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La nouvelle loi minière promulguée : Un cadre pour renforcer la souveraineté économique

La nouvelle loi minière vient d’être promulguée et publiée dans le Journal officiel n°52, marquant ainsi une étape décisive dans la stratégie de développement minier et de diversification économique. 

La loi n°25-12 régissant les activités minières, signée par le président de la République Abdelmadjid Tebboune le 3 août en cours, s’inscrit dans le cadre des réformes visant à renforcer la souveraineté économique et diversifier les sources de revenus nationaux en dehors des hydrocarbures. Cette réforme législative répond à un diagnostic approfondi du secteur qui avait révélé plusieurs défaillances structurelles. Comme l’a souligné le ministre d’État, ministre de l’Énergie et des Mines et des Énergies renouvelables, Mohamed Arkab, il y a quelques mois, ce diagnostic a mis en évidence la faiblesse de l’investissement dans le domaine de l’exploration et de la prospection, l’absence d’une base de données géologiques et minières précise. Le secteur souffrait également de l’absence totale de découvertes nouvelles exploitables et l’absence quasi-totale d’investissement étranger, en plus de la faiblesse de la production locale de certains matériaux miniers. La réforme institutionnelle constitue un pilier essentiel de la nouvelle loi. Le texte renforce le rôle des deux agences minières avec des missions de régulation, incluant la préparation et la mise en œuvre de réglementations et de normes concernant les activités d’exploration et d’exploitation. L’Agence du service géologique de l’Algérie (ASGA) se voit confier des missions étendues, notamment la réalisation, la supervision et le contrôle des travaux d’infrastructure géologique ainsi que l’élaboration du programme national d’infrastructure géologique, la gestion des cartes géologiques, des données géologiques et la prévention des risques. L’ANAM, quant à elle, est chargée de promouvoir l’investissement dans le domaine minier national, de gérer le cadastre minier, d’assurer la délivrance des titres miniers et de contrôler les exploitations tout en exerçant les fonctions de police des mines. Ces agences, qualifiées d’autorités administratives indépendantes, disposent de l’autonomie financière et ne sont pas soumises aux règles applicables à l’administration en ce qui concerne leur organisation, leur fonctionnement et le statut du personnel. Leur structure de direction comprend des comités de direction de 5 membres nommés par décret, avec des dispositions d’incompatibilité post-mandat imposant 2 ans d’interdiction d’exercer dans le secteur après leur mandat.

Simplification des procédures

Pour remédier aux lacunes identifiées, l’un des axes majeurs de cette réforme concerne la simplification drastique des procédures d’accès au domaine minier national. La loi propose de simplifier les procédures d’accès au domaine minier national, particulièrement en ce qui concerne les matières soumises au régime des mines, tout en garantissant la transparence et en accordant aux investisseurs le droit d’exploitation lors de la découverte de gisements économiques.

Le texte introduit un système de guichet unique à travers l’Agence nationale des activités minières (ANAM), permettant de traiter les demandes dans des délais légaux déterminés. Cette approche vise à éliminer les lourdeurs administratives qui entravaient auparavant le développement du secteur. La nouvelle loi établit un régime complet de titres et autorisations miniers comprenant les permis d’exploration d’une durée de 4 ans pour les mines et 2 ans pour les carrières, tous renouvelables, ainsi que les permis d’exploitation valables 30 ans pour les mines et 15 ans pour les carrières, également renouvelables. S’y ajoutent diverses autorisations minières incluant l’autorisation de prospection de mines pour 1 an, l’autorisation d’exploitation artisanale pour 5 ans, l’autorisation d’exploitation des haldes et terrils pour 5 ans, l’autorisation de ramassage des météorites et l’autorisation d’exploitation de carrières.

La loi établit également un cadre juridique clair pour les titres miniers, les rendant cessibles, transmissibles, amodiables et susceptibles d’hypothèque selon des règles légales. Cette flexibilité juridique répond aux exigences des investisseurs internationaux en matière de sécurisation des investissements.

Ouverture contrôlée aux investisseurs étrangers 

Une innovation majeure réside dans l’assouplissement des conditions d’accès pour les investisseurs étrangers. La loi permet désormais à toute personne possédant les capacités techniques et financières d’exercer les activités de prospection, d’exploration et d’exploitation sans exiger la constitution comme personne morale soumise au droit algérien durant les phases de prospection et d’exploration. Les conditions d’attribution varient selon le type d’activité, l’exploration étant ouverte aux personnes morales algériennes ou étrangères, tandis que l’exploitation de mines demeure réservée aux personnes morales de droit algérien uniquement et les carrières exigent un capital algérien à 51% minimum.

Cette ouverture s’accompagne toutefois de garanties nationales strictes. Pour l’exploitation minière, la loi maintient l’exigence d’une participation minimale algérienne et prévoit que l’entreprise nationale participe dans la limite de vingt pour cent (20%) dans le capital de la personne morale de droit algérien détenue par des étrangers. Le mécanisme de participation comprend une protection contre la dilution où le taux ne peut diminuer en cas d’augmentation du capital social sans accord de l’entreprise nationale, une flexibilité négociée permettant d’excéder 20% si l’intérêt économique est justifié pour les deux parties, et pour les appels à concurrence, une participation non limitée à 20% qui peut être supérieure selon les enjeux du projet.

La loi instaure également un droit de préemption stratégique qui s’exerce automatiquement lors du transfert des droits d’un titre minier d’exploitation détenu par une société algérienne à participation étrangère. Ce droit s’exerce dans un délai de 60 jours maximum à compter de la réception de la demande de transfert, aux mêmes conditions que le transfert projeté, à l’exception des transferts entre entités affiliées.

Le texte supprime également les dispositions relatives au caractère stratégique de certaines matières qui empêchaient l’octroi de titres miniers aux investisseurs privés, lesquels étaient auparavant limités à des contrats de partenariat avec des entreprises publiques selon la règle 51/49.

Promotion du contenu local et création d’emplois

La nouvelle loi intègre des dispositions spécifiques pour maximiser les retombées économiques locales. Elle prévoit que le cahier des charges annexé au permis d’exploitation inclut des clauses qui accordent une préférence aux entreprises algériennes pour la fourniture de biens et services produits en Algérie. Le texte impose également aux titulaires de permis et à leurs sous-traitants de faire recours en priorité à la main-d’œuvre algérienne et d’assurer la formation de la main-d’œuvre algérienne couvrant l’ensemble des qualifications requises. Cette approche vise à développer les compétences nationales et à créer des emplois qualifiés. Les obligations de contenu local comprennent la priorité à la main-d’œuvre algérienne pour les titulaires et leurs sous-traitants, la formation obligatoire assurée directement ou indirectement dès le début des travaux couvrant toutes les qualifications requises, la préférence nationale pour les clauses d’achat préférentiel des biens et services produits en Algérie sous conditions de compétitivité en termes de prix, qualité et délais, ainsi que la contribution au marché national que l’ANAM peut exiger.La loi encourage par ailleurs la transformation locale des matières premières en permettant aux autorités de demander au titulaire d’un titre minier de procéder au traitement, à l’affinage ou à la transformation de tout ou partie de la production minière dans des unités installées en Algérie. L’ANAM peut exiger le traitement, l’affinage ou la transformation de tout ou partie de la production dans des unités installées en Algérie, avec la possibilité de s’associer avec des personnes algériennes ou morales étrangères pour la transformation locale. Le texte prévoit également une définition spéciale pour les grands projets intégrés incluant exploitation, transformation et infrastructures de base, soumis à l’approbation du Conseil des Ministres.

Protection environnementale 

Le nouveau cadre législatif accorde une attention particulière aux questions environnementales et de sécurité. La loi stipule que les activités minières sont conduites en appliquant les meilleures techniques et pratiques internationales afin de prévenir et de réduire les risques ou dommages susceptibles d’être causés aux personnes, aux biens, aux installations et à l’environnement. Le cadre juridique environnemental repose sur le principe pollueur-payeur où tout dommage causé à l’environnement résultant de l’exercice des activités minières doit être pris en charge par l’auteur du dommage avec réparation en nature et/ou pécuniaire. L’obligation d’appliquer les meilleures techniques internationales vise à prévenir les risques aux personnes, biens et environnement. Un régime spécialisé précise que les établissements classés ne s’appliquent pas à la recherche/exploitation, sauf pour les installations de traitement et valorisation., Le texte impose des études d’impact environnemental obligatoires avec une approche graduée. Pour l’exploitation comprenant mines, carrières, haldes et terrils, sont exigées des études d’impact et de danger complètes sur l’environnement, un plan de gestion environnementale détaillé, un plan de réhabilitation avec évaluation des coûts, le tout soumis à l’examen des autorités compétentes. Pour l’exploration et l’exploitation artisanale, une notice d’impact environnemental simplifiée suffit.

La planification environnementale comprend un plan de réhabilitation et remise en état avec révision obligatoire tous les 5 ans, une évaluation complète des coûts de remise en état, un contenu défini par directive ANAM précisant actions et travaux nécessaires, et un plan actualisé à remettre 6 mois avant expiration du titre. Les mécanismes financiers de garantie incluent des provisions obligatoires pour reconstitution des gisements sous contrôle ANAM, pour réhabilitation et remise en état des sites, et pour la gestion de l’après-mine avec coûts estimés arrêtés avec l’autorité compétente, ainsi que des polices d’assurance obligatoires couvrant la responsabilité civile et une assurance spéciale contre les risques miniers. La responsabilité environnementale s’étend au-delà du périmètre et de la durée du titre, avec un système de prévention des risques miniers transparent et accessible aux autorités. La remise en état est obligatoire à l’expiration avec un aspect proche de l’état initial, acceptable par l’ANAM et les services environnementaux, l’enlèvement des installations et la fourniture d’un rapport détaillé des travaux.

Police des mines

La loi établit un système de police des mines et contrôle comprenant un corps de contrôle composé d’ingénieurs de la police des mines relevant de l’ANAM avec des pouvoirs d’inspection et de prescription, bénéficiant d’une protection contre les menaces. Le contrôle environnemental spécialisé s’exerce par les ingénieurs de police des mines qui contrôlent la mise en œuvre des plans de gestion environnementale, en coordination avec l’administration environnementale avec information obligatoire sur tout événement susceptible de constituer une infraction. Ils disposent de mesures préventives obligatoires pour supprimer, réduire ou compenser les nuisances et de pouvoirs d’urgence permettant la prescription de mesures de protection ou la suspension d’activité en cas de danger imminent.

Les sanctions et mesures incluent la suspension ou le retrait des titres en cas de manquement, des mesures conservatoires d’urgence et l’exécution d’office des travaux prescrits. Le régime de sanctions pénales prévoit pour l’exploitation illégale 1 à 3 ans d’emprisonnement et 1 à 3 millions de dinars d’amende, pour l’exploration illégale 2 mois à 2 ans et 200 000 à 2 millions de dinars, pour les atteintes environnementales 2 à 4 ans et 2 à 4 millions de dinars, avec des peines spécifiques renforcées pour les violations en mer. Les mesures complémentaires comprennent la saisie des équipements, la confiscation possible et la responsabilité des personnes morales.

Cette réforme législative, fruit de plus de trois années de consultation avec différents acteurs, représente un tournant stratégique pour l’économie algérienne. En modernisant le cadre juridique et institutionnel du secteur minier, elle vise à attirer les investissements nécessaires au développement des importantes ressources minières du pays tout en établissant un régime minier moderne privilégiant le contrôle étatique renforcé via les agences indépendantes, la participation nationale obligatoire dans les projets majeurs, la protection environnementale comme priorité, le développement du contenu local, la transparence dans l’attribution des titres et la sécurisation juridique des investissements conformes. Cette réforme s’inscrit dans une vision globale de transformation économique, visant à faire du secteur minier un pilier de la diversification hors hydrocarbures et un levier de création de richesses durables.

Samira Ghrib

admin

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