Culture

Projection de de la version restauré du chef-d’œuvre de Hamina dans plusieurs salles en France 

Cinquante ans après avoir conquis la Croisette et marqué l’histoire du cinéma mondial, « Chronique des années de braise » de Mohamed Lakhdar Hamina revient investir les salles obscures françaises dans une version restaurée qui lui rend toute sa splendeur originelle. Cette renaissance cinématographique, orchestrée par « Les Acacias », « l’un des plus anciens distributeurs en France et grand spécialiste du cinéma italien », transforme ce qui aurait pu n’être qu’une simple ressortie patrimoniale en véritable événement culturel. Dès le 6 août 2025, « le joyau du cinéma algérien sera projeté dans 22 salles en France », de Paris à Marseille, offrant aux nouvelles générations l’occasion de découvrir cette œuvre monumentale qui avait fait sensation au Festival de Cannes en 1975, soulignent les organisateurs de l’évènement. Cette redistribution survient dans un contexte particulièrement émouvant : Mohamed Lakhdar Hamina s’est éteint le 23 mai 2025 à Alger, à l’âge de 91 ans, « quelques heures à la projection de son film Chronique des années de braise dans sa version restaurée dans la section Cannes Classics ». Une coïncidence qui confère à cette ressortie une dimension testamentaire. Inhumé au cimetière de Sidi Yahia à Alger, le cinéaste laisse derrière lui une œuvre qui transcende les frontières et les époques.

L’histoire que raconte « Chronique des années de braise » n’a rien perdu de sa force évocatrice. Le film « raconte l’histoire d’Ahmed, paysan pauvre, qui quitte son village pour la ville à la recherche d’une vie plus facile. Il rencontre Miloud, un fou visionnaire, et surtout la misère et l’injustice ». Mais cette trame apparemment simple se déploie en réalité comme une vaste fresque historique, « chronique événementielle de l’histoire algérienne, de la conquête française à 1954, date du déclenchement de la guerre de Libération nationale ». À travers « la vie d’une famille et de quelques individus symboliques », Hamina parvient à saisir « la résistance du peuple algérien tout entier à l’expropriation de ses terres et à la déculturation ». L’architecture narrative du film révèle l’ambition démesurée de son créateur. « Chronique des années de braise est composé de 6 volets » qui dessinent une progression dramatique implacable : « Les Années de Cendre (la sécheresse, la misère et l’abandon de la terre par les paysans), L’Année de la Charrette (la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences sur le pays), Les Années de Braise (à la fin de la guerre, la flambée de conscience politique contre le colonisateur), L’Année de la Charge (les élections de 1947, le choix entre le légalisme et le soulèvement), Les Années de Feu (la révolte dans les campagnes, l’organisation des maquis), Le 1er Novembre 1954 (la révolte qui devient révolution) ». Cette structuration en chapitres historiques transforme le récit individuel en épopée collective, où chaque séquence constitue une étape vers l’inéluctable soulèvement.

« Le projet de restauration fait partie de l’African Film Heritage Project, une initiative créée par le World Cinema Project de la Film Foundation, par la Fédération Panafricaine des Cinéastes et par l’UNESCO, en collaboration avec la Cineteca di Bologna, pour aider à localiser, restaurer et diffuser le cinéma africain » précise la même source. Cette « version restaurée en 2018 par le World Cinema Project de la Film Foundation et la Cineteca di Bologna aux laboratoires L’Image Retrouvée et L’Immagine Ritrovata » bénéficie d’un financement prestigieux, la « restauration financée par la George Lucas Family Foundation ».

Le processus technique révèle une minutie d’orfèvre. « La restauration en 4K de Chronique des années de braise a été effectuée à partir des négatifs 35mm image et son originaux et d’un interpositif 35mm de 1re génération fourni par le cinéaste ». Cette attention aux sources originelles s’avère cruciale car « il existe trois différents montages de ce film » et « selon les vœux de Mohamed Lakhdar Hamina, cette version restaurée est celle qui a reçu la Palme d’or au Festival de Cannes en 1975 ». « Le négatif image original, les scènes coupées du même élément et l’interpositif ont été incorporés dans une copie 35mm d’époque fournie pour référence par le réalisateur », tandis que « l’étalonnage a été supervisé par Mohamed Lakhdar Hamina » lui-même, garantissant la fidélité absolue à la vision artistique originelle.

En programmant le film de Paris à Marseille, en passant par Strasbourg, Tours ou Bordeaux, « Les Acacias » offre l’opportunité unique de mesurer l’intemporalité d’une œuvre qui continue de questionner les mécanismes de l’oppression et de la résistance. Plus qu’une simple ressortie, cette redistribution constitue un hommage vibrant à un cinéaste visionnaire disparu et à un pan méconnu du patrimoine cinématographique mondial.

Mohand Seghir

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