Le lithium algérien peut-il booster l’économie nationale ?
Par Mohamed Rachid Cheriti
Ingénieur spécialisé dans le domaine énergétique et le développement durable.
L’Algérie, au territoire riche de ses ressources naturelles, envisage de se positionner comme un acteur majeur potentiel de l’industrie mondiale du lithium. Ce métal stratégique, essentiel pour la transition énergétique, suscite des convoitises et pourrait redessiner les alliances économiques du pays.
Cette orientation s’inscrit dans le cadre des efforts du gouvernement algérien visant à élargir l’exploitation et le développement du secteur minier, en plus de son ambition de diversifier son économie, et de répondre davantage aux défis du changement climatique et à l’urgence de parvenir à la neutralité carbone.
La transition énergétique réduit la domination des combustibles fossiles, mais nécessite davantage de métaux, notamment pour stocker l’énergie dans des batteries utilisées dans les véhicules électriques, les appareils électroniques, et les systèmes de stockage d’énergie. Le lithium est un élément essentiel dans l’industrie moderne et un pilier accompagnateur de la révolution énergétique, est l’un des principaux métaux stratégiques pour la fabrication des batteries, avec le nickel, le cobalt et le manganèse. A l’origine, le lithium dont le symbole chimique est Li était surtout utilisé dans les verres et céramiques, les graisses lubrifiantes, le traitement de l’air, les fondants de moulage pour la production d’acier, la métallurgie de l’aluminium, et en médecine, pour le traitement des patients bipolaires. Environ 60 % du lithium produit dans le monde est utilisé aujourd’hui dans les véhicules électriques.
En revanche, le lithium n’est pas rare et se trouve presque partout sur la planète, à l’état rocheux ou fluide sous forme de saumure. Mais il n’est pas exploité partout. Les ressources gisements identifiés sans tenir compte de leurs conditions d’exploitation sont estimées à 86 millions de tonnes au total selon IRENA. Les réserves de lithium sont estimées à 17 Mt, tandis que les ressources totales en lithium sont estimées à environ 80 Mt (environ 400 Mt LCE). Les principaux gisements identifiés sont dans le triangle ABC de l’or blanc, en Amérique latine, généralement sur des lacs d’altitude (salars) : Bolivie (23 Mt estimé), Argentine (19,3 Mt) et Chili (9,6 Mt). Les ressources aux États-Unis sont estimées à 7,9 Mt. En Afrique, le lithium est présent en RDC Congo (3 Mt), au Mali (0,7 Mt estimé), et au Zimbabwe (0,5 Mt). Les principaux gisements européens se situent en Allemagne (2,7 Mt), en République tchèque (1,3 Mt), en Serbie (1,2 Mt), en Espagne et au Portugal (respectivement 0,3 Mt et 0,27 Mt estimées) mais aussi en France sous forme minérale dans le Massif Central et Armoricain, et sous forme géothermale en Alsace. Il est important de noter que des ressources importantes sont inexploitées à ce jour et doivent être débloquée par l’utilisation de techniques nouvelles, notamment en Bolivie, en Argentine, et en Algérie récemment (l’Algérie dispose d’un potentiel inexploité dans ses saumures sahariennes), ou en Europe, notamment dans des eaux géothermales.
Le lithium se trouve aussi dans l’eau de mer à raison de 0,18 mg/l. Il y est donc fortement dilué, mais tous les océans de la planète en contiennent quand même 230 milliards de tonnes. La technologie de son extraction de l’eau de mer, offre une solution aux inquiétudes généralisées concernant les limitations quantitatives et géographiques des futurs approvisionnements en lithium. L’extraction de ce lithium vert d’une source inépuisable grâce aux énergies renouvelables offre une solution prometteuse à la crise actuelle des ressources en lithium et aux problèmes environnementaux.
