Polémique autour de la levée de la réserve sur l’article 15 de la CEDAW : Les raisons d’une décision
Le maintien de la réserve sur l’article 15 alinéa 4 était instrumentalisé par les parties hostiles à l’Algérie pour promouvoir auprès des organisations de défense des droits de l’homme l’idée selon laquelle notre pays appliquait une discrimination entre les hommes et les femmes concernant le droit de circuler et de choisir la résidence, alors que la législation algérienne ne prévoit aucune mesure restrictive à l’égard des femmes en la matière.
L’Algérie a levé par décret présidentiel sa réserve sur l’article 15 alinéa 4 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), une décision qui a suscité une vive polémique suscitée notamment les partis de la mouvance islamiste. La publication de ce décret au Journal officiel divise entre ceux qui y voient une avancée dans la promotion des droits des femmes et ceux qui mettent en garde contre les conséquences d’un alignement sur des modèles jugés incompatibles avec les traditions algériennes. Selon les sources gouvernementales contactées par l’APS, cette décision constitue « une simple mesure technique rendue nécessaire par la disparition de la raison qui avait initialement conduit notre pays à émettre une réserve sur le texte de l’article 15 alinéa 4 lors de la ratification de la convention en 1996 ». L’article 15 alinéa 4 de la CEDAW reconnaît à l’homme et à la femme les mêmes droits en matière de choix de la résidence et du domicile. L’Algérie avait émis cette réserve en s’appuyant sur les dispositions de l’article 37 du code de la famille de l’époque, article qui a été abrogé en 2005. Lors de la ratification de la convention en 1996, l’Algérie avait émis des réserves sur cinq dispositions en raison de leur incompatibilité avec les lois nationales, notamment le code de la famille et le code de la nationalité. Avec l’évolution progressive de la législation nationale, le pays a levé certaines de ces réserves, comme en 2005 lorsque l’Algérie a retiré sa réserve sur les dispositions reconnaissant le droit de la mère de transmettre sa nationalité à ses enfants, suite à l’amendement du Code de la nationalité.
Les sources officielles précisent que « l’approche algérienne concernant ce type de conventions consiste à modifier d’abord la législation nationale avant de procéder, dans un deuxième temps, à la levée des réserves enregistrées au niveau international ». Elles soulignent que cette levée de réserve « n’entraînera aucune modification des lois nationales » puisque « la réserve algérienne a perdu sa raison d’être et n’est fondée désormais sur aucune base juridique dans la législation nationale ». Le Rassemblement national démocratique (RND) a défendu cette décision dans un communiqué, affirmant que « la levée de la réserve sur l’article 15 alinéa 4 de la CEDAW est une décision souveraine, en accord avec la juste compréhension des finalités de l’Islam ». Le parti ajoute qu’elle « renforce la place de l’Algérie sur la scène internationale et consacre les droits de ses citoyens sans discrimination ». Le RND estime que cette démarche « s’inscrit aussi dans la logique de préservation de la stabilité de la famille algérienne, ainsi que de la souveraineté et de la place de l’État dans le concert des nations ». Le parti considère que « les discours d’agitation et de division de l’opinion publique contre cette décision ne sont qu’une vaine tentative de freiner l’Algérie dans son processus de réformes » et affirme que « la levée de la réserve par un décret présidentiel est en cohérence avec la Constitution et ses principes et s’inscrit dans le plein exercice de la souveraineté algérienne dans l’adaptation de ses engagements internationaux au service de ses intérêts nationaux ». Le RND justifie sa position en expliquant que « la liberté de circulation et de résidence pour la femme est une réalité, vu que des milliers d’Algériennes travaillent et voyagent pour des soins et des études, et, par conséquent, cette décision ne fait qu’ancrer cette réalité dans un cadre juridique ». Pour ce parti, la crainte d’une « désintégration familiale » est injustifiée, la famille algérienne étant régie par « le code de la famille et les coutumes ancrées ». « Cette décision ne remet pas cela en question, elle le met juste en équilibre avec les engagements internationaux », soutient le RND.
Une question instrumentalisée
L’opposition s’exprime par la voix de l’ancien président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abderrazak Makri, qui a dénoncé cette levée en estimant que la CEDAW est « dangereuse » parce qu’elle « contribue à fragmenter les familles et à soumettre les sociétés au modèle occidental ». Il affirme que l’Algérie a cédé aux « pressions occidentales » pour prendre cette décision. Le MSP a réagi en exprimant sa « surprise » face à la décision prise par l’Algérie, « en faisant un rappel historique des différentes étapes de la ratification de cette convention par l’Algérie ainsi que des réserves qu’elle a émises la concernant ». Les autorités soulignent cependant que « le maintien de la réserve sur l’article 15 alinéa 4 était instrumentalisé par les parties hostiles à l’Algérie pour promouvoir auprès des organisations de défense des droits de l’homme l’idée selon laquelle notre pays appliquait une discrimination entre les hommes et les femmes concernant le droit de circuler et de choisir la résidence, alors que la législation algérienne ne prévoit aucune mesure restrictive à l’égard des femmes en la matière ».
Hocine Fadheli