Forum international « Vers le Sud » : L’Algérie au cœur de la transition énergétique méditerranéenne
Le ministre d’État algérien de l’Énergie, Mohamed Arkab, a réaffirmé vendredi à Sorrento la position stratégique de l’Algérie dans l’architecture énergétique méditerranéenne, lors du forum international « Vers le Sud ». Face aux défis géopolitiques actuels et à l’urgence climatique, l’Algérie se positionne comme un acteur incontournable de la transition énergétique régionale, grâce à ses ressources naturelles, ses infrastructures développées et sa capacité d’innovation technologique.
Dans un contexte marqué par « la montée des tensions géopolitiques et la désintégration de l’ordre économique mondial », selon les termes du ministre, l’Algérie développe une stratégie énergétique ambitieuse axée sur trois piliers fondamentaux. D’abord, le renforcement de la production de gaz naturel pour maintenir son statut de fournisseur fiable de l’Europe. Ensuite, la réduction significative de l’empreinte carbone à travers des programmes d’efficacité énergétique et de rationalisation de la consommation. Enfin, l’élargissement massif de l’utilisation des énergies renouvelables avec un projet phare de 15.000 MW d’énergie solaire à l’horizon 2035, dont 3.200 MW sont déjà en cours de réalisation.
Cette vision s’inscrit dans une logique de partenariat gagnant-gagnant avec l’Europe. « La région méditerranéenne, de par ses ressources naturelles et humaines, et de par sa position stratégique, est apte à devenir un pôle de transition énergétique et de développement durable », a souligné M. Arkab, appelant à « l’établissement d’un partenariat euro-méditerranéen efficace, fondé sur le partage des avantages et des responsabilités ».
L’hydrogène vert, vecteur d’avenir énergétique
L’hydrogène vert représente l’un des axes les plus prometteurs de cette stratégie. L’Algérie, forte de sa position géographique unique et de son expertise technique accumulée, « fait partie des pays capables de diriger cette transition » dans ce domaine stratégique. Le projet « SoutH2 Corridor », reliant directement l’Algérie à l’Europe, illustre parfaitement cette ambition. Renforcé par la Déclaration commune d’intentions politiques signée à Rome en janvier 2025, ce corridor constitue un maillon essentiel de la chaîne d’approvisionnement européenne en énergie propre.
Cette initiative s’accompagne d’une coopération renforcée avec les entreprises européennes, notamment la compagnie italienne Edison. Les discussions menées en marge du forum ont porté sur le développement de projets structurels dans l’hydrogène vert, la commercialisation du gaz naturel et l’élargissement de la coopération dans les infrastructures énergétiques. Cette collaboration va au-delà du simple échange commercial pour inclure la formation, l’échange d’expertises et le transfert de technologies.
Interconnexion électrique : vers un marché unifié
Le second volet majeur concerne l’interconnexion électrique, véritable épine dorsale de l’intégration énergétique régionale. Le projet « Medlink » vise à exporter annuellement jusqu’à 2.000 MW d’électricité verte vers l’Italie, démontrant la capacité de l’Algérie à transformer son potentiel solaire en avantage concurrentiel. Parallèlement, l’interconnexion électrique entre le Nord et le Sud de l’Algérie, avec un investissement de plus de 3 milliards de dollars, vise le déploiement des énergies renouvelables à grande échelle et l’élargissement de leur exportation vers l’Afrique.
Cette vision intégratrice s’étend au continent africain. L’Algérie mène des consultations avancées avec la Libye, l’Égypte et la Mauritanie pour l’interconnexion des réseaux électriques, préparant ainsi le terrain au marché africain unifié de l’électricité. Cette approche continentale s’inscrit parfaitement dans le Plan Mattei, que l’Algérie soutient pleinement en tant qu' »opportunité stratégique » pour renforcer la coopération énergétique entre les deux rives de la Méditerranée.
La stratégie algérienne intègre également la dimension hydrique, enjeu crucial dans une région confrontée au stress hydrique. La stratégie nationale de dessalement de l’eau de mer a permis la réalisation de six nouvelles stations, portant la capacité de production à 3,7 millions de m3 par jour et couvrant plus de 42% des besoins des villes côtières. L’objectif d’atteindre 5,2 millions de m3 par jour d’ici 2030 témoigne de cette approche intégrée des défis énergétiques et environnementaux.
« L’avenir énergétique de la Méditerranée dépend de notre capacité commune de construire une coopération fondée sur les intérêts mutuels, la solidarité et la responsabilité collective », a conclu M. Arkab. Une déclaration qui résume parfaitement l’approche algérienne : faire de la transition énergétique non pas un défi isolé, mais une opportunité de renforcer l’intégration méditerranéenne et de construire un modèle de développement durable partagé.
Samira Ghrib