L’Anira sanctionne des programmes sportifs pour discours haineux : Quand le chauvinisme dans les médias franchit la ligne rouge
L’Autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel (Anira) vient de prendre une décision ferme en suspendant deux émissions sportives diffusées respectivement sur les chaînes « El Bilad TV » et « Dzair Tube », suite à la diffusion de contenus jugés haineux et discriminatoires. Cette sanction, annoncée ce dimanche, intervient dans un contexte de préoccupation croissante concernant les dérives du discours médiatique sportif en Algérie. Selon le communiqué officiel de l’autorité de régulation, plusieurs manquements graves ont été recensés lors des émissions « Ahki Ballon » du 11 avril sur El Bilad TV et « Dzair Sport » du 21 avril sur la chaîne en ligne Dzair Tube, où des propos portant atteinte à la dignité humaine et incitant à la haine raciale ont été tenus.
Face à ces infractions, l’Anira a convoqué les représentants légaux des deux chaînes qui ont reconnu les fautes commises. Le représentant d’El Bilad TV a admis que l’invité de l’émission avait utilisé des termes offensants envers l’entraîneur de l’USM Alger, précisant que la chaîne avait présenté ses excuses et supprimé le segment incriminé de son site. De son côté, le représentant de Dzair Tube a également reconnu l’erreur commise par l’analyste de l’émission, assurant que des mesures disciplinaires avaient été prises contre les responsables. En conséquence, l’autorité a décidé de suspendre deux numéros consécutifs des programmes concernés.
Cette sanction s’inscrit dans une problématique plus large qui préoccupe les institutions médiatiques du pays. Le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, avait récemment exhorté la presse sportive nationale à « lutter contre le discours de haine et la discrimination » tout en appelant à « promouvoir un contenu de qualité adopté à un public averti » et à privilégier « un langage médiatique serein et réaliste ». Dans une note méthodologique, il avait insisté sur l’importance de bannir « les programmes superficiels qui versent dans le sensationnel et l’émotionnel pour attirer l’audimat » et d’opter pour « la neutralité dans l’analyse sportive en évitant la partialité et le favoritisme entre clubs qui nourrissent les sentiments de haine ».
L’Anira, quant à elle, avait déjà relevé des dérives similaires quelques jours plus tôt, notamment dans les émissions « Belmekchouf » et « VAR El Heddaf » diffusées sur la chaîne El Heddaf, où un analyste sportif s’était « écarté des principes de neutralité et d’objectivité », contrevenant ainsi aux dispositions légales encadrant le traitement de l’information sportive. L’autorité avait alors rappelé que « le journalisme sportif n’est pas un moyen de gérer les émotions ou semer le doute, mais un partenaire dans la construction de la conscience collective et la promotion de l’esprit de compétition loyale ».
Ces différentes affaires mettent en lumière la problématique récurrente du chauvinisme et des propos discriminatoires dans le paysage médiatique sportif algérien, où certains commentateurs et analystes privilégient la polémique et l’émotion au détriment d’une analyse objective. Cette tendance, souvent motivée par des considérations d’audimat et de rentabilité commerciale, transforme parfois les plateaux télévisés en tribunaux médiatiques où la partialité et les attaques personnelles prennent le pas sur l’analyse tactique et technique des performances sportives. Un phénomène qui, selon les autorités, menace non seulement l’éthique journalistique, mais aussi la cohésion sociale en attisant les rivalités régionales et les antagonismes entre supporters de différents clubs.
Moncef Dahleb