Une feuille de route économique ambitieuse
Le Président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a dévoilé dimanche une feuille de route ambitieuse pour un second mandat résolument tourné vers la transformation de l’économie nationale, lors de la deuxième édition de la Rencontre nationale avec les opérateurs économiques. Ce rendez-vous, organisé par le Conseil du renouveau économique algérien sous le slogan « Algérie 2025, année de la réussite économique », a réuni les principaux acteurs économiques du pays et marqué un tournant dans la vision économique nationale.
Dans son discours inaugural, le Président Tebboune a tracé les contours d’un projet économique ambitieux : « Nous entamons le second mandat avec l’espoir de parvenir ensemble à rejoindre le rang des pays émergents. » Rappelant que « le premier mandat s’est achevé avec tous ses espoirs et ses douleurs en raison du Covid », il a appelé à la mobilisation générale pour « atteindre un Produit intérieur brut (PIB) de 400 milliards de dollars d’ici fin 2027 », un objectif qui placerait l’Algérie dans la catégorie des économies émergentes. Et de souligner qye l’Algérie aspire à devenir, d’ici deux à deux ans et demi, la première ou la deuxième économie du continent africain, réalisant ainsi les espoirs de nos citoyens, fidèle à ceux qui ont sacrifié leur vie et ce qu’ils avaient de plus cher pour cette patrie. Il a confirmé que l’économie algérienne, qui a enregistré une croissance de 4,1% en 2023, devrait connaître une croissance d’environ 3,9% ou 4% pour l’année 2024, grâce à la dynamique économique et d’investissement continue dans plusieurs secteurs, notamment l’industrie qui représente environ 50% des nouveaux investissements enregistrés.
Le chef de l’État a mis en avant les avancées économiques significatives déjà réalisées, notamment à travers l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI) qui a enregistré « 13.700 projets d’investissement couvrant divers domaines et secteurs économiques d’une valeur atteignant 6.000 milliards de dinars ». Ces chiffres témoignent d’une dynamique d’investissement sans précédent que le Président souhaite amplifier.
« Nous avons besoin d’un nouvel élan », a-t-il souligné, saluant les efforts des opérateurs économiques et les appelant à intensifier leur contribution au développement national. Et pour concrétiser les objectifs, le Président entend mettre les moyens, en annonçant de nouvelles mesures d’accompagnement, mais aussi en misant sur ma réforme profonde des institutions.
« Algex, c’est l’âge de pierre ! »
Parmi les annonces les plus significatives figure la suppression de l’Agence nationale de promotion du commerce extérieur (ALGEX), que le Président a qualifiée sans détour d’institution obsolète : « L’ère d’ALGEX et de ses dinosaures est terminée… vous ne la trouverez plus sur votre chemin à l’avenir. » Cette décision marque une rupture nette avec les structures bureaucratiques héritées du passé. « C’est un miracle que l’Algérie ait pu réaliser 7 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures avec l’existence d’ALGEX », a relevé le Président, déplorant toutefois « un certain recul pour des raisons objectives ».
Pour remplacer ces structures vieillissantes, le chef de l’État a annoncé la création, avant la fin du mois de mai, de deux nouvelles entités : l’une dédiée à l’organisation des importations, dotée d’un système de veille pour contrôler l’activité des importations, et l’autre consacrée à l’organisation et à l’accompagnement des exportateurs. « Avec cette nouvelle mesure, l’exportation ne se fera plus via l’Agence nationale de promotion du commerce extérieur ALGEX », a précisé le Président.
Dans cette même optique de modernisation, M. Tebboune a appelé à « comprendre et assimiler le concept de guichet unique » et les prérogatives de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement. « Nous devons sortir l’Agence de promotion de l’investissement d’une contradiction terrible, car elle enregistre des projets par dizaines de milliers, alors que cela ne s’accompagne pas de la disponibilité du foncier nécessaire à leur réalisation », a-t-il expliqué, soulignant que « le guichet unique est la solution radicale au problème du foncier destiné à l’investissement ».
Toujours concernant l’investissement, le Président de la République a souligné l’importance de fournir des espaces et des terrains appropriés aux porteurs de projets, insistant sur « la nécessité » de créer une zone d’activité dans chaque commune. Le Président de la République a déclaré, dans le contexte de sa discussion sur la politique mise en œuvre dans le domaine du développement de l’activité économique et des efforts de promotion des exportations : « L’objectif est d’atteindre 10 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures cette année. »
De la prédation à l’émergence économique
Dans cette même veine, le discours présidentiel a clairement établi une rupture avec les pratiques économiques du passé. « Nous devons créer un autre climat pour l’industrie et une nouvelle génération d’hommes d’affaires et de capitaines d’industrie, pour nous faire oublier le passé douloureux fait de détournements et de corruption », a déclaré M. Tebboune, mettant l’accent sur la nécessité de tourner définitivement la page des pratiques frauduleuses.
Le Président Tebboune a particulièrement insisté sur le rôle de la jeunesse dans cette transformation : « Nous devons aujourd’hui compter sur les jeunes algériens et leurs start-up, car leurs mains sont propres et ils sont en train d’accomplir des réalisations qui inspirent la fierté. » Cette confiance accordée aux jeunes entrepreneurs s’inscrit dans une volonté de renouvellement des élites économiques.
Il a également évoqué la « noble dynamique économique qui a fait passer l’Algérie de la surfacturation à la réduction des factures » à l’import, soulignant ainsi la transition d’une économie de rente et de corruption vers un modèle plus vertueux et productif. Cette évolution se traduit notamment par la réduction structurelle des importations : « Nous importions pour 60 milliards de dollars avant le Hirak béni, et aujourd’hui nous avons réduit la facture de manière structurelle et définitive à 40 milliards de dollars, et nous travaillons à la réduire davantage. »
Les résultats sont déjà tangibles, comme l’a souligné le Président : « Nous avons économisé cette année 1,2 milliard de dollars et atteint l’autosuffisance en blé dur à hauteur de 81%. » De même, il s’est félicité que « l’Algérie ait atteint une production de 41 millions de tonnes de ciment par an », appelant à « réorganiser l’exportation » de ce matériau stratégique.
« Il y a des gens qui ne peuvent voir l’Algérie qu’en noir »
Le discours présidentiel n’a pas manqué d’adresser des messages fermes aux détracteurs et aux parties hostiles à l’Algérie qui persistent à dépendre une image noircie pays. « Il y a des gens qui nous critiquent depuis certains pays, mais rares sont les pays la région méditerranéenne qui ont réalisé nos résultats et qui disposent de nos indicateurs économiques », a déclaré M. Tebboune, défendant la crédibilité des indicateurs économiques algériens.
« Il y a des gens qui ne peuvent voir l’Algérie qu’en noir… pour ceux-là, nous n’avons pas de remède qui puisse lever leur voile », a-t-il ajouté, dans une allusion à peine voilée à ces parties hostiles. Le Président de la Républiquea également souligné que « si les institutions financières internationales et continentales trouvaient une faille dans nos chiffres, personne ne les devancerait pour nous critiquer ». M. Tebboune a par ailleurs dénoncé les manœuvres visant à priver l’Algérie de ses talents : « Nous avons des jeunes génies qui sont attirés ou plutôt volés pour que l’Algérie n’en profite pas. » Cette phrase résonne comme un avertissement contre les tentatives d’affaiblissement du capital humain algérien à travers une fuite organisée des compétences nationales.
Concernant la corruption, le Président a été sans équivoque : « L’argent pillé de l’Algérie est devenu aujourd’hui un facteur de protection pour ceux qui ont corrompu le pays puis se sont enfuis à l’étranger », adressant un tacle à certains pays à l’image de la France par exemple qui refusent de coopérer concernant la récupération des avoirs détournés et l’extradition des criminels en cols blancs. Il a également mis en garde contre certaines mentalités et les forces d’inertie qui font obstacle au développement du pays et a été particulièrement offensif en ce qui les concerne. « Ceux qui prétendent avoir peur de la prison et qui tardent à remplir leurs missions ont la mentalité des corrompus et des saboteurs », a-t-il asséné.
Assainir la sphère économique de la spéculation et de la fraude
Le Président de la République a reconnu l’existence de défis persistants. « Ce qui paralyse le pays, c’est la spéculation et le contournement de la loi », a-t-il déclaré, déplorant notamment que certains opérateurs économiques « se spécialisent dans la recherche de failles pour frauder sur le marché et dans les opérations d’importation ».
Il a également pointé du doigt certaines pratiques commerciales néfastes, comme « l’exportation de dattes algériennes à 40 dinars à l’étranger », qu’il a qualifiée de « crime contre l’Algérie ». Dans ce contexte, il a appelé les exportateurs à « créer un organisme d’exportation qui organise vos transactions d’une part et établit la transparence dans les opérations d’exportation entre vous d’autre part ».
Le Président a par ailleurs exprimé sa frustration face à certaines absurdités : « Il est honteux qu’un président de la République parle du produit de la pomme de terre et de son prix », s’est-il exclamé, tout en affirmant sa détermination à « réguler ses prix » sans céder aux pressions pour l’importation. Au-delà des critiques, le discours présidentiel contenait un appel vigoureux à l’initiative privée. « Je vous exhorte aujourd’hui à créer vos propres banques afin d’accroître votre présence dans l’administration », a lancé M. Tebboune aux opérateurs économiques, évoquant « d’énormes sommes d’argent stockées dans les sous-sols » qu’il les a invités à investir dans la création de banques privées ou de « sociétés dans le domaine du transport maritime ».
Infrastructures et tourismes
Le Président de la République s’est également longuement arrêté sur les projets d’infrastructure que l’Algérie s’emploie à concrétiser à travers le pays, confirmant qu' »à la fin de l’année en cours, la voie ferrée aura atteint la wilaya de Béchar pour transporter le minerai de fer et l’acier », tandis qu’il est prévu dans deux semaines « l’ouverture d’une usine de concentration de fer et d’acier à Béchar. »Le Président de la République a indiqué dans le même sens que la réflexion est en cours pour lancer un projet de construction d’un port spécialisé dans l’exportation de ciment, soulignant en contrepartie que l’on « demandera des comptes » à quiconque importe des marchandises de l’étranger alors que leurs équivalents sont produits en Algérie et stockés dans les entrepôts.
Concernant les relations commerciales internationales, M. Tebboune a souligné que « les pays européens sont des partenaires de l’Algérie, et ils ont accepté l’idée de réviser l’accord de partenariat ». Il a précisé : « Nous ne leur demanderons pas l’impossible et vous faites partie intégrante de cette révision. »
Le secteur du tourisme n’a pas été oublié, le Président rappelant que « les facilités d’obtention de visas pour les étrangers ont atteint le point où ils sont délivrés aux demandeurs dans les aéroports », avant de s’interroger : « Que veut-on de nous de plus que cela ! »
En conclusion de ce discours-programme, le Président Tebboune a lancé un appel vibrant au patriotisme économique : « Je vous demande d’élever l’esprit national pour faire avancer notre économie. » Cette exhortation résume l’essence de sa vision pour ce second mandat : une mobilisation générale des forces vives de la nation pour transformer l’économie algérienne et lui permettre d’accéder au statut de pays émergent.
« L’État est en train de réparer sa situation et vous aussi, vous devez réparer la vôtre », a-t-il conclu, soulignant la responsabilité partagée dans cette ambition nationale de transformation économique. Avec des objectifs chiffrés et des échéances précises, cette feuille de route dessine les contours d’une Algérie nouvelle, résolument tournée vers l’innovation, la production et l’exportation, loin des schémas de rente et de dépendance qui ont longtemps caractérisé son économie.
Cette rencontre que le président de la République entend instituer en rendez-vous annuel de dialogue avec le monde économique marque un tournant décisif, concrétisant la vision présidentielle de la transformation de l’économie nationale.
Hocine Fadheli