Défis sécuritaires au Sahel: Les interventions étrangères ne peuvent, en aucun cas constituer une solution
Le secrétaire général (SG) de la Ligue des oulémas, prêcheurs et imams du Sahel (LOPIS), Lakhmissi Bezzaz, a affirmé, lundi à Alger, que l’extrémisme violent et le terrorisme se nourrissaient de la vulnérabilité de la société et du système éducatif dans la région des pays du Sahel, dénonçant la progression de l' »islamophobie » en France, en raison de la montée de l’extrême droite.
Dans une intervention au « Forum de la Première » sur la radio nationale, le Dr Lakhemissi Bezaz, a livré une analyse profonde et nuancée des défis sécuritaires qui confrontent la région.
Selon le Dr Bezaz, l’expérience algérienne dans le traitement du phénomène de l’extrémisme a acquis une reconnaissance internationale significative. L’Algérie a cristallisé une approche globale lui permettant de faire face seule à ce défi à une époque où le monde considérait encore ce phénomène comme une énigme incompréhensible. Cette approche se distingue par sa capacité à intégrer des solutions tant sécuritaires que sociétales, privilégiant une compréhension multidimensionnelle du problème.
Les données internationales révèlent une progression alarmante du terrorisme en Afrique, particulièrement dans la région sahélienne. Après le déclin de Daech et d’Al-Qaïda au Moyen-Orient, la région a enregistré près de 3200 victimes l’année passée, avec le Burkina Faso payant le plus lourd tribut avec 1500 pertes humaines. Face à cette menace, l’Afrique se trouve contrainte de développer des stratégies de riposte adaptées et coordonnées.
L’approche algérienne se caractérise par la création de mécanismes régionaux de collaboration, comme le groupe Sémouk des chefs d’état-major et l’unité de coordination et de liaison, visant à circonscrire ce phénomène complexe. La particularité de l’approche algérienne réside dans sa dimension holistique, qui se distingue nettement des interventions étrangères, souvent perçues comme contre-productives et motivées par des intérêts économiques.
Le Dr Bezaz souligne que les interventions étrangères, qu’elles proviennent des anciennes puissances coloniales ou d’autres acteurs internationaux, sont principalement guidées par des visées prédatrices des ressources africaines. Le SG de la LOPIS a estimé que cette présence « ne peut en aucun cas constituer un facteur de solution ». La solution, selon lui, doit être intrinsèquement africaine, élaborée et mise en œuvre par les pays de la région eux-mêmes.
Les institutions religieuses jouent un rôle crucial dans cette lutte, car l’aspect religieux peut souvent être instrumentalisé pour attiser les tensions et manipuler les émotions populaires. L’initiative algérienne de partager ses espaces religieux et académiques avec les élites africaines symbolise cette volonté de promouvoir une compréhension éclairée et modérée de la religion.
Un développement particulièrement préoccupant réside dans l’équipement sophistiqué dont disposent désormais les groupes terroristes sahéliens, avec des capacités militaires et technologiques inquiétantes. Cette réalité renforce la nécessité d’un renforcement de la coopération régionale et d’une approche intégrée de la sécurité.
L’intervention du Dr Bezaz met en lumière un constat essentiel : la fragilité sociale et géographique du Sahel, combinée à des capacités militaires limitées, constitue un terreau fertile pour la prolifération des mouvements extrémistes. La solution réside dans une approche collaborative, préventive et inclusive, centrée sur le développement social et la compréhension mutuelle. Il a ajouté que le phénomène de l’extrémisme violent et du terrorisme exploite l’ignorance répandue dans la région, étant donné que l’éducation n’est pas accessible à tous dans de nombreux pays de la région du Sahel, d’où l’exploitation de la fragilité du système éducatif. Dans ce contexte, il a expliqué que « le terrorisme se nourrit de la vulnérabilité sociale dans la région, où les gens ressentent l’isolement, l’injustice et la marginalisation car ne bénéficiant, notamment, pas des richesses de leurs pays, d’où l’absence d’adhésion aux approches de l’Etat ».
M. Bezzaz a enfin déploré la montée alarmante de l’islamophobie » en Occident, particulièrement en France. M. Bezzaz a indiqué que de nombreuses statistiques avaient confirmé l’augmentation des indicateurs de l' »islamophobie » en France au cours des deux dernières années, s’élevant à 79 cas au cours de la dernière année, « un indicateur extrêmement dangereux », dit-il, imputant cette situation à la montée de l’extrême droite qui a fait de l' »islamophobie » un instrument électoral pour nourrir l’extrémisme dans le pays. Il a rappelé, à ce propos, l' »assassinat barbare », dans une mosquée en France, du jeune musulman Aboubakar Cissé, par un extrémiste de droite qui a filmé son acte en criant sa haine.
Salim Amokrane