Sur fond de crise politique et sociale : La France secouée par une journée de manifestations et de blocages
La France a connu ce mercredi une journée de tensions d’une ampleur inédite, marquée par des manifestations, des blocages et une grève des paiements par carte bancaire, à l’appel du mouvement « Bloquons tout », né sur les réseaux sociaux au cœur de l’été. Dépourvu de leaders identifiés mais nourri par la colère contre l’inflation, l’austérité et une classe politique jugée déconnectée, ce mouvement protéiforme a trouvé un relais dans certaines formations de gauche et bénéficie d’un soutien non négligeable dans l’opinion publique. Cette mobilisation intervient dans un contexte de crise politique majeure : la démission du Premier ministre François Bayrou, sanctionné par un vote de défiance à l’Assemblée nationale lundi, et la nomination de son successeur Sébastien Lecornu un proche d’Emmanuel Macron. En toile de fond, un plan budgétaire rejeté par une partie de la société, comprenant 43,8 milliards d’euros de coupes, dont 5 milliards dans la santé, et la suppression de deux jours fériés. Selon le ministère français de l’Intérieur, on recensait dès le début d’après-midi 430 actions sur le territoire, dont 273 rassemblements et 157 blocages, mobilisant 29 000 personnes, avec 105 départs de feu et 295 interpellations, dont plus de la moitié en région parisienne. Face à l’ampleur de la contestation, 80 000 policiers et gendarmes ont été déployés et une cellule interministérielle de crise a été activée. À Paris, la situation a été particulièrement tendue. Des barricades de poubelles ont été érigées dès l’aube, des incendies allumés, tandis que des manifestants tentaient d’envahir le périphérique ou d’empêcher l’accès à l’aéroport d’Orly. La gare du Nord a été le théâtre de heurts et de slogans hostiles à Emmanuel Macron, dispersés par des gaz lacrymogènes. Dans les régions, les blocages ont paralysé de nombreuses infrastructures. À Marseille, 400 personnes ont brièvement coupé la circulation près du siège de la CMA CGM, fortement protégé. À Toulouse, un rond-point a été tenu une heure par environ 200 manifestants. À Strasbourg, l’autoroute M35 a été interrompue dans les deux sens. À Rennes, Caen ou Bordeaux, ronds-points et dépôts de tramways ont été ciblés. La SNCF a signalé des dégradations de câbles dans le Sud-Ouest, perturbant les liaisons Bordeaux-Toulouse et Toulouse-Auch, et affirmé avoir déjoué des tentatives d’envahissement de gares à Paris, Marseille et Montpellier. Le mouvement a aussi touché les établissements scolaires : une centaine de lycées perturbés, dont 27 totalement bloqués, principalement à Paris, Rennes, Lille et Montpellier. Selon les organisations lycéennes et étudiantes, près de 150 établissements ont été concernés. Le ministère de l’Éducation évoque un taux de grève d’environ 6 % dans les collèges et lycées. Témoins et participants ont exprimé des sentiments contrastés : « Je manifeste aujourd’hui parce qu’on en a marre de tout. Macron ne peut pas continuer à nous ignorer », explique Marie, étudiante et comédienne, dénonçant les coupes budgétaires dans la culture. D’autres, comme Nesrine, cheffe de projet à Montreuil, se disent compréhensifs mais opposés aux dégradations : « Casser n’apporte rien, ce sont les contribuables qui paient ». Selon un sondage Ipsos, 46 % des Français soutiennent « Bloquons tout », un chiffre qui grimpe à plus de la moitié chez les électeurs du Rassemblement national. La CGT et SUD se sont joints à l’appel, recensant plus de 700 grèves dans des entreprises et administrations. Éric Challal, de SUD Rail, affirme que « la colère couvait depuis des mois, depuis l’annonce du plan Bayrou ». Les pharmaciens, menacés par une réduction des remboursements, annoncent rejoindre la mobilisation la semaine prochaine, alertant sur le risque de fermeture de 6 000 officines. Dans ce climat explosif, les mots d’ordre de « Bloquons tout » – boycott, désobéissance et solidarité – traduisent une volonté d’embrayer sur une paralysie générale du pays. Si la mobilisation d’hier devait servir de baromètre, elle confirme qu’un large pan de la société française rejette les orientations budgétaires du gouvernement et défie un exécutif fragilisé, à la veille d’une nouvelle journée de grèves et de manifestations prévue le 18 septembre.
L.S.