Accord d’association Algérie-UE : Établir un partenariat gagnant-gagnant
La révision de l’Accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne, signé en 2005, s’impose aujourd’hui comme une nécessité stratégique face aux transformations économiques majeures qu’a connues l’Algérie au cours des deux dernières décennies.
Cette question était au cœur des discussions entre le président du Conseil de la Nation, Azouz Nasri, et l’ambassadeur de l’Union européenne en Algérie, Diego Mellado Pascua, lors de leur rencontre mardi à Alger.
Nasri a mis l’accent sur « l’importance de donner un nouvel élan au partenariat algéro-européen, fondé sur le principe de l’égalité et du respect mutuel, et qui tient compte des transformations que connaît l’Algérie dans le cadre de la construction d’une économie diversifiée et moderne ». Il a également souligné la nécessité de « mettre en place des mécanismes flexibles qui prennent en compte les spécificités des deux parties et permettent de surmonter certains déséquilibres apparus dans l’application des clauses de l’accord, de travailler à son élargissement à d’autres secteurs et domaines, et de favoriser la diversification des investissements européens en Algérie, à la faveur des avantages offerts par la nouvelle loi sur l’investissement ».
L’ambassadeur européen a manifesté une ouverture encourageante en se félicitant « du niveau des relations politiques et diplomatiques existant entre l’Algérie et l’UE » et en soulignant que l’UE « accorde une attention particulière à l’approfondissement du partenariat avec l’Algérie, étant un partenaire fiable et essentiel dans la région de la Méditerranée et en Afrique du Nord ». Il a également réaffirmé « le soutien de l’UE aux efforts de l’Algérie dans les domaines de la transition énergétique, de la sécurité alimentaire et du développement durable ». L’urgence de cette révision trouve sa justification dans l’évolution spectaculaire du profil économique de l’Algérie. Comme l’a souligné le président Abdelmadjid Tebboune lors du Conseil des ministres du 26 janvier dernier, « les exportations de l’Algérie reposaient essentiellement sur les hydrocarbures, alors qu’aujourd’hui, nos exportations hors hydrocarbures se sont diversifiées et élargies, notamment dans les secteurs de la production agricole, des minerais, du ciment et des produits alimentaires ». Cette transformation profonde de l’économie nationale justifie pleinement la position algérienne qui considère que « la révision de cet accord est dictée par des réalités économiques ».
Les déséquilibres actuels de l’accord sont particulièrement flagrants. Les chiffres présentés par le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf en décembre 2024 révèlent l’ampleur du problème: entre 2005 et 2023, tandis que les échanges commerciaux ont atteint près de 1000 milliards de dollars pour les produits européens en Algérie, les investissements européens n’ont totalisé que 13 milliards de dollars, dont 12 milliards ont été rapatriés sous forme de dividendes, laissant à l’Algérie un bénéfice net d’à peine un milliard de dollars sur cette période. Ce déséquilibre a amené le ministre Attaf à qualifier l’accord actuel de « boulet au pied de l’économie nationale ».
Enjeux géopolitiques
Au-delà des questions économiques, les discussions ont également porté sur les enjeux géopolitiques majeurs. M. Nasri a souligné l’impératif de « mettre fin à la crise humanitaire » à Gaza, réaffirmant « le rôle dévolu à l’Union européenne à cet égard, à travers le soutien des efforts en faveur de l’établissement et la reconnaissance de l’État palestinien conformément aux résolutions de la légalité internationale ». Il a également rappelé « le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination conformément aux résolutions de l’ONU ».
La rencontre a aussi permis d’aborder les défis sécuritaires régionaux, les deux parties procédant « à un échange de vues sur les défis sécuritaires dans la région du Sahel et en Libye », soulignant « l’importance de la concertation continue et de la complémentarité des rôles, afin d’assurer la stabilité et lutter contre le terrorisme et le crime organisé ». M. Nasri a rappelé à cette occasion « les positions constantes de la diplomatie algérienne, fondées sur les principes du respect de la souveraineté des États et de la non-ingérence dans les affaires internes ».
Cette dynamique de dialogue s’inscrit dans la vision globale du président Tebboune qui vise « à consacrer un partenariat basé sur les intérêts mutuels et les acquis communs, au mieux des intérêts des peuples, afin de renforcer la paix et la stabilité aux niveaux régional et international ». La révision de l’Accord d’association apparaît ainsi comme un levier essentiel pour établir un véritable partenariat gagnant-gagnant, adapté aux réalités économiques contemporaines et aux ambitions de développement de l’Algérie.
Salim Amokrane