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Vers un choc pétrolier ?

L’escalade du conflit entre au Moyen-Orient fait planer le spectre d’un nouveau choc pétrolier sur les marchés mondiaux. Alors que les prix du brut ont bondi de 13% vendredi lors des premières attaques israéliennes contre l’Iran, les analystes et les banques centrales s’alarment des conséquences potentielles sur l’économie mondiale.

Le président de la Banque fédérale d’Allemagne, Joachim Nagel, a mis en garde lundi contre les risques d’un choc pétrolier lié au conflit, invitant à ne pas relâcher la politique monétaire en zone euro, malgré une inflation revenue à 2%. Les conséquences des attaques qui se sont intensifiées ce week-end, « restent incertaines » alors qu’un conflit prolongé « pourrait provoquer une forte hausse du pétrole » et « bouleverser nos prévisions » d’inflation et de croissance, a déclaré M. Nagel dans un discours prononcé à Francfort.

Cette mise en garde de la Bundesbank intervient dans un contexte particulièrement sensible pour la politique monétaire européenne. Les risques accrus qui planent en cas d’escalade durable au Moyen-Orient, s’ajoutant aux tensions commerciales pas encore résolues avec les États-Unis, rendent « impératif » pour la Banque centrale européenne de rester « flexible », sans s’engager « ni sur une nouvelle baisse des taux, ni sur une pause prolongée », selon M. Nagel.

Les marchés financiers surveillent avec attention l’évolution du conflit. Lundi matin, les cours de l’or noir reculaient légèrement malgré l’intensification du conflit, les frappes israéliennes n’ayant pas encore ralenti les exportations de pétrole de Téhéran et les États-Unis n’étant pour l’instant pas directement intervenus. Le prix du baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en août, perdait 0,93% à 73,54 dollars, tandis que son équivalent américain, le baril de West Texas Intermediate, pour livraison en juillet, reculait de 0,86% à 72,35 dollars.

Cette relative stabilité s’explique en partie par les déclarations du président américain Donald Trump, qui a appelé à « trouver un accord », ajoutant qu’il était « possible » que les États-Unis s’impliquent dans le conflit, mais qu’ils ne l’étaient pas « à cet instant ». Pour Janiv Shah, analyste chez Rystad Energy, « les États-Unis ont le pouvoir et la volonté de contenir la situation ». Le fait que le conflit ne se soit pas encore élargi à d’autres pays favorise également l’attentisme du marché.

Cependant, la situation reste extrêmement volatile. Une attaque de drone israélien contre une raffinerie stratégique en Iran, le champ gazier de South Pars-North Dome, a provoqué samedi une « puissante explosion » et un incendie sur le site, dans le sud du pays. Cet immense champ, partagé avec le Qatar, constitue la plus grande réserve de gaz connue au monde et fournit environ 70% du gaz naturel consommé en Iran. Le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi a estimé dimanche que cette attaque visait à « élargir la guerre au-delà » de l’Iran, ajoutant que toute activité militaire dans le Golfe « pourrait impliquer toute la région, voire le monde entier ».

Un baril à 130 dollars !

Les projections des grandes banques d’investissement illustrent l’ampleur des risques pesant sur les marchés énergétiques. JP Morgan maintient ses prévisions de base pour 2025, projetant que le Brent évoluera dans la fourchette basse à moyenne des 60 dollars, avec une moyenne de 60 dollars en 2026. Cependant, la banque signale une fourchette potentielle de 120 à 130 dollars par baril en cas de scénarios catastrophes, notamment en cas de conflit militaire et de fermeture du détroit d’Ormuz, par lequel transite un cinquième des flux pétroliers mondiaux.

Les analystes de Goldman Sachs vont plus loin en avertissant qu’une fermeture du détroit d’Ormuz pourrait pousser les prix du pétrole au-dessus de 100 dollars par baril. Cette crainte est d’autant plus justifiée que l’Iran envisagerait de fermer ce passage crucial, selon des rapports de CNBC. Les prix du pétrole ont déjà bondi d’environ 13% vendredi, enregistrant le plus important gain quotidien depuis les premiers jours du conflit en Ukraine.

Warren Patterson, responsable de la stratégie matières premières chez ING, estime que l’Iran, qui produit 3,3 millions de barils par jour et exporte environ 1,7 million de barils quotidiennement, représente un risque significatif pour l’approvisionnement mondial. Dans un scénario d’escalade, une disruption des approvisionnements iraniens pourrait faire passer le marché pétrolier d’un excédent à un déficit au second semestre de cette année. Cela pourrait faire grimper le Brent à 80 dollars le baril, bien que les prix se stabiliseraient probablement autour de 75 dollars, selon l’analyste.

Le risque le plus grave concerne une perturbation des flux commerciaux à travers le détroit d’Ormuz, par lequel transite près d’un tiers du commerce pétrolier maritime mondial. Bien qu’une partie des flux pétroliers puisse être détournée pour éviter le détroit, cela laisserait encore environ 14 millions de barils par jour d’approvisionnement en pétrole à risque. Une perturbation significative de ces flux serait suffisante pour pousser les prix à 120 dollars le baril. Si les perturbations persistent vers la fin de l’année, le Brent pourrait atteindre de nouveaux records historiques, dépassant le pic de près de 150 dollars le baril enregistré en 2008, ajoute-il.

Samira Ghrib

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