Conférence sur la solution à deux Etats : L’Algérie propose une feuille de route en trois axes pour une paix durable
Le représentant permanent de l’Algérie aux Nations Unies, l’ambassadeur Amar Bendjama, a réaffirmé mardi la position de pionnier algérienne dans la bataille pour la reconnaissance de l’État palestinien, lors de la Conférence de haut niveau sur la solution à deux États. Cette intervention algérienne intervient alors qu’une vague de reconnaissances diplomatiques se dessine pour septembre prochain, portée par l’urgence d’une situation humanitaire catastrophique à Ghaza. « D’aucuns doivent s’interroger sur l’utilité de cette réunion jugeant surréaliste de parler de l’établissement d’un État alors que nous assistons à la destruction de Ghaza et que nous voyons sa population affamée », a reconnu Bendjama devant l’assemblée onusienne. « Mais c’est précisément dans les périodes les plus sombres qu’il faut rappeler les principes », a-t-il poursuivi, ajoutant que « l’histoire de l’Algérie nous a appris que la véritable réponse à l’occupation n’est pas la capitulation, le désespoir et le silence, mais la résistance, la détermination et la persévérance ». L’Algérie revendique son antériorité historique dans cette bataille diplomatique. « L’Algérie est le premier et seul pays à avoir officiellement lancé cet appel au Conseil de sécurité en janvier dernier, lequel a reçu le soutien de la majorité écrasante des membres de l’organe onusien », a rappelé l’ambassadeur, précisant que l’Algérieest « prête à réitérer cet appel ». Cette légitimité s’enracine dans l’histoire : l’Algérie « a été le premier pays à reconnaître l’État de Palestine il y a 37 ans » et « la création de l’État de Palestine avait été proclamée à Alger en 1988 ».
La feuille de route algérienne s’articule autour de trois étapes claires. Première priorité : « la nécessité de promouvoir la solution à deux États qui passe par l’admission de la Palestine comme État membre de plein droit de l’ONU ». Deuxième étape : « la reconnaissance de l’État de Palestine » par l’ensemble de la communauté internationale, l’Algérie appelant « toutes les nations qui ne l’ont pas encore fait à reconnaître l’État de Palestine ». Troisième volet : « permettre aux Palestiniens de rester sur leur terre, de refuser le déplacement forcé, de protéger les territoires, de criminaliser les colonies et de mettre fin à l’impunité ». L’ambassadeur algérien a conclu son intervention en rappelant l’engagement présidentiel : le président Abdelmadjid Tebboune avait affirmé que « l’Algérie continuera à soutenir la Palestine et ne renoncera jamais à la juste cause du peuple palestinien jusqu’à ce qu’il obtienne ses droits pleins et entiers ». Une promesse qui résonne aujourd’hui avec une force particulière alors que la solution à deux États trouve un second souffle diplomatique face à l’accélération tragique des événements sur le terrain.
Une cascade de reconnaissances annoncées
Cet appel trouve un écho retentissant avec la cascade de reconnaissances annoncées pour l’Assemblée générale de septembre. Le Royaume-Uni a créé la surprise mardi avec l’annonce de Keir Starmer : « Je peux confirmer que le Royaume-Uni reconnaîtra l’État de Palestine d’ici à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre ». Cette décision britannique revêt une dimension particulièrement symbolique compte tenu du rôle historique de Londres dans l’occupation de la Palestine, marquant une rupture majeure avec la politique traditionnelle britannique. Le Premier ministre travailliste a toutefois conditionné cette reconnaissance à des exigences précises envers l’entité sioniste : « des mesures substantielles pour mettre fin à la situation épouvantable à Ghaza, un cessez-le-feu et un engagement dans une paix durable », ainsi que l’arrêt des « annexions en Cisjordanie » et l’autorisation pour « les Nations unies de reprendre la fourniture d’aide ». « Maintenant que cette solution est menacée, c’est le moment d’agir », a justifié Starmer.
Malte a emboîté le pas dans la foulée. Le Premier ministre Robert Abela a confirmé que son pays reconnaîtrait officiellement la Palestine lors de l’Assemblée générale de septembre. « Notre position reflète notre engagement en faveur des efforts visant à instaurer une paix durable au Moyen-Orient », a déclaré Abela, précisant qu’on « ne peut pas fermer les yeux sur cette tragédie humaine qui s’aggrave de jour en jour ». Cette décision marque la première reconnaissance diplomatique officielle de Malte, bien que le pays accueille déjà un ambassadeur palestinien. Cette dynamique fait suite à l’annonce française de la semaine dernière, Emmanuel Macron ayant indiqué que la France reconnaîtrait un État palestinien lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre.
Cette mobilisation diplomatique s’inscrit dans le contexte d’une catastrophe humanitaire sans précédent à Ghaza. Le bilan s’alourdit quotidiennement pour atteindre 60.138 martyrs et 146.269 blessés selon les autorités sanitaires palestiniennes. Au cours des dernières 24 heures seulement, 104 nouveaux martyrs et 399 blessés sont arrivés dans les hôpitaux de l’enclave. La famine frappe Ghaza avec une intensité dramatique : 154 morts par malnutrition dont 89 enfants, avec sept nouveaux décès par malnutrition en 24 heures dont un enfant. Cette tragédie s’aggrave depuis que l’entité sioniste a fermé tous les points de passage avec Ghaza le 2 mars 2025, empêchant l’entrée de l’aide alimentaire et médicale. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a confirmé que « Ghaza est au bord de la famine », qualifiant la situation de « cauchemar » alors que « deux des trois seuils de famine ont maintenant été franchis dans certaines parties de l’enclave palestinienne ». Les attaques visant les civils se poursuivent : 60 martyrs et 195 blessés lors d’attaques contre des Palestiniens attendant l’aide humanitaire au cours des dernières 24 heures, portant le bilan global de ces attaques à 1.239 martyrs et 8.152 blessés.
Lyes Saïdi