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Le projet de loi sur la mobilisation générale présenté à l’APN: Faire face aux tensions géopolitiques

Dans un contexte géopolitique particulièrement tendu où les menaces aux frontières de l’Algérie se multiplient, la mobilisation des forces vives de la nation s’impose comme une nécessité. C’est dans ce contexte que le ministre de la Justice, garde des Sceaux, M. Lotfi Boudjemaa, a présenté lundi après-midi à l’Assemblée populaire nationale (APN) le projet de loi sur la mobilisation générale.

Ce texte vient combler un vide juridique majeur dans l’arsenal défensif algérien. Le ministre a souligné d’emblée que ce projet législatif « contribuera à enrichir le système législatif national permettant la prise de toutes les mesures nécessaires pour bien se préparer à faire face aux dangers potentiels, notamment en cette conjoncture géostratégique qui connaît, aux niveaux mondial et régional, des changements effrénés auxquels nous devons nous adapter ». Cette initiative législative intervient alors que l’environnement régional de l’Algérie connaît des mutations profondes et préoccupantes, avec l’instabilité persistante dans la bande sahélo-saharienne, les tensions au Maghreb, et la persistance de foyers de conflits aux frontières sud et est du pays. À ces défis s’ajoutent les menaces hybrides, incluant le terrorisme transnational, la cybercriminalité et les tentatives d’ingérence étrangère visant à déstabiliser les institutions de l’État. Une situation qui impose de l’anticipation pour se préparer à tous les scénarios et mettre en place un bouclier protecteur en cas de menace grave. Une initiative qui s’appuie aussi sur la nécessité du renforcement du front interne comme l’ont souligné les députés au cours des débats. Le projet de loi prévoit « la définition des missions de tous les appareils de l’État, de ses institutions et les responsabilités de tous les secteurs d’activité publique et privé, de même que la société civile et les citoyens dans le cadre d’un système de mobilisation générale qui vise à faire face aux dangers susceptibles de porter atteinte à la stabilité du pays avec une grande efficacité ». Cette approche globale reflète la volonté des autorités de créer un dispositif de défense nationale intégré, capable de mobiliser l’ensemble des ressources du pays en cas de menace grave contre sa souveraineté ou son intégrité territoriale. Le texte, qui renferme 69 articles, « définit les dispositions relatives à la mobilisation générale stipulée dans l’article 99 de la Constitution », et consiste en « la série de dispositions à prendre pour assurer une plus grande efficacité dans la transition des forces armées, des appareils de l’État, des instances et institutions nationales, ainsi que l’économie nationale de l’état de paix à l’état de guerre et la mise des compétences nationales à la disposition de l’effort de guerre ». Il s’agit donc d’un outil juridique permettant de coordonner la réponse nationale face à des menaces existentielles pour l’État, dans un monde où les conflits asymétriques et les guerres hybrides rendent de plus en plus floue la distinction traditionnelle entre temps de paix et temps de guerre. La mobilisation générale a pour objectif de « renforcer la capacité de défense de la nation et d’accroître les moyens des forces armées, en mettant à leur disposition les moyens humains et matériels ainsi que les ressources nécessaires, afin de leur permettre de remplir leurs missions de défense de l’unité et de l’intégrité territoriale du pays et de protection de son espace terrestre, aérien et maritime, dans les meilleures conditions ». Cette disposition prend une résonance particulière alors que la course aux armements s’intensifie dans la région et que certaines puissances extraterritoires n’hésitent plus à instrumentaliser les conflits locaux pour servir leurs intérêts géostratégiques. Le projet de loi énumère avec précision les cas dans lesquels le président de la République peut décréter la mobilisation générale en Conseil des ministres. Il s’agit des situations où « le pays est confronté à un péril imminent susceptible de porter atteinte à ses institutions constitutionnelles, à son indépendance ou à son intégrité territoriale, ou encore en cas d’agression effective ou imminente, conformément aux dispositions prévues par la Constitution ». Le texte stipule également que « le président de la République définit, par décret présidentiel, les axes fondamentaux de la stratégie nationale de mobilisation générale ainsi que ses directives spécifiques. Le Premier ministre ou le chef du gouvernement, selon le cas, assure la coordination, l’orientation et le contrôle des activités des membres du gouvernement dans la mise en œuvre de cette stratégie ». Parmi les mesures concrètes prévues par le projet de loi figure « le passage des forces armées de l’état de paix à l’état de guerre, la mise en œuvre par les ministères concernés des actions et dispositions appropriées, l’application des dispositions relatives à la défense populaire conformément à la législation en vigueur, l’exécution des procédures de réquisition, ainsi que la suspension des départs à la retraite des fonctionnaires et des travailleurs occupant des postes ou fonctions liés aux besoins de la mobilisation générale ». Ces dispositions traduisent l’ambition de créer un continuum défensif impliquant l’ensemble des secteurs vitaux de l’État. Dans ce cadre, le ministre de la Défense nationale est chargé, lors de la mise en œuvre de la mobilisation générale, de « l’activation progressive, en coordination avec les ministres concernés, du plan général de la mobilisation générale », notamment en ce qui concerne « le soutien aux actions des forces armées, la rationalisation de la consommation et de l’utilisation de certains produits énergétiques, hydriques et de consommation de base, ainsi que l’application des mesures visant à renforcer la protection et la défense des installations et institutions vitales, sensibles et stratégiques du pays, en coordination avec le ministre chargé de l’Intérieur ». Le projet accorde également une attention particulière à l’implication citoyenne, élément fondamental de la résilience nationale. Ainsi, les citoyens doivent « se conformer aux procédures et mesures relatives à la mobilisation générale qui les concernent, notamment la réponse immédiate à l’ordre de rappel, la réponse sans délai à la mise en œuvre des mesures de défense populaire, la soumission à la mobilisation et le strict respect des mesures prises par les autorités compétentes concernant la mobilisation générale ». Sur le volet pénal, le projet de loi prévoit des « peines d’emprisonnement allant de deux mois à 10 ans ainsi que des amendes variant entre 20.000 et un million de DA à l’encontre de toute personne (physique ou morale) qui enfreindrait ses dispositions », a précisé le ministre de la Justice. Ce projet de loi sur la mobilisation générale s’inscrit dans une vision stratégique globale visant à renforcer la posture défensive de l’Algérie face à un spectre de menaces en constante évolution, tout en préservant les fondements de l’État de droit et les libertés individuelles.

Hocine Fadheli

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