Culture

Constantine: Un « Carnaval Romain » qui fait résonner les planches

La soirée de jeudi au théâtre régional « Mohamed Tahar Fergani » de Constantine a vu la présentation de la générale de « Carnaval Romain », une pièce qui a su captiver un public venu en nombre. Cette création, produite et mise en scène par Mouni Boualem pour sa première incursion dans la réalisation théâtrale, propose une relecture contemporaine d’un texte classique du dramaturge hongrois Miklós Hubay, mariant habilement les registres comique et tragique dans une mise en scène rythmée par des tableaux dansés et des séquences musicales. La pièce dépeint le parcours poignant de Margit, ancienne gloire des planches dont l’étoile s’est progressivement éteinte, la condamnant à une existence recluse dans les sous-sols d’un théâtre, entre isolement et précarité. La confrontation avec un directeur opportuniste et manipulateur constitue l’un des nœuds dramatiques de l’intrigue, tandis que l’arrivée providentielle d’un dramaturge de renom proposant une répétition expérimentale vient rebattre les cartes du destin. S’engage alors une course contre la montre pour mener à bien cette générale, malgré l’inexpérience manifeste de jeunes comédiens encore en formation, poussant le directeur à instrumentaliser le prestigieux passé de Margit pour servir ses ambitions personnelles. « J’ai souhaité aborder ce texte avec un regard neuf, en explorant la thématique universelle du passage de l’éclat de la célébrité à l’obscurité de l’oubli, tout en mettant en lumière l’artificialité des relations humaines face aux mutations de l’existence », a confié Mouni Boualem aux journalistes à l’issue de la représentation, visiblement émue par l’accueil chaleureux du public constantinois. La distribution réunit des talents confirmés et émergents de la scène algérienne, avec en tête d’affiche Rajaa Houari incarnant avec justesse la complexité psychologique de Margit, secondée par Chaker Boulemedaïs dans le rôle du directeur manipulateur. Le plateau est complété par une constellation de jeunes talents prometteurs: Zaki Ouafek, Badis Anana, Rayane Hamaïdi, Farid Zouaoui, Racha Saadallah et Islam Hadarbache, formant un ensemble cohérent qui augure l’émergence d’une nouvelle génération de créateurs au service du quatrième art. La scénographie épurée mais symboliquement riche, conjuguée à un travail méticuleux sur la lumière, sert admirablement le propos de la pièce en créant des atmosphères contrastées qui reflètent les états d’âme des personnages et les tensions dramatiques sous-jacentes. Les tableaux chorégraphiés et les interludes musicaux confèrent au spectacle une dimension supplémentaire, permettant des respirations poétiques entre les séquences dialoguées plus intenses. Cette création s’inscrit dans une démarche de renouvellement du répertoire théâtral constantinois, en proposant des œuvres exigeantes mais accessibles qui questionnent autant qu’elles divertissent. Le choix d’un texte de Miklós Hubay, dramaturge encore peu monté en Algérie malgré sa renommée internationale, témoigne d’une volonté d’ouverture et d’enrichissement des références culturelles proposées au public local. « Carnaval Romain » poursuivra ses représentations dans les prochaines semaines avant d’entamer une tournée nationale qui permettra à d’autres publics de découvrir cette œuvre qui, au-delà de son intrigue captivante, interroge la place de l’art et des artistes dans une société en constante mutation.

M.S.

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