Le lait subventionné désormais strictement réservé aux ménages
Un nouveau texte réglementaire redéfinit les conditions de production et de commercialisation du lait partiellement écrémé, pasteurisé, subventionné et conditionné en sachet à base de lait cru.
Dans l’objectif de réorganiser la filière lait et à assurer un approvisionnement plus équitable de ce produit de première nécessité garantissant qu’il profite en premier lieu aux familles, un nouvel arrêté interministériel daté du 6 avril 2025 vient d’être publié, introduisant des changements significatifs dans la réglementation du lait subventionné. Signé conjointement par le ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, le ministre des Finances et le ministre du Commerce intérieur et de la Régulation du marché national, ce texte réglementaire redéfinit les conditions de production et de commercialisation du lait partiellement écrémé, pasteurisé, subventionné et conditionné en sachet à base de lait cru que l’on appelle familièrement le lait de vache. La principale innovation de cet arrêté réside dans son article 6 qui stipule explicitement que « l’utilisation de ce lait est strictement réservée aux ménages ». Cette mesure vise à mettre fin aux détournements constatés depuis plusieurs années, où le lait subventionné était souvent utilisé par des opérateurs économiques, notamment dans le secteur de la restauration et des cafés, ou encore détourné vers l’industrie de transformation. L’arrêté précise dans son article 7 que « la réorientation et/ou l’utilisation du lait partiellement écrémé, pasteurisé, subventionné et conditionné en sachet à base de lait cru pour la fabrication des produits laitiers et dérivés, ainsi que son utilisation par tout opérateur économique, notamment par les établissements de débits de boissons, les cafés et les restaurants, sont interdites, conformément à la législation en vigueur ». Cette nouvelle réglementation représente une tentative de rationaliser la distribution d’un produit hautement subventionné par l’État, qui prend en charge un différentiel de prix considérable. En effet, l’article 6 révèle que l’État assume une subvention de 44 DA par litre, permettant de maintenir le prix final au consommateur à 25 DA malgré un prix d’achat du lait cru fixé à 65 DA le litre auprès des éleveurs. L’arrêté fixe également avec précision l’ensemble de la chaîne des prix : 21 DA le litre au quai-usine, une marge bénéficiaire de 2 DA pour la distribution de gros, portant le prix de vente livré au détaillant à 23 DA, puis une marge supplémentaire de 2 DA pour la vente au détail, aboutissant au prix final de 25 DA le litre pour le consommateur. Sur le plan technique, le texte définit le lait partiellement écrémé pasteurisé comme étant « obtenu exclusivement à partir de lait cru provenant de la production nationale, dont la teneur en matière grasse est de 1,5% à 2%, soit 15 à 20 grammes de matière grasse par litre ». Cette définition précise s’accompagne d’obligations nouvelles en matière d’étiquetage pour faciliter l’identification du produit subventionné par les consommateurs et les autorités de contrôle. Désormais, l’emballage devra comporter « la mention ‘lait de vache de production nationale’, une bande de couleur jaune sur laquelle sera insérée la mention ‘lait partiellement écrémé pasteurisé’, et la mention ‘prix réglementé 25 DA’ qui doit figurer clairement, en couleur rouge, au centre de la bande jaune ». Les dimensions de cette bande sont également spécifiées pour assurer une visibilité optimale. Un aspect important de cette nouvelle réglementation concerne l’obligation pour les laiteries bénéficiant déjà du soutien de l’État dans le cadre du dispositif de développement de la production laitière nationale d’adhérer à ce nouveau système. Cette mesure vise à élargir et à consolider le réseau de distribution du lait pasteurisé conditionné en sachet. L’application rigoureuse de cet arrêté interministériel pourrait contribuer à résoudre la problématique récurrente des pénuries de lait en sachet dans les commerces de détail, en garantissant que le produit subventionné atteigne effectivement sa cible principale : les ménages algériens. Les experts du secteur estiment que cette réorientation vers les consommateurs finaux devrait également encourager les producteurs laitiers nationaux, qui bénéficient désormais d’un prix d’achat garanti plus attractif pour leur production.
Samir Benisid