Le marché du lithium
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande de lithium devrait être multipliée par 6 d’ici 2030 et par 40 d’ici 2040. Bien que les marchés du lithium varient selon les régions, les marchés mondiaux d’utilisation finale sont estimés comme suit : batteries, 71 % ; céramiques et verre, 14 % ; graisses lubrifiantes, 4 % ; poudres de flux pour moules de coulée continue, 2 % ; production de polymères, 2 % ; traitement de l’air, 1 % ; et autres utilisations, 6 % (USGS, 2021). En 2016, 86 % des utilisations ont été sous forme de composés simples du lithium (carbonate, hydroxyde, chlorure…) et 14 % directement sous forme de concentrés miniers, principalement dans les industries verrières et céramiques. Pour la production minière de lithium elle a atteint en 2024 un total mondial de 240 Ktonnes, menée par l’Australie avec 88 Kt, suivi du Chili 49 Kt, la Chine 41 Kt, Zimbabwe 22 Kt, Argentine 18 Kt, Brésil 10 Kt, Canada 4 300 t, et la Namibie 2 700 t. En 2022, la capacité mondiale de production de batteries lithium-ions est de 1 570 GWh avec 1 200 GWh en Chine, 130 GWh en Europe, 110 GWh aux États-Unis. À l’échelle internationale, le marché du lithium est encore segmenté géographiquement entre un marché atlantique (Europe et États-Unis se fournissant majoritairement en Amérique du Sud) et un marché asiatique (la Chine ayant une production domestique et se fournissant majoritairement en Australie). La croissance du marché LIB (Batteries Lithium-Ion) a ensuite entraîné une augmentation de la demande de produits.
Lithium algérien : Vers une diversification de l’économie algérienne
L’Algérie peut transformer cette richesse en levier de développement. Une étude menée le long d’une vallée de 550 km de long dans le nord-est du Sahara algérien, l’une des principales zones désertiques de la planète. La concentration en lithium près de la surface des saumures dans les chotts de la zone d’étude et dans l’aquifère du complexe terminal définit une tendance à la hausse des valeurs vers le nord, où les valeurs maximales coïncident avec les chotts (Melghir et Merouane) ayant les plus grandes tailles (jusqu’à 1 840 km²) et situés aux altitudes les plus basses (36 m sous le niveau de la mer). Dans le même sillage, on sait que la méditerranée compterait les plus importantes réserves de lithium au monde, réserves qui verront l’attribution des zones exploitables entre la France, l’Espagne et l’Algérie ainsi que l’Italie et la Grèce, des réserves qui ne sont pas exploitées, mais reste une autre opportunité pour l’Algérie.
L’investissement de l’Algérie dans ce secteur, dont des réserves qui restent à vérifier, estimées à 20% des réserves mondiales selon des médias, prenant compte des prix élevés du lithium, qui en 2024, le prix moyen du carbonate de lithium de qualité batterie était estimé à 14.000 dollars américains par tonne, contre 41300 dollars en 2023, en 2022 les prix ont atteint un pic de 71100 dollars la tonne. Cette direction de l’Algérie devrait offrir la satisfaction en premier lieu la demande intérieure en prévision de la production des véhicules électriques, et l’exportation de cette ressource soit à l’état brut ou sous forme de batteries.
Cependant, en prévision de l’exploitation de ce potentiel que possède l’Algérie, il est préférable aux producteurs de rapprocher leurs installations de conversion des exploitations minières afin de réduire les coûts. En plus d’utiliser des énergies renouvelables telle l’énergie solaire existant avec des quantités suffisantes dans ces localités où se trouvant les gisements du lithium afin de bien optimiser de bénéfices.
Par ailleurs, l’analyse montre que les ressources en lithium sont largement dispersées et que la répartition géographique de l’offre s’améliorera dans les années à venir. Il pourrait être judicieux d’investir plus systématiquement dans les mines de lithium et métaux rares utilisés aux énergies renouvelables. Cependant, le principal défi en matière d’approvisionnement n’est pas lié à l’extraction, mais à la transformation. L’Algérie peut jouer un rôle dans le marché de lithium, cela nécessite des études de faisabilité technico-économiques sérieuses, d’intégrer la S&T au coeur du développement économique et social, en plus dubesoin d’instaurer des politiques scientifiques et technologiques et d’innovation pour la construction d’une économie fondée sur la connaissance.
