique de la révolution algérienne, comprend immédiatement la portée symbolique de cette initiative sportive. Il déclarera plus tard que cette équipe « a fait gagner à la révolution algérienne 10 ans ». Ce jugement traduit l’impact diplomatique considérable qu’a eu cette formation, véritable ambassadrice itinérante de la cause algérienne. Pendant quatre ans, jusqu’à l’indépendance du pays en 1962, ces footballeurs-militants vont parcourir le monde, balle au pied, pour défendre sur le terrain ce que leurs frères défendaient les armes à la main: la liberté et la dignité du peuple algérien.

Un niveau exceptionnel

Officiellement, l’équipe disputera 62 matchs, mais le bilan réel s’élève à 91 rencontres si l’on compte les oppositions contre des équipes de moindre niveau. Le bilan sportif est impressionnant: 65 victoires, 13 nuls, 13 défaites, 385 buts marqués et 127 encaissés. Des chiffres qui témoignent du niveau exceptionnel de cette formation. L’équipe type alignait généralement Boubekeur dans les buts, protégé par une défense comprenant Bekhloufi, Zitouni, Mohamed Soukane et Defnoun (ou Settati). Au milieu de terrain évoluaient Arribi, Rouai, Brahimi (ou Kermali), tandis que l’attaque était menée par Mekhloufi, Bentifour et Bouchouk (ou Abderrahmane Soukane). « Les membres composant cette glorieuse équipe étaient non seulement de niveau mondial, mais formaient l’une des plus fortes équipes du monde. Et si on avait participé à un Mondial on serait allé loin », affirmait Rachid Mekhloufi, résumant la qualité exceptionnelle de ce groupe. Les sacrifices consentis par ces hommes forcent le respect. Ils ont renoncé à des carrières prestigieuses, à la sécurité financière et à la gloire sportive immédiate pour un idéal plus grand. Comme le souligne Mohamed Maouche avec émotion: « Avec le recul, je peux dire qu’aucun d’entre nous ne regrette. Nous étions militants, nous étions révolutionnaires. J’ai lutté pour l’indépendance et c’étaient nos plus belles années. » Cette dimension militante est au cœur du projet. L’objectif initial était de constituer une équipe qui puisse symboliser « l’image d’un peuple en lutte pour son indépendance ». Pari réussi, puisque chaque match disputé à l’étranger devenait l’occasion de sensibiliser l’opinion publique internationale à la cause algérienne. Cette équipe a ainsi contribué, à sa manière, à la reconnaissance progressive de la légitimité du combat pour l’indépendance. Aujourd’hui, 70 ans après le déclenchement de la révolution du 1er novembre 1954 et 62 ans après l’indépendance, l’héritage de cette formation légendaire demeure vivant dans la mémoire collective algérienne. La bravoure et le patriotisme affichés par ces joueurs d’exception constituent un modèle inspirant pour les nouvelles générations, un rappel que le sport peut aussi être un puissant vecteur d’émancipation et de résistance pacifique. L’épopée de l’équipe du FLN démontre avec force que le football, bien au-delà d’un simple divertissement, peut devenir le théâtre symbolique des aspirations d’un peuple tout entier. Ces hommes ont choisi de troquer les applaudissements des stades français pour porter la voix de l’Algérie combattante aux quatre coins du monde, écrivant ainsi l’une des pages les plus singulières et les plus honorables de l’histoire du football mondial.

Moncef Dahleb

admin

admin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *