Économie

Le gaz, levier de la transition énergétique africaine

L’Afrique, riche en ressources énergétiques mais encore prisonnière de la pauvreté énergétique, cherche à bâtir une transition qui soutienne son industrialisation et son développement humain. Selon un rapport publié par le GECF, le gaz naturel, grâce à sa flexibilité et son abondance, pourrait jouer un rôle pivot dans ce processus, en complément des énergies renouvelables. Alors que la population africaine devrait franchir le cap des 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050, la question énergétique se pose avec une acuité inédite. Un récent rapport publié par le Forum des pays exportateurs de gaz et intitulé Energy Access and Development in Africa: Strategic Role of Natural Gas met en lumière un paradoxe : l’Afrique est riche en ressources énergétiques, mais reste la région la plus touchée par la pauvreté énergétique. Près de 630 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité et un milliard dépendent de la biomasse traditionnelle pour cuisiner, avec des conséquences dramatiques sur la santé publique, l’environnement et la productivité économique. En dépit d’un triplement de la demande primaire d’énergie depuis 1982, la consommation par habitant stagne et représente à peine un tiers de la moyenne mondiale. Cette faiblesse traduit un déséquilibre profond : près de 60 % de l’énergie consommée est dédiée au secteur résidentiel, souvent sous forme de bois ou de charbon de bois, alors que l’industrie, moteur de l’emploi et de la croissance, reste sous-alimentée en énergie moderne. Le rapport souligne que pour atteindre un niveau de développement humain satisfaisant, chaque Africain devrait disposer d’au moins 70 gigajoules par an. Ce seuil impliquerait de quadrupler la production énergétique du continent d’ici 2050, afin d’éviter que la pauvreté énergétique ne continue de freiner l’industrialisation et l’intégration économique. Face à ce défi colossal, le gaz naturel apparaît comme un levier central. L’Afrique détient environ 8 % des réserves mondiales, notamment au Nigeria, au Mozambique, en Algérie ou en Égypte. Sa flexibilité et son abondance en font une source d’énergie particulièrement adaptée à la transition. Contrairement au charbon ou au pétrole, le gaz est une énergie plus propre, capable de fournir une électricité stable et pilotable, tout en facilitant l’intégration des énergies renouvelables intermittentes comme le solaire et l’éolien. Il représente aussi une alternative immédiate à la biomasse pour la cuisson grâce au développement du GPL, un sous-produit direct du gaz. Au plan économique, le gaz est également indispensable à la production d’engrais, et donc à la sécurité alimentaire d’un continent dont la population active explose. Dans l’industrie, il peut alimenter des secteurs clés comme le ciment, la sidérurgie ou la pétrochimie, contribuant à créer de la valeur ajoutée localement plutôt que de continuer à exporter des matières premières brutes.

1000 milliards USD d’investissements

Selon les projections du rapport, la demande de gaz en Afrique devrait plus que doubler d’ici 2050 pour atteindre près de 385 milliards de mètres cubes par an. Le gaz couvrirait alors 43 % des besoins électriques supplémentaires du continent. En parallèle, la production africaine est aussi appelée à doubler, renforçant le rôle du continent comme fournisseur stratégique de gaz naturel liquéfié (GNL) sur le marché mondial. Mais cette trajectoire suppose des investissements massifs : près de 1 000 milliards de dollars seront nécessaires d’ici le milieu du siècle, dont 90 % dans l’amont gazier. Pour réaliser ce potentiel, le rapport insiste sur trois leviers essentiels, selon le GECF. Sur le plan politique, les États africains doivent instaurer des cadres réglementaires prévisibles et attractifs pour les investisseurs, tout en développant des stratégies nationales du gaz cohérentes. Financièrement, l’appui des banques multilatérales de développement, des partenariats public-privé et des instruments de finance verte sera indispensable pour mobiliser les capitaux. Enfin, sur le plan technologique, des solutions innovantes – du GNL flottant aux pipelines virtuels – permettront de desservir aussi bien les zones urbaines que rurales.

Le rapport souligne enfin que l’Afrique, malgré ses ambitions gazières, ne représenterait que 3,5 % des émissions mondiales cumulées, même en exploitant toutes ses réserves. Le recours au gaz naturel s’inscrit donc dans une logique de justice climatique : permettre au continent de se développer sans reproduire les trajectoires fortement carbonées des pays industrialisés.

 L’avenir énergétique de l’Afrique repose sur un équilibre subtil : accélérer l’accès universel à l’énergie moderne tout en intégrant progressivement les renouvelables. Dans ce scénario, le gaz naturel apparaît comme l’épine dorsale de la transition. S’il est associé à une gouvernance efficace, à des financements innovants et à une coopération régionale renforcée, il peut devenir le catalyseur d’une transformation économique et sociale majeure. Le défi est immense, mais l’enjeu est vital : il s’agit pour l’Afrique de transformer sa croissance démographique en dividende économique, et non en fardeau. Le gaz, en attendant le plein essor des renouvelables, est l’énergie qui fera basculer le continent vers la prospérité.

Samira Ghrib

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