Les risques écologiques du lithium
A l’accoutumée, l’extraction des métaux crée inévitablement de la saleté et provoque une contamination de l’air, et d’aquifères. bien que présentée comme verte, l’extraction du lithium a un impact social et naturel énorme, notamment en raison de la consommation d’eau et de la contamination. De plus, des produits chimiques toxiques sont nécessaires au traitement de ce métal. L’apport de produits synthétiques toxiques par le biais de sorties d’air, de filtrage ou de déversements peut nuire au système biologique, à la création alimentaire et aux réseaux. Plus de 50 % de la production actuelle de lithium est concentrée dans des zones à fort stress hydrique. Par contre, la gestion durable des ressources en eau permet de réduire la consommation d’eau jusqu’à 95 % par rapport aux méthodes traditionnelles. Plusieurs études ont abordé ce sujet en présentant des solutions pour minimiser cet impact tels que l’évaporation de saumure ou à ciel ouvert, en associant la production d’énergie géothermique à l’extraction directe du lithium.
Certainement, les LIB sont un élément crucial dans le nettoyage de l’environnement, elles sont un élément essentiel de l’assainissement du climat, leur recyclage est un levier essentiel pour diminuer la pression sur l’extraction et pour ne pas perdre la ressource contenue dans les objets en fin de vie, mais il ne permettra pas à lui seul de satisfaire l’ensemble de nos besoins tant que ces derniers seront en croissance continue. Le recyclage du lithium est aujourd’hui extrêmement rare : seulement 5 à 7 % des batteries Li-ion sont recyclées dans le monde. Il existe environ cinquante entreprises dans le monde qui traitent les batteries Li-ion en fin de vie. La récupération du lithium dans les batteries Li-ion en fin de vie se fait majoritairement en Chine, qui concentre 50 % du recyclage des batteries en fin de vie et des résidus de production, suivie de la Corée du Sud, puis de l’Union européenne, du Japon, du Canada et des États-Unis. La concentration du recyclage en Chine s’explique notamment par l’implantation des étapes de fabrication des batteries, permettant une grande synergie entre les acteurs. Par conséquent, développer une filière de recyclage du lithium à partir des déchets technologiques et industrielles diversifiés en Algérie représente une opportunité supplémentaire et certaine. Il semble donc nécessaire de revoir à la hausse les incitations des pouvoirs publics pour renforcer la mise en place de cette résolution.
Un contexte mondial favorable
En conclusion, La recherche sur les batteries se poursuit et peut avoir un impact significatif sur la demande de lithium. Cependant, des résultats scientifiques suggèrent qu’il est possible de produire des batteries au sodium avec une densité énergétique supérieure à celle des batteries lithium-ion. En théorie, ces batteries au sodium offrent la possibilité d’éliminer le lithium. En plus, les batteries à semi-conducteurs utilisant des polymères souples sont moins vulnérables à la surchauffe et offrent une durée de vie et des performances de charge améliorées. Elles constituent donc des alternatives plus sûres et plus efficaces, pouvant offrir une densité énergétique jusqu’à 2,5 fois supérieure à celle de leurs équivalents lithium-ion. Les batteries lithium-soufre, par exemple, offrent une densité énergétique plus de deux fois supérieure à celle des batteries lithium-ion, atteignant jusqu’à 600 Wh/kg. Par ailleurs, ces nouvelles conceptions de batteries n’ont pas encore fait leurs preuves à l’échelle commerciale. En attendant, le lithium-ion est la seule option disponible à court et moyen terme.
La sécurité de l’approvisionnement en lithium est devenue une priorité absolue pour les constructeurs automobiles et technologies du monde entier. Des alliances stratégiques et des coentreprises ont été et continuent d’être établies avec des entreprises commerciales et des sociétés d’exploration de lithium, des efforts considérables pour construire de nouvelles giga-usines, afin de garantir un approvisionnement fiable et diversifié en lithium pour les fabricants de batteries, de véhicules, et des technologies avancés.