Hommage à Zdravko Pecar, témoin et acteur solidaire de la révolution algérienne : En mémoire d’un allié de l’ombre
Une exposition mémorielle dédiée au journaliste, photographe, historien et diplomate yougoslave Zdravko Pecar a été inaugurée jeudi dernier à Alger, dans l’enceinte prestigieuse de l’Assemblée populaire nationale. Intitulée « Quand la révolution algérienne est documentée par des doigts yougoslaves », cette rétrospective, visible jusqu’au 30 avril, met en lumière le parcours exceptionnel d’un homme qui fut parmi les premiers intellectuels européens à s’engager résolument aux côtés du peuple algérien durant sa lutte pour l’indépendance. L’inauguration s’est déroulée en présence d’éminentes personnalités, dont le président de l’APN, M. Brahim Boughali, et l’ambassadrice de la République de Serbie, Ana Petrovic, témoignant ainsi de l’importance symbolique et diplomatique accordée à cet événement dans le contexte des relations historiques entre l’Algérie et l’ex-Yougoslavie.
Dans son allocution d’ouverture, M. Boughali a souligné la dimension exceptionnelle du parcours de Pecar, le qualifiant de « grand militant anticolonialiste et ami de l’ancien président de la Yougoslavie, Josip Broz Tito, et des causes justes ». Il a rappelé que Pecar fut « le premier correspondant de presse yougoslave à couvrir, à partir de 1958, la révolution algérienne depuis le cœur même des événements », soulignant ainsi la précocité et l’authenticité de son engagement. Cette immersion directe dans le combat algérien contraste avec la position de nombreux autres médias internationaux de l’époque, souvent cantonnés à reprendre la version officielle française ou à observer le conflit à distance.
L’ambassadrice serbe Ana Petrovic a quant à elle mis en exergue la portée diplomatique du travail journalistique de Pecar, estimant que « les comptes rendus journalistiques de Zdravko Pecar ont contribué de manière effective à mettre à nu la diplomatie mensongère de la France coloniale ». Une déclaration forte qui rappelle le rôle crucial que les médias internationaux indépendants ont joué dans la légitimation internationale de la cause algérienne. L’ambassadrice a ajouté que l’œuvre de ce militant « consolide l’amitié entre l’Algérie et la Serbie », inscrivant ainsi cet héritage dans la continuité des relations actuelles entre les deux nations. L’exposition elle-même présente un riche panorama d’archives et d’objets personnels retraçant la vie et l’œuvre de celui qui, avec son épouse Veda Zavorac, fonda plus tard le Musée d’Art africain de Belgrade. Les visiteurs peuvent y découvrir des tirages photographiques en format poster immortalisant Pecar lors de moments historiques clés, des timbres-poste à son effigie, ainsi qu’une collection impressionnante d’ouvrages consignant ses mémoires et ses travaux de recherche. Parmi les pièces les plus émouvantes figure un disque vinyle 45 tours de l’Hymne national algérien, édité en Yougoslavie dès 1961 à l’initiative de Veda Zavorac, diffusé pendant l’exposition sur un authentique tourne-disque d’époque – témoignage tangible de la solidarité yougoslave avec la cause algérienne. Selon le document de présentation de l’exposition, l’œuvre de Zdravko Pecar (1922-1994) demeure « profondément ancrée dans l’anticolonialisme avec une forme singulière d’humanisme et un intérêt particulier pour l’Afrique » et « continue de résonner à travers ses nombreuses publications, ses ouvrages, ses articles de presse et les archives méticuleusement constituées et préservées ». Cette affirmation rappelle la dimension archivistique fondamentale du travail de Pecar, qui a su préserver pour la postérité des témoignages cruciaux sur une période charnière de l’histoire algérienne.
L’exposition bénéficie également de la présence de Marija Aleksic, directrice actuelle du Musée de l’Art Africain de Belgrade, institution fondée par le couple Pecar et qui perpétue aujourd’hui leur vision d’un dialogue culturel entre l’Europe et l’Afrique. La présence remarquée de représentants de l’Organisation nationale des Moudjahidines et de l’association nationale des grands invalides de guerre souligne par ailleurs la reconnaissance persistante de la nation algérienne envers ceux qui ont soutenu sa lutte émancipatrice.
Au-delà de sa dimension commémorative, cette exposition constitue « une plateforme éducative vivante qui met en lumière l’héritage multiple de Zdravko Pecar en tant que révolutionnaire, partisan, ambassadeur informel et historien », rappelant ainsi aux jeunes générations l’importance des solidarités internationales dans les luttes de libération nationale. À l’heure où les relations internationales sont souvent dominées par des considérations géopolitiques et économiques, cet hommage à un intellectuel engagé rappelle que les liens entre peuples peuvent aussi se tisser autour de valeurs partagées de justice et d’émancipation.
M.